vendredi 19 novembre 2010

69 vies de mon père

Dire le père, la mort du père, sans effusion, en allant au plus précis, au plus juste de ce que fut son existence, ce qu’il en reste, ce qui (de lui) revient en boucle et en mémoire, voilà la ligne délicate, le fil fragile que Ludovic Degroote a décidé de suivre pour mener à bien ce récit volontairement éclaté.

« Je suis né le 2 avril 1920 à Hazebrouck, au 41 de la rue du Rivage, et mort à La Madeleine le 9 juin 1989, 143 avenue de la République. Né chez moi, mort chez moi. Entre ces deux dates, ma vie. Je crois qu’en mourant j’ai laissé quelque chose qui ne m’appartenait plus. »

C’est ce "quelque chose", qui désormais appartient aux autres, que Ludovic Degroote exprime ici, en 69 séquences, le nombre d’années vécues par celui dont il retrace le parcours, le faisant (page à page) se dire, se répéter, revenir sur des scènes, des épisodes, des guerres, des morts jamais acceptées, dans une manière proche de la supplique, de l’incantation, de la psalmodie.

« mon Dieu mon Dieu, c’est terrible ce désarroi humain, cette honte de voir se succéder ces soirs sans vie, prétendus libres et brassés par le vide, on ne se sentirait pas plus seul face à une croix sans corps. »

De lui, le père, on apprend peu à peu le métier non voulu (brasseur), la lignée sinueuse, le père mort - comme le grand père - à 60 ans, la mort d’une fille dont il ne se remettra jamais ("chaque jour me voilà qui meurs d’être encore là abandonné en 66 Godeleine 18 ans morte et toute ma vie là 46 ans d’une vie achevée"), la fatigue ("minuit déjà et je ne suis pas monté c’est à cause de tout ce travail"), le besoin d’aligner des chiffres, des dates, de jongler avec eux ("oh les calculs j’aime ça. Faire les comptes, établir des prévisions, ça on peut dire que j’aime ça"), bref le parcours, le destin, les rêves sinon brisés tout au moins contrariés d’un homme à la fois unique et ordinaire...

Cet homme, au fur et à mesure que se dessine son portrait apparaît, également, de plus en plus nettement, ce qui le différencie de ce fils ("mon fils et moi on ne se comprend pas") qui tente après coup de lui donner la parole. L’écriture est une de ces divergences.

« Mon fils écrit des poèmes, je n’y comprends rien. Il passe sa journée à écrire des poèmes, comme s’il n’avait rien d’autre à faire, il ne travaille pas, il ne lit pas, il ne voit pas d’amis, il écrit des poèmes, et je crois qu’en plus ils sont très mauvais. »

D’autres différences et désaccords (ou incompréhensions) ("lève-toi, je t’en prie, ça me fait mal de te voir assis, toute l’église est debout") jalonnent ce récit ample et vivant, idéal pour la diction, plein de gravité et d’humanité, jusque dans la souffrance et le désenchantement qui souvent affleurent.
69 vies de mon père  est à placer dans la proximité d’un autre livre de Ludovic Degroote : Pensées des morts (éditions Tarabuste), recueil pour lequel il a reçu le prix des Découvreurs en 2005.

Ludovic Degroote : 69 vies de mon père, éditions Champ Vallon.

dimanche 14 novembre 2010

Absent de Bagdad

Ceux qui lisent régulièrement Jean-Claude Pirotte savent qu’il ne faut surtout pas, pour évoquer l’auteur des Récits incertains (Le Temps qu’il fait, 1992) se cantonner au seul registre des brumes, des bruines, des bars et des petits matins gris qui collent de loin en loin (c’est indéniable) leur rosée mélancolique sur les plis et replis de plusieurs de ses livres. Cela, c’est le versant nord, fugueur, nomade, curieux, originel, rêveur de l’oeuvre. Celui où il se rapproche des auteurs (Dhôtel, Follain, Thomas, Thiry) sans lesquels il n’aurait peut-être jamais trouvé cette voix émouvante et singulière qui est aujourd’hui la sienne.

