Aux lecteurs / lectrices de choisir par quel texte débuter. Sans son stylo paraît une bonne option. L’écrivain n’a plus son outil de travail et se demande comment raconter la disparition du stylo sans l’utiliser. C’est compliqué. Quelques éléments sortis du théâtre de l’Absurde entrent en scène. Il doit jongler avec. Et se dédoubler. Être tantôt celui qui entame un récit avec décor familier et personnages inventés et tantôt l’autre, celui qui tâtonne faute de stylo, s’embarquant dans d’étranges situations. Le voilà, par exemple, en train de monter dans un arbre fantôme.
« Il a retrouvé l’arbre qui n’existe pas : il est dessus. Il est bien installé à califourchon sur une branche solide. »
Pas facile de vivre (et d’écrire) sans son stylo. C’est ce que démontre ici, avec l’esprit facétieux qui l’anime, Philippe Annocque dont on reconnaît aisément la patte, l’humour pince-sans-rire, le plaisir pris à créer des situations improbables et à pousser le bouchon toujours un peu plus loin.
Avec mon stylo, c’est une autre histoire. La magie opère. L’arme secrète vibre et rien ne peut résister à l’adversité. Le stylo est la clé qui ouvre toutes les portes. Finis les jours sans fin, passés à se lamenter, à courber l’échine, à travailler dur, à faire semblant.
« Je me sens dans une forme que personne d’autre que moi ne connaîtra jamais. Car pour connaître cette forme il faut posséder mon stylo, autrement dit il faut être moi, puisque c’est moi qui possède mon stylo. Comment en effet posséder mon stylo sans être moi ? »
Le stylo, objet usuel, pratique, quotidien, souvent relié à la main de l’homme et parfois même à son cerveau, est ici remarquablement mis à l’honneur, Philippe Annocque n’hésitant pas à le propulser en personnage central et déterminant d’un livre subtil et détonnant.
Philippe Annocque : Avec mon stylo / Sans son stylo, Éditions Do