Bibliothèque Poésie : extraits

 
 
Samedi 12 décembre

Sortir
la fenêtre
de lumière s'adosser
au mur blanc
sur ce pan
de lumière
adossé

.

fenêtre morte je ne sais
ce qu'est la mort ne m'en dis rien

.

maison de plage
et que les saisons passent
j'écris page après page
le souvenir de toi
c'est ce que font les vagues
le souvenir de toi

.

avec la lune (qui est un pays)
avec les fleurs
évanouies avec le vent
les méandres
 
.
 
mourir
est l'étrange chose
où chacun de nous
s'en est allé vivant
revenir à la mer y entendre sa voix
pas plus
qu'une ombre déjà fuie
images photographies
toutes bleues se consument
par le chemin qui descend toutes bleues se consument
de jour et de nuit de jour et de nuit
toutes bleues se consument
 
.
 
c'est mon pays du vent vers la mer (quelqu'un
qui toujours l'accompagne)
herbes
soulevées le vent ce n'est plus rien
que des paroles dites
sans beaucoup y penser
 
.
 
nous sommes
dans le jour très doux du soir sous l'autre ciel barques
amarrées peupliers proches
les jours sont traversés
comme des siècles en ce jardin
 
.
 
il y a dans ma mémoire
le sable 
de ton nom ton visage
bien sûr les vagues les visages nous nous endormirons
 
.
 
montent au ciel
toutes ces années depuis la baie
toutes ces années partir
s'en aller vers la mer jusqu'au sang
près de la mer où je t'attends
dis les mots la seule absence
sombres fumées montent au ciel
avant qu'ici ne se souvienne
dans le jour et la nuit
dans le jour et la nuit
infinis de la mer
 
 
Eric Sautou : C'est à peine s'il pleut (extraits)
 
 
 
 
 Lieu-dit
 
1

automne aile ouverte
sans écho que la caresse
du sol quand
brute allongée dure la terre
sous l'effet d'un stigmate sans poids
le touche
la feuille qui n'a plus attendu de
rêver son départ


ombres tirées depuis les lisières
du soleil de seize heures
la forêt main mise
déjà
sur la pente du champ

nuit avant la nuit
comme pour nous prévenir
et nous garder de trop de jour
où perdre nos yeux ouverts

ombres
offrandes portées
aussi loin que dure
l'aire du ciel
 
 
3
 
graine semée d'incertain retour
à l'horizon du trait de soc
tige feuille fleur
frêles érigées de la saison tournante
sur le terreau de la lumière
 
ainsi les morts
dans la terre de la mémoire
qui flottent parfois à la lisière de notre oeil 
avec l'évanescence de la brume
et dont la floraison n'arrive
qu'au terme d'une durée mystérieuse
 
comme
la sauge rouge au jardin versant
dans l'heure rocheuse
l'herbe profuse
aux lieux laissés
et la menthe qui croît à l'ombre
 
 
François Lerbret : Depuis le seuil (extraits)
 
 
 

Depuis l'enfance j'ai appris à dissimuler

me contentant de petites fugues à quelques pâtés de maisons

tournant en rond dans la cour

à distribuer des regards noirs à celles que je prétendais aimer

l'écran était ma chapelle

je me prosternais devant des corps étrangers

la grandeur des miens, une douce chimère

tout me revient alors par poignées de cendres

je me suis inventé un rêve

qui n'existe plus quand je ferme les yeux


                                                                *


L'homme fixe les deux traits noirs

au centre de son visage

déjà vieux sans prendre en âge


il hésite un moment

cherchant son coin de table

et choisit celui chargé d'images


sombre et poisseux

idéal pour y chasser à vue

guetter l'ami de passage


le seul capable

de redonner un peu de souffle

de taire l'angoisse


l'entraîner de l'autre côté du bar

où les liqueurs glauques

changent soudain de couleur


et au point du jour

sortir revigoré

l'amour à réinventer


Grégory Rateau : Imprécations nocturnes (extraits)

Conspirations éditions

 
 
 
 
 
Sermon joyeux de la crise sanitaire
(extraits)

Or ça doncques non, la légende

de saint Sanitaire n'est grande,

très dorée ni très adorée,

sinon voire est-elle abhorrée;

car il faut bien le reconnaître

et ce sans trop se compromettre:

saint Sanitaire s'exprima 

peu saintement sous nos climats.

