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lundi 4 août 2014

L'arrachoir

Il ne faut que deux ou trois pages à Françoise Favretto pour isoler un décor et y caler une séquence qu’elle extrait de sa mémoire ou qu’elle crée à partir des éléments que celle-ci a sauvegardés. Les pièces qu’elle arrache ainsi au passé, et qu’elle reconstitue sous forme de nouvelles, de récits ou de chroniques sont brèves et percutantes. Beaucoup d’entre elles tournent autour de l’ambivalence des sentiments et des émotions. Le regard y est omniprésent. C’est par lui (qui détecte, surprend, découvre) que la scène de vie observée ou retrouvée entre dans l’imagination de celle qui s’en empare. Elle oscille dès lors entre fiction et biographie. Tout ce qui revient (mort précoce d’un cousin complice, départ du père, souvenir d’un rendez-vous raté, cohue dans une gare, poupée éventrée) est source de questionnements chez celle qui assiste, tout à la fois étonnée, médusée, ironique, affectée ou désemparée, à ce qui se trame, presque par inadvertance, en elle ou sous ses yeux. En s’emparant, comme elle le fait, de courts moments de l’histoire des autres, dont certains lui sont totalement inconnus, elle sait qu’elle peut, elle aussi, à ses dépends, un jour servir de personnage à un anonyme qui aura porté, un instant, son attention sur elle.

« je veux bien aider mon auteur en lui racontant ma vie. Il doit me prendre du dedans – même si cette expression est très érotique, je vous assure qu’il n’y aura rien entre nous. je dois me glisser au fond de son imaginaire, m’arracher du virtuel. je suis l’imaginaire de quelqu’un. je dois me faire à cette idée. après il s’en servira pour me créer et faire du deuxième degré. »

Françoise Favretto ne néglige jamais l’envers du décor. Ni l’intériorité des uns et des autres. Cela l’aide à tisser des relations infimes mais très sensibles entre elle et ceux qu’elle évoque dans ses textes. Elle peut assez aisément prendre leur place et se dédoubler en chahutant subtilement la raison sur de très courts laps de temps avant de retrouver ces livres qu’elle ne quitte jamais très longtemps.

« Quand je n’ai pas pu me plonger dans un livre depuis quelque temps, c’est comme si j’avais faim, quelque chose me manque. »

Et les livres, Françoise Favretto vit avec depuis des décennies. Comme lectrice bien sûr, mais aussi, et avant tout, comme éditrice au sein de l’Atelier de l’agneau et des différentes revues qu’elle a initiées et animées.

 Françoise Favretto : L’arrachoir, Atelier de l’agneau.