samedi 4 novembre 2017

GEnove GE9

S’il n’est pas besoin de connaître Gênes pour circuler dans l’ouvrage que Benoît Vincent consacre à la ville, il est, par contre, difficile de ne pas succomber à l’envie de s’y rendre après lecture. Son exploration des lieux incite réellement à la découverte. Il s’y promène en un texte foisonnant, mêlant érudition, notes précises, cartes postales, escapades en Ligurie, incursions dans la baie, parcours multiples et évocations d’écrivains, de peintres, de navigateurs et d’hommes célèbres dont les traces restent ancrées dans la longue mémoire de la ville.

Il avance dans sa quête en s’adressant au résident qui l’accueille. Tout l’intéresse. Ponts, quartiers, églises, monuments, pionniers, fantômes, cimetières, plages, chants, hôpitaux sont présents. Tous chuchotent des secrets qu’il convient de capter. Pour mieux se perdre dans la complexité d’une ville qui s’ouvre à la mer tout en maintenant un contact étroit avec la montagne.

« Mais quand tu débarques dans une ville inconnue, n’es-tu pas pris de vertige par la variété des noms locaux, et très vite perdu dans leur lecture, leur nomination sur les plans, les réseaux de transports, les panneaux, les bouches des gens ? Il faut accepter de se perdre pour circuler. »

Se perdre pour mieux inventer ses propres points de repères. Qui tournent autour de la géographie, de l’histoire, de l’architecture et des nombreux symboles que recèle la cité. Parmi eux, il y a La Lanterna, « lanterne plus dédiée au ciel qu’à la mer », phare qui semble s’amuser à couper des parts de Gênes à la nuit tombée et au chevet duquel les peintres Rubens, Poussin et Van Dyck ne comptèrent pas leurs heures.

On le sait, c’est de ce port que Christophe Colomb (qui y était né) s’embarqua pour l’Amérique. C’est ici, plus récemment, qu’eurent lieu les émeutes et violences policières du G8 en 2001. Ici également que l’on a désossé le Costa Concordia, ce paquebot qui s’était empalé sur des récifs au large de la Toscane un vendredi 13. Des séquences que Benoît Vincent mentionne (entre quelques centaines d’autres, bien plus lointaines dans le temps) au fil de ses pérégrinations dans l’un des plus grands et plus anciens ports d’Europe. Lieu de départ pour de nombreux italiens.

« Il y eut les Mille de Garibaldi qui partirent de Quarto et vinrent conquérir cette terre nouvelle qui serait la République italienne. Il y eut les centaines de milliers de migrants qui s’embarquèrent à Gênes pour le monde entier, principalement les deux Amériques (New York City et Buenos Aires en tête). »

Cet ensemble – que l’on peut arpenter en empruntant plusieurs itinéraires – n’a évidemment rien du guide touristique. C’est d’abord un ouvrage foisonnant, conçu par un curieux qui ne cesse de noter ses étonnements, de questionner ce qu’il découvre d’une ville trop riche pour qu’on puisse n’en faire qu’une lecture linéaire. C’est à une marelle étonnante, à une imparable parade oulipienne, à une savante déconstruction (pivotant autour du chiffre 9) que s’adonne Benoît Vincent, en inventant Gênes au pluriel, et en invitant le lecteur à en faire de même.

"C’est un texte à part, dans mon travail, qui n’a pour autre ambition que d’accepter de se perdre. Une autogéographie."

Benoît Vincent : GEnove GE9, éditions Le Nouvel Attila / Othello.

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