Il s'ensuit que la platitude

ici sera mon altitude

en rimes qu'or avant je vais

yep sur ce thème deviser

des fois en paroles confuses

(et peut-être un peu trop profuses),

car fort lointain d'être angélique

est mon gros sens dur et mastic

qui ruralement s'applique à

mettre avant des pensées sans foi

ni loi mais où la joie demeure,

faisant qu'écrivant, je ne meurs.

C'est à tous ceux qui sont dessous

la nue que s'adresse avant tout 

ce sermon joyeux de l'exquise

joie d'écrire en un temps de crise,

qui de me lire auront le temps,

aux malades et aux bien portants,

aux pro, aux anti, vax ou pass

(je ne prêche aucune paroisse),

à celle fin de pouvoir dire

donc chose de quoi bien peu rirent,

or qui me mit en joie congrue

ce qui sera voire mal vu

(au vu de l'ampleur des dégâts),

mais dont il chaut si poi à moi.


(...)


Quand le premier confinement 

vint, advint à moi sur le champ

une incontrôlable énergie,

un remous intérieur de vie,

un bouillonnement explosif,

un contrecoup intempestif,

une agitation des plus almes,

une surexcitation calme,

un enivrement de raison, 

un enthousiasme tatillon,

une exaltation contrôlée,

un élan qui met en arrêt,

une frénésie alcyonienne,

une vraie joie baudelairienne,

une émotion insoupçonnable,


Jean-Pascal Dubost : La pandémiade (extraits), 

 

 

 Notre premier été
 
Pas là.
C'est long de ne pas s'embrasser.

Des oiseaux sont entrés dans le grenier.
Pas mon amour. M'a seulement laissé quelque chose dans la gorge.

En attendant les lettres l'air est presque humain.
L'enveloppe ouverte, de mon amour je vois le sexe.
Me l'a dessiné. Une seule phrase, un seul tracé.
L'invisible main donne.

Je dors sur ma joue:
Sortira du papier?

Je les entends pépier.
Contours si nets, le soin et la tendresse.
 

Tous les deux
 
Ou peut-être je préfèrerais être ce rouge-gorge que petit garçon
Tu as ressuscité l'hiver
Posé sur l'oreiller contre tes cheveux

Maintenant tu es aussi loin que toi enfant.
Comme s'il fallait
Se souvenir de celui que je n'ai jamais vu.

On dit, c'est simple,
Les amants se mettent nus et ils ne ressemblent plus qu'à eux.
 
Et moi je veux dire : tes épaules, tes épaules.
 
 
Ariane Dreyfus : Comme si c'était hier (extraits)
(Préface de James Sacré)
 
 
 
Matin du 16 avril, le froid parce que près de la montagne
Mais pourtant le plus bel éventail:
Le soleil va naître
A travers le branchage d'un mesquite.
 
A Tombstone et Bisbee il va faire
Très chaud dans la journée

                            * * *

En arrivant à Tucson, venant de Sell (du pays tohono o'adham)
Par la route 86, le soir
Toute une très large étendue de campagne
Finit par être la couleur cuivrée de la créosote
Cela s'en va jusqu'à très loin, jusqu'à
Un premier rif de roche noire tirant
Vers un violet de prune rouge
Avec en arrière un autre pan de montagne dressé
Sa découpe en ardoise cassée et traces de craie mal effacée.

                                                                * * *

Le vrombissement d'un oiseau mouche
Au bord d'un arbre dont le vert neuf
Se mêle à la tisane sèche de l'ancien feuillage
Pas longtemps. Le voilà parti
Si peu rien pour remplir le bruit
Ce mot trop gros pour un oiseau mouche
"Vrombissement". Mais pas longtemps.

James Sacré : Une rencontre continuée (extraits)
Éditions Le Castor Astral (collection Poche / poésie)
 
 
 
Le soleil et l'absence
 
Je m'étais allongé sur l'herbe
au soleil du jardin
en septembre à Genève
milieu d'après-midi.
 
Yeux fermés j'entendais 
le trafic de la ville
- voitures la grande avenue
les autobus une ambulance - 
 
surtout le froissement des feuilles
les premières qui tombent
le vent monte du Rhône
l'air est chaud sur la peau.
 
Je pense à notre vie partie
à ma fille à mon fils
sans leur mère
dans la mer évanouie
 
et quand j'ouvre les yeux
je regarde le ciel
un avion le traverse
il vient de décoller. 