Or, il est un autre versant, un territoire plus coupant, décapant, rude (où se mêlent l’humilité et les creux ou hauts fonds de l’âme humaine) sur lequel Pirotte s’aventure de temps en temps, donnant des récits brefs, efficaces, tranchants. Des textes où chaque phrase pèse et porte. Ces textes descendent souvent vers le sud. Ce fut le cas avec Un voyage en automne (La Table Ronde, 1996) ou Cavale (même éditeur, 1997) et ça l’est à nouveau avec le cinglant et remarquable Absent de Bagdad.

« au début j’avais réussi à écrire quelques mots dans ma langue, ou plutôt les graver du bout de l’ongle sur un carton minuscule que j’avais trouvé dans le noir en tâtonnant, ils ont dit que j’avais écrit le nom d’Allah et que c’était de l’arabe, mais ils se trompaient, il n’y avait ni le nom d’Allah ni aucun mot d’arabe, c’était le prénom de ma fiancée turque, et d’autres mots griffonnés que j’ai oubliés après qu’ils m’eurent enchaîné les mains et les pieds, la main gauche au pied droit, la droite au pied gauche, et qu’ils m’eurent entouré le cou d’une laisse cloutée au moyen de laquelle ils me traînaient dans une galerie souterraine semée de tessons de bouteilles ».

Histoire adaptable à toutes les époques. Un homme est enfermé dans une cave. Humilié, il n’en résiste pas moins, appelant à la rescousse, outre ses amis d’Istanbul (Shevket, Hassan, Youssouf, Lakhbar et tant d’autres), les écrivains susceptibles de l’aider à tenir : Montaigne, Bernanos, Ibn’ Arabi.

« J’avais été jeté dans ce trou obscur la tête cagoulée et les mains entravées, j’étais étendu sur un sol de terre battue et de poussière qui ne me révélait rien, je me suis traîné juqu’à toucher de l’épaule une paroi contre laquelle j’ai réussi à me redresser d’abord, à m’appuyer ensuite »

Impossible, avançant dans ce récit où abondent incises et signaux lancés à un hypothétique auditeur (il s’agit d’un monologue haletant, d’un texte pour voix) de ne pas penser à la prison d’Abou Ghraib et aux images diffusées partout dans le monde qui montraient les supplices infligés aux détenus par des membres de l’armée américaine. La métisse cheyenne aux yeux verts ("la jeune femme sergent qui me baptise d’un jet d’urine") ressemble, à s’y méprendre, à Lynndie England, la soldate garde-chiourme que l’on a vu à l’oeuvre à la une de bien des quotidiens.

Ces images, Pirotte, comme tout un chacun, les a vues. Il les a reçues en pleine figure, les a capturées et retravaillées, demandant à ce narrateur qui lui ressemble et qui subit le sort des humiliés de serrer et de polir au plus près ces images-là afin de les transformer en pierres capables de retomber, en pluie sèche, sur ceux qui ont initié ce jeu de mort.

Absent de Bagdad est un livre de colère, de réflexion, de résistance. Müslüm, le narrateur, ne se contente pas de décrire ses conditions de détention. Il s’adresse également (à mi-voix, en murmure intérieur) à ceux qui le détiennent.

« et vous tous, qui nous tenez à votre merci, de quelle école de droit frelaté, de quels enseignements de l’imposture avez-vous reçu vos diplômes, vos médailles, vos grades

un jour j’ai lu ceci : les imbéciles sont travaillés par l’idée de la rédemption, je crois que ce vieux livre parle de vous

il parle aussi de vous lorsqu’il nous apprend que, pour déchaîner la colère des imbéciles, il suffit de les mettre en contradiction avec eux-mêmes. » 

Jean-Claude Pirotte : Absent de Bagdad, éditions La Table ronde.

mercredi 10 novembre 2010

Moi qui ai servi le roi d'Angleterre

Une simple phrase (« suivez attentivement ce que je vais vous raconter ») et voilà le monologue qui démarre, sans préambule, à toute vitesse, Hrabal faisant feu de tout bois pour projeter son narrateur sur des chemins de plus en plus scabreux. C’est que l’homme, personnage de petite taille, qui débute comme groom à l’hôtel « À la ville dorée de Prague », a une ambition : devenir riche au point de pouvoir recouvrir chaque soir le plancher de sa chambre avec les billets gagnés durant la journée. Pour cela : ne pas hésiter à s’accommoder de l’histoire et de ses à-côtés, celle de la Tchécoslovaquie de l’époque (des années 20 au coup d’État de 1948) n’en manquant vraiment pas.

