jeudi 22 mai 2025

La petite dame

C’est un bel exercice d’équilibriste que celui auquel s’adonne ici Valérie Rouzeau. Celle que certains (dans la rue ou ailleurs) ont pu appeler "la petite dame" a un nom, une identité, une histoire, une vie sociale, une vie tout court. Pour ceux qui la connaissent, elle se nomme Valérie Rouzeau et pour elle, depuis l’enfance, qui n’est jamais loin et dont elle a su garder la fraîcheur, elle est tout simplement Valérie.

« On ne sait pas vraiment qui est "la petite dame". Un jour on vous interpelle ainsi, et vous vous demandez ce qui vous arrive, s’il s’agit de vous. »

Serait-elle devenue, sans s’en apercevoir, et sous appellation non contrôlée, une autre ? La réponse est évidemment non mais la question ainsi posée incite à se prendre au jeu, à faire se frôler des ombres, celles du présent et du passé, à initier un échange ludique et malicieux entre ce que l’on sait être et la perception que les autres peuvent avoir de vous, à mettre en scène ces (désormais) trois parts de soi et à demander à une narratrice (quatrième et invisible personnage) de scruter les allées et venues des figurants de ce petit monde inventé.

« Avec les pieds à la traîne
Le cœur avancé
La tête mal ponctuelle
De Valérie le carnet répertoire
N’est pas à jour alors
La petite dame décompose
Trois numéros de téléphone
Minimum et plutôt quatre :
Trop de mains mortes. »

Maîtrisant parfaitement l’art du bref, Valérie Rouzeau soutire au temps qui passe de courts moments, des éclats ciselés et délicats habités parfois par le souvenir des amis poètes qui ne sont plus. Il lui arrive d’avoir le cœur lourd, de devoir le poser momentanément et de le reprendre pour repartir de l’avant, guidée par la légèreté qui respire en ses poèmes. Quand le doute rode aux abords, elle le repère et fait en sorte de déjouer ses plans. S’il est trop pressant (oppressant), elle bifurque, procède à quelques pirouettes salvatrices, joue avec les mots, s’en remet à la fantaisie qui peut naître à la faveur d’une simple association d’idées.

« Sortie pour prendre l’air
Elle rentre ayant pris l’eau
Soupir prière soupière
Voici venir l’hiver »

« Roman en vers presque », dit-elle en évoquant cet ensemble. Et c’est effectivement le cas, ses poèmes devenant les jalons (non chronologiques) d’une période de vie ordinaire, celle de ces dernières années. Livre dédié "à la mémoire de Caroline Sagot Duvauroux et de son compagnon de route Michel Anseaume".

« Être en ton cœur quelle bonne cachette
Quelle planque secrète
Oh Caroline où va ta cendre
Avec quels oiseaux migrateurs
T’es-tu envolée
Toi qui vis dans le mien de cœur
Rouge-gorge mortel mais éternel
Avec Michel »

 Valérie Rouzeau : La petite dame, La Table Ronde

Vrouz, publié en 2012, paraît en édition de poche chez le même éditeur (collection petite Vermillon).

1 commentaire:

  1. Une bonne nouvelle que cette sortie à mettre dabs la poche.
    Merci de l'information
    et des extraits.

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