Un ailleurs invisible
vibre tout près de moi :

on dirait une abeille
posée juste sur mon livre
à côté.

François de Cornière : Les façons d'être (extrait)
Éditions Le Castor Astral (collection Poche / Poésie)

 
 
il reste les herbes rêches et coupantes
sur la peau.
le soir la rouille des nuages
d'est en ouest se retire.
les morts ne meurent pas tout à fait.
nul ne sait si un cadavre
ne monte de la terre
pour retrouver la voix
les voix où il se tient entièrement.

                 * * *

elle a passé la nuit sur la terrasse
tôt le matin le Djurdjura au plus près.
le couple de rapaces plonge
l'air de l'ombre
l'écho libre de toute réponse.
transhumance la lumière
descend la pente presque feu.

le calme pèse de tout son poids.

                                                          * * * 

le ciel la rivière les bras
tout déborde tout est déplacement.
la pulsation court entre les doigts
à moitié eau à moitié pierre.
elle fouille les ocres les rouges
le sable et le sable.

l'absence de signe est la seule trace.
 
Erwann Rougé : L'Absent (extraits)


 
 
où je demeure est la passion
où je voyage est le silence

main tendue dans la prison
mon chagrin ne vieillit pas

mon lit consume le sage
mon rêve guerroie le soldat

je ne joue à rien
je souscris le rôle

mes yeux vifs agacent l'horizon
ma maigre mémoire sonde l'âge des cycles


                                                              * * *
 
la famille d'où tu viens
n'y reviens pas
 
assois ta solitude
où se crée le paysage
de tes mots
 
cueille et recueille
les amis sont ici
parfois arbres, parfois braises
 
et feu tes ancêtres
et feu de dieu
 
sont feu et eau
amour en toi
 
 
Jean-Claude Leroy : Tu n'es pas un corps (encres de Gwenn Audic), extraits
 
 
 
j'attends l'effacement
de l'évidence
 
j'attends de la brume
qu'elle voile mon regard
 
trop de lumière aveugle
 
mieux que mes yeux
mes mains déchiffrent
l'écriture du silence
mêlée à la parole de l'eau
 
mes pieds nus font lever
l'indicible 
au cœur toujours vert
des mousses et lichens
 
                                       
                                                               * * *
 
brume pour rêver le réel
au lieu de l'habiter
 
brume métaphysique
pour croire aux vérités cachées
 
derrière
plus loin
par-delà le moi le soi le tu le nous
 
brume séductrice
pour dissimuler les faits
habiller nos nudités
 
sommes-nous davantage
que ces ombres mouvantes
à peine sorties
de la caverne de Platon ?
 
Françoise Ascal : Brumes (peintures de Caroline François-Rubino
 
 
 
 
J'ai finalement un peu de mal à parler de mon père

Peu de souvenirs me reviennent au fond
Alors qu'il était présent
Mais je suis passé à côté de lui
Et nous nous sommes croisés sans nous voir

Les hommes invisibles ne se gênent pas

Lui ai-je adressé la parole
Sans doute mais je n'ai aucune phrase marquante en tête

Et le passé l'a emporté


                                                      * * *


Père. Le roman du

Très court le roman
sans péripétie 
Ni héros

Le roman perdu


                                                     * * *


Ça allait de soi, je n'avais pas de grands-parents du côté paternel. Je m'en rends compte aujourd'hui, comme si je me frottais enfin les yeux. Mon père avait été orphelin tôt. Élevé par ma tante, sa sœur. Avais-je été de même orphelin de lui, en réplique ?

Jacques Morin : Père. Le roman du (extraits)

Éditions Henry

 
 
 
 
Une nuit
je longe le palier du premier
et tout d'un coup
en me serrant contre la rampe
verte 
je vois ça qui n'est pas là
un vieil aspidistra
comme là-bas
à Sao Francisco do Porto
dans la casa portuguese
où ne chantait personne
et où nous avions dormi
tous les cinq
trois enfants
et leurs parents
un vieil aspidistra
qui pousse même sans soleil
dans les maisons vieilles
comme celle où nous habitons.
 