Hrabal plante le décor. Il aime s’amuser, multiplier les situations cocasses, susciter la naïveté, l’innocence feinte, la rouerie, l’opportunisme, la lâcheté, mais aussi la culpabilité, la gravité et même la sagesse de ce héros qui d’étincelle en étincelle allume (à l’instar du brave soldat Chvéïk de Jaroslav Hasek) des incendies partout où il passe, finissant bien sûr par s’y brûler.

« Il me recommandait d’apprendre à jauger les capacités financières du client pour évaluer ce que celui-ci pouvait ou devrait se permettre comme dépense. Voilà l’essentiel pour faire un bon maître d’hôtel, me disait-il, et quand on en avait le temps, il m’indiquait à voix basse de quel genre était le client qui venait d’entrer. (...) À chaque coup il avait raison, toujours et sans exception. Au point qu’une fois je m’étais enhardi jusqu’à lui demander sans détour : mais comment se fait-il que vous sachiez tout ça ? Et il me répondit en se redressant fièrement : c’est que j’ai servi le roi d’Angleterre... »

Bientôt Jan Ditie, enfant sorti de nulle part, passé de groom à maître d’hôtel (devenant ensuite patron puis millionnaire mais sans jamais s’affranchir de sa condition de valet) pourra lui aussi se prévaloir d’un titre de gloire. Il n’aura pas servi le roi d’Angleterre mais l’empereur d’Éthiopie en personne, lors d’un repas épique avec chameau égorgé sur place, antilopes rôties et remplies de dindons farcis eux-mêmes garnis de centaines d’œufs durs et de poissons, le tout agrémenté de cornets d’épices et badigeonné d’un bouquet de menthe trempé dans de la bière.

Ce sera l’apothéose avant la dégringolade amorcée dès le début de la guerre (Ditie se marie avec une Allemande prof de gym) et parachevée par le coup d’État communiste, « tous les droits de propriété passant désormais entre les mains du peuple ».

« Ma chance, c’est d’avoir sans cesse été poursuivi par la malchance », marmonnera, plus tard, celui qui termine son périple en solo, perdu dans un bistrot délabré d’un village de montagne, en compagnie d’un cheval, d’une chèvre, d’un chien et d’un chat...

Bohumil Hrabal  est de ces rares qui peuvent évoquer des faits graves avec légèreté, maniant un humour féroce et salvateur en dosant avec parcimonie anecdotes et scènes cocasses. Cela procure une grande humanité à ce récit où, de temps à autre, « l’inconcevable devient réalité ». On retrouve cette démesure slave et quasi naturelle dans le film que son ami Jiri Menzel (à qui l’on devait déjà Trains étroitement surveillés et La Chevelure sacrifiée) a réalisé à partir de Moi qui ai servi le roi d'Angleterre. Une verve et une fulgurance qui, passant du comique au drame sans transition, rendent hommage à l’imaginaire ébouriffant de l’homme libre que fut, sa vie durant, et ce malgré ses multiples peurs totales et ses nombreux déboires éditoriaux (livres interdits et pilonnés) l’écrivain Hrabal.

Bohumil Hrabal : Moi qui ai servi le roi d’Angleterre (Pavillons poche / éditions Robert Laffont).

jeudi 4 novembre 2010

Journal de la fille qui cherche

Il faut revenir en arrière, retourner à Tendre barbare (disponible en Poche/Biblio), le livre de Bohumil Hrabal (1914-1997) pour retrouver, cavalant dans les rues et les environs de Prague, en compagnie du célèbre palabreur, raconteur, coupeur et dénicheur d’histoires, deux autres protagonistes cherchant, comme lui, des repères dans une Bohême (celle des années 50) bien cadenassée.