 
                                                          * * *
 
 
Un poète a dormi chez nous trois nuits
dans la chambre tout en haut sous le ciel
et la dernière nuit il a entendu
son père
le jardinier cow-boy lecteur de Jack London
lui murmurer sa bonne compagnie
ainsi tout ça se poursuit
a dit notre ami
une conversation entre les maisons
la vie des morts la vie des mots
as-tu bien compris et on a souri
 
ensuite il est parti et je me demande
si là-haut dans la chambre sous le ciel
son père le jardinier continue à parler ?
 
Sylvie Durbec : ça, qui me poursuit (extraits)

 
 
 

Un monde de peu d'écho
à la lumière affaiblie.

C'est du sein de cette pénombre dilatée
sous la balafre de brefs éclairs
que je veux t'écrire.

Je sais que les mots échoueront
à retracer les contours du décor
qui m'environne et à saisir le flux hâtif
et désordonné de ma pensée.

Mais je tente par eux de te rendre
le goût exact de ce moment
c'est ici mon seul projet
même si leurs petites ailes de lumière
ne soulèvent
qu'un terrible noyau d'obscurité.

                                                          * * *

Blanche et légère
la montagne lointaine paraît
à peine un linge
accroché au bout de quelque poteau
ou plus loin déchiqueté entre les hampes
d'une forêt de lampadaires.

Je me suis dépris de l'attrait de l'horizon
où de lentes volutes et des voiles
de brume diaphane me donnaient
par trop une idée de mon désir.

Veillez à vos contours
une vapeur d'être est vite
dévoyée avait averti le poète
Georges Henein.

Jean-Pierre Chambon : Un écart de conscience (extraits)

Éditions Le Réalgar




Blé, bleuet, les sons immédiats
se touchent et chaque silence effleure en sa boucle
bleue le grain. Sur le chemin
de paille, l'été reviendra souligner le ciel
d'un brin transparent.

Nous regarderons finir mai d'ici :
le mois fleuri s'éloigne et nous
lisons les signes bleus,
premiers bleuets.

Masque, visage secret
d'une fleur dans le blé.
Le risque colore les points nomades.
A leurs pieds nous échafaudons
le poème et le blé bleu,
la métamorphose.

                                                          * * *

Instant noué,
la robe du temps à nos pieds,
ce qui s'éloigne cesse.
Couvrant la parcelle-nuit du blé,
nous nous cachons. Nos pas
traversent les formes,
ici les bleuets unis se signent penchés :
notre nuage ne tombe ne saigne
(aucun coquelicot, l'horizon l'écarte).

Nous sommes vivant, le cri muet, le corps désarmé.


Isabelle Lévesque : Chemin des centaurées (extraits)

Une branche tremble à l'intérieur de la mémoire, des fleurs s'y posent avec un oiseau de papier. Une montagne au loin, de la neige tombera là-haut. Nous aimons retourner l'objet de la vision pour que tombe encore et encore la neige dessus, flocons de réflexion.

Nos enfances marquées à l'encre du scarabée, à la blanche vomissure de l'escargot, à la nacre d'eau claire, à l'usure ardente des pierres.

Un homme à genoux, jette au ciel ses osselets. Un animal sans voix traverse le soleil ineffable, retombe au sol en son ombre tant fidèle, pieds cassés. Fait son bruit de passé dans la poussière. Tout se répète dans la mémoire. Que dire des maisons abandonnées dans les pierres et les miroirs ?

Les points d'interrogation hésitent, aimerait agrandir le capital des notions étrangères. La mémoire s'endort sur elle-même pour la énième fois.


                                                              *  *  *

ça cogne à l'entrée de l'hôtel. La roche est noire, habitée de rampements serviles, de reptations obligées. De promiscuités obscures. L'horizon n'a pas accès aux luminaires assombris de l'emphase au fond du couloir. La partie de cartes est en cours, les navires en miettes. Une créature côtière se penche sur l'inconsolable : le sable, les galets, les goélands désarticulés - peut-être des jambes d'hommes, des seins de femmes, pourquoi pas des mains d'enfants ! Les lames prétentieuses sont réduites aux clapots essoufflés. Défaits les innombrables périmés, gonflés, à l'abandon. Défait l'alphabet de la conscience. Ressac, ressac. Tout redeviendra sans connaissance, au grand air. A la laisse épanouie.

Joël Bastard : Des lézards, des liqueurs (extraits)
 




                          IX

dans la chapelle où tu guettais la grâce
dans le sous-bois où je goûtais le monde
tout avait pris fin

tu réveillas le désir
le désir d'écrire sur des feuilles mortes
l'envie de fouiller dans l'humus

notre époque s'achevait
la suite de l'histoire dois-je la raconter


                                    X

je ne conterai pas la débâcle des corps
les dogues de la honte nous ont montré les crocs

un jour tu vins m'offrir une série de gouaches
figures de gisants à la couleur de glaise

je voulais te voir nue
tu m'as montré ton mort

on ne revient jamais de certains sauts de pages
il vaut mieux tout quitter

ou partir sur les routes
fuir aux bibliothèques

tu m'écrivis cosa
rappelle-moi de rêver Garde-moi de moi

tu me demandais de t'aider vers l'embardée
d'être bien émeutier

alors sous la pluie cosa j'ai couru vers toi
tu étais introuvable absente porte close

je t'ai cherchée partout dans la cité odieuse
tu avais disparu et l'aube se levait

François Bordes : Cosa (extraits)
Dessins d'Ann Loubert

L'Atelier Contemporain 




Tes robes

Le crêpe sous mes mains
Et ta peau sous le crêpe.
Des plumes pleuvent sur ton regard de nuit.
Quarante-deux robes noires,
Quarante-deux folles ivres de ton parfum,
Quarante-deux pleureuses,
Quarante-deux pendues,
Quarante-deux coupes de larmes,
Quarante-deux chapes de deuil,
Quarante-deux fois toi,
Quarante-deux linceuls qui seront charogneux
Et quarante-deux fois l'éteignoir de la mort.


Offrande d'une poupée végétale

Tu m'as offert la poupée
Pour y ficher des épingles,
Pour y planter du cristal
Et pour la gaufrer au fer.
Tu m'as offert la poupée
Pour la tatouer de pourpre,
Pour onduler ses cheveux
Et pour déflorer ses roses.
Tu m'as offert la poupée,
La grosse poupée qui pleure,
Poupée florale éplorée
Aux voilettes déchirées,
Aux violettes violées,
Tu m'as offert la poupée
Et le palmier du Brésil
Qui refleurit aux miroirs.

Gabrielle Wiittkop : Litanies pour une amante funèbre (extraits)
Préface d'Eric Dussert, Collages de Gabrielle Wittkop 

Le Vampire Actif




 midi l'épée
au fond de ton cœur
je veux te pleurer à vif comme
si tu avais encore à
mourir de mort
je monte vers toi cette rue
dans le soleil ta bouche
qui ne mâche plus
les plantes
sont interdites
on ne voit pas pourquoi
rien n'est possible
pas même
l'orchidée minuscule
et mauve
si les deux chambres au bout
sont pour
parler moins fort
ou pas du tout
le bruit
de l'oxygène
dans la gorge
tu n'abandonnes pas
tu dis
ce qu'il y a
c'est qu'il faut
y passer

Sereine Berlottier : Au bord (extrait)
éditions Lanskine



il est tard
très tard
et la rue Hénon conduit à un hippodrome
mal éclairé
où l'on entend des chevaux courir
sans les voir
on sait juste qu'on a parié sur certains d'entre eux
on espère être riche à l'aurore
on se réveille
au moment où l'ordre d'arrivée
est proclamé dans une langue que nous ne connaissons pas

                                                                * * *

de la musique dans l'immeuble
vers deux heures du matin
de la musique classique
du piano
et personne pour se dire
que quelqu'un balade
ses mains sur un clavier
dans l'immeuble
à deux heures du matin
tous pensent à un radio-réveil mal réglé

Frédérick Houdaer : Nuit grave (extraits)

La Boucherie littéraire



chaque maison a son histoire   elle veut entrer en soi
pour que l'on en fasse le récit   écrivez ma vie
et racontez-la moi   car je suis importante   la seule
chose pouvant m'émouvoir est mon propre conte
que j'écoute chaque soir avant de m'endormir

nous sommes deux êtres blessés
contre ton corps avec ton corps

chaque maison a son haleine   une haleine du
matin un peu lourde et acide   mettre sa main
devant la bouche

les hirondelles gazouillent dans ma tête
elles ont chassé les craquements

je suis la table de nuit de mauvaise
qualité et de mauvais augure   mauvaise
tout court   on m'a laissé ici pour que craque la nuit

(quelle activité le matin les oiseaux se pourchassent
jouent et les mouches font de même
absorbées par leur course-poursuite   les oiseaux
les attrapent   le jeu est de manger
et d'être avalées   elles ne volent pas   elles
s'accrochent   se soulèvent   brusquement)

quelle activité la mort
les oiseaux   les mouches

j'ai craqué   les premières nuits exprès
pour que tu partes   mes craquements irréguliers
et nets   malgré toi   te réveillaient
tu les identifiais   tu identifiais leur provenance
c'est moi la table de nuit en formica
et tu me chasses

Camille Loivier :éparpillements (extrait)

éditions Isabelle Sauvage



Ne vivant
qu'une journée d'arpenteur
mais aussi   propre à l'éclat,
par le mot fissuré,
une écriture
sans commerce

allant de soi.