Ces deux-là se nomment Vladimir Boudnik (1924-1968), artiste, graphiste, graveur, auteur de nombreux manifestes - autour de « l’explosionalisme », mouvement qu’il inventa - et Egon Bondy, poète, écrivain, philosophe peu connu en France mais néanmoins présent, et c’est une chance, grâce au Journal de la fille qui cherche, traduit par Marcela Salivarova .

Egon Bondy (de son vrai nom Zbynek Fiser) est né en 1930 à Prague. Il fut l’une des figures légendaires de la ville avant de la quitter pour s'installer à Bratislava où il est décédé en avril 2007. Il fut durant de longues années, très actif sur la scène littéraire (c’est lui qui a créé l’une des premières maisons d’éditions clandestines, Pulnoc - Minuit -) et musicale (le groupe de rock « The Plastic People of the Universe » a souvent mis ses textes en musique).

Hrabal l’a toujours placé au plus haut dans ses rencontres. En route pour ses « virées à la bière », l’extravagance, la folie, les coups de gueule ou de cafard de Bondy l’ont plus d’une fois mis en appétit.

« Nous sommes allés aux champignons dans les bois de Brdy. Ce n’était pas seulement pour les champignons, nous voulions suivre la voie de chemin de fer sur laquelle Egon Bondy, abruti par des opiacés, s’était couché pour se faire écraser sans douleur - mais cette nuit-là, la voie sur laquelle Egon était couché était hors service et le matin il s’était réveillé non pas dans l’empire de l’ontologie mais bel et bien sur les rails, pendant que les trains roulaient sur la voie d’à côté ».

C’est cet imprévisible Bondy, poète à la recherche de lui-même, que l’on côtoie tout au long du Journal de la fille qui cherche Egon Bondy. Le livre, on s’en doute, est écrit à la troisième personne du féminin. 

« Cette année en été je suis enfin partie en toute liberté
à la sortie de la ville aussitôt je me suis déshabillée
et maintenant je me balade dans les champs autour de Prague nue
sauf pour traverser les villages j’enfile un sac avec des trous
pour la tête
et pour les mains »

Suivent 44 séquences débridées et autant d’épopées champêtres qui forment une seule et même quête :

« On m’a raconté que Bondy aussi se balade à travers le pays
complètement déshabillé
et qu’il porte de la bière avec lui
J’aimerais le rencontrer ! »

C’est en fait une histoire d’amour vrai - et torride - que Bondy met ici en scène.
« Jadis quand j’étais jeune et fou je suis tombé amoureux de la femme fatale de ma vie qui était la fille de la femme fatale du poète le plus connu de mon pays »

Celle-ci s’appelle Jana Krejcarova. Quand il la rencontre, à la fin des années 40, elle est un peu plus âgée que lui. Son père était un architecte d’avant-garde. Sa mère, c’est Milena Jesenska, autrement dit la Milena des Lettres de Kafka, traductrice, journaliste et résistante morte au camp de Ravensbrück...

Bondy et Jana Krejcarova ont un commun désir d’écrire et de n’accepter aucun ordre ni dogme établi. Ils composent l’un et l’autre plusieurs séries de poèmes. Qu’ils échangent, coupent ou juxtaposent. Ce livre constitue l’un des éléments du puzzle. Si dans la première partie, Bondy flâne et écrit en lieu et place de celle qui a pris l’habitude de signer Honza (on la retrouve également sous ce nom dans plusieurs textes de Hrabal), dans la seconde c’est elle qui s’exprime à travers une longue lettre - fougueuse et enflammée - qu’elle adressa au poète en 1962, et dans laquelle elle fait part au dédicataire des effrénés désirs sexuels qui la tourmentent, lui demandant de venir, (il n’y manquera pas) expressément, et sur le champ, les satisfaire.

Egon Bondy : Journal de la fille qui cherche, éditions URDLA.

samedi 30 octobre 2010

Les Malchanceux

On a peine à imaginer qu’il aura fallu 40 ans aux lecteurs français pour pouvoir (enfin) découvrir Les Malchanceux de B.S. Johnson. Ce livre, peu à peu devenu un classique outre-Manche, est le chef d’œuvre d’un écrivain qui disait s’éloigner de la fiction parce qu’elle falsifiait trop la vérité. Cela ne l’empêcha pas d’écrire sept romans en une dizaine d’années et de se contredire sans sourciller avec, en filigrane, un argument choc : la vérité du moment n’est pas nécessairement celle du passé. Il peut advenir, par exemple, que la mémoire restitue certaines phases d’un passé plus ou moins récent en le modifiant et en devenant, par là même, elle-même, mécanique générant de la fiction. C’est ce qui se passe, par bribes, dans Les Malchanceux.

L’argument du livre est simple. Amené à produire des piges sportives pour un journal, un écrivain (Johnson en personne) passe ses samedis après-midi en déplacement d’un bout à l’autre du pays. Ce jour-là, il est envoyé dans une ville des Midlands. Il doit suivre le match de football qui oppose City à United. À peine franchi le hall de la gare, il s’aperçoit que cette ville ne lui est pas inconnue. Il y est même lié par des souvenirs très forts. Et ceux-ci le ramènent inévitablement à l’un de ses meilleurs amis, Tony, mort d’un cancer à l’âge de 29 ans.

Dès lors, le motif de son déplacement va se réduire et devenir anecdotique. Ce qui va le guider, ce n’est plus le match prévu (qui sera décevant, futile) mais les éléments qui vont l’aider à redonner toute sa place à Tony et à leur amitié. Pour revivre tout cela, ce désordre, ce puzzle qui se reconstitue à l’improviste et de façon éclatée, B.S. Johnson décide de construire un livre particulier.

Dans l’impossibilité d’accorder un suivi linéaire à une pensée en ébullition, et conscient des dangers de l’approximation (toujours dans l’optique de cette notion de vérité qui le hante), il va accepter l’idée d’écrire de façon discontinue en donnant enfin forme à ce fameux livre en boîte dont il rêvait depuis des années.
Ce livre, qui se veut « une métaphore du fonctionnement aléatoire de l’esprit », est conçu en 27 chapitres. Il ne sera – ne pourra – pas être relié puisque toutes ses sections participent à l’idée du chaos qui s’attache tout autant à la création qu’à la désintégration de la santé de Tony. Le mieux est donc de le mettre en boîte – comme on met au cercueil le corps de celui qui n’a pas résisté à la maladie – et de laisser ensuite le lecteur l’assembler à sa guise. C’est ce pari audacieux que l’auteur d’Albert Angelo réalise. Seuls le premier et le dernier chapitres sont présentés comme tels, donnant une assise romanesque à l’ensemble. Le reste est fait de cahiers qui, lus dans l’ordre que l’on veut, forment une grande et lucide méditation sur la disparition.

Connu pour sa forme expérimentale, ce livre est néanmoins simple et touchant par son approche lente et inexorable de la maladie. Johnson est un écrivain qui, dans la plupart de ses textes, va vers l’intime et l’autobiographie. Parfois, et c’est ici le cas, il prend des chemins détournés et se met en retrait. Cela ne l’empêche jamais d’être présent. Et de ressasser son mal être, ses ruptures, ses travaux aléatoires et ses projets littéraires. Même au chevet de l’ami qui se meurt, ces obsessions-là reviennent. Là où un autre prendrait soin de les taire, lui ne peut s’empêcher de les noter. Toujours au nom de cette vérité dont il se dépare pas.

Il faut encore ajouter, avec l’édition de ce livre unique, « un classique de son temps, et du nôtre », comme l’indique si justement Jonathan Coe dans sa préface, la très belle réalisation voulue par les éditions Quidam. L’ouvrage, présenté sous boîte, est donné tel que l’auteur l’avait souhaité lors de l’édition anglaise en 1969.

Bryan Stanley Johnson : Les Malchanceux, traduit de l’anglais par Françoise Marel, préface de Jonathan Coe, éditions Quidam.