Cela
et quelque chose
n'ayant pas servi,
à emporter :
une feuille
une pierre
ou l'objet sans importance
dressé en un quelconque alignement
entre le lit
et la table

mais supportant
par la main qui le saisit
sa présence
et sa perte
à n'être le témoin
de personne.

Puis n'avoir de souci
que toucher
un peu d'herbe.

Thierry Metz : Entre l'eau et la feuille (extrait)

éditions Jacques Brémond


       Ici

de la cour
de l'hôpital psychiatrique
je me goinfre
durant quelques minutes
d'une pure merveille de ciel

j'ai mal à mon passé récent
mal à mon présent
peur de mon avenir
lâchez les vautours
je crois que je suis prêt



     adoubé par la détresse

une pluie féroce
poignarde le bitume

sur le perron
je fume
face à l'apocalypse



     jusqu'à 23h30 on peut sortir fumer

lune pleine, baies vitrées
cigarette grillée dans le froid
en compagnie du satellite

des Sioux traverseraient la cour
mi herbue mi gravillonnée
sur des alezans lancés au galop
ah ! déguerpir avec tous les presque
dire oui - s'envoler

Jean-Christophe Belleveaux : Pong (extraits)
éditions la tête à l'envers, 2017



       Neige d'août

Dans la nuit, les trottoirs du vieux pont sur la Loire
sont couverts d'un tapis d'éphémères - et encore
il en neige sous les lampadaires - Fouler
la couche si douce de tant de morts si doux,
l'après silencieux d'une si moelleuse guerre -
Entre ivresse et crainte les pas sont partagés
et les voitures passent, lentement, au rythme
des essuie-glaces




       A l'été réunie

Le phrasé de marcher, le swing souple des pas
sur les aiguilles de pin - dans l'ombre irriguée
de lumière, et avec le nuage sonore
de l'été, sa voix concertante - le soleil
flottant loin entre les cimes - la sueur qui
embue ses tempes - l'odeur de framboise cuite
et de fraîche citronnelle des troncs coupés -
l'ombre des branches signée sur sa peau - penser
presque à rien et s'en excuser d'un sourire :
nuages vous reviendrez ? Lentement nuages
vous charger de nous ?

Christian Degoutte : Ghost notes (extraits)

2 commentaires:

  1. Bonjour à tous, je m'appelle Bohuslava Shevchenko et je veux partager mon témoignage, je suis une femme heureusement mariée avec 2 beaux enfants, à un certain moment mon mari a commencé à agir bizarrement avec moi, ça a commencé petit à petit, on se bat et querelle presque tout le temps et finalement il m'a quitté pour une autre femme parce qu'il me l'a dit lui-même, j'ai été abandonné avec nos 2 enfants, il vient même à peine à la maison mais pour l'amour que j'avais pour lui, je ne le laisserais pas partir , j'ai dû discuter de mon problème avec un de mes amis et m'a suggéré de contacter plutôt un lanceur de sorts, qui pourrait m'aider à lancer un sort pour le ramener, mais je suis du genre à n'avoir jamais cru au lancer de sorts. Je n'avais pas d'autre choix que d'essayer.
    J'ai fait tout ce qu'on m'a demandé de faire et après un certain temps, tout a recommencé à bien fonctionner, mon mari est revenu à la maison, s'est excusé auprès de moi et des enfants et nous vivons maintenant tous heureux ensemble, je ne peux pas remercier le Dr Nosa Ugo qui m'a aidé à raviver ma relation, cet homme a été un soutien pour moi et ma famille et nous vivons tous heureux ensemble, je devais partager ceci ici pour tous ceux qui ont ce genre de problème ou tout type de spirituel problème vous pouvez le contacter via son email

    Courriel : karnataka.temple@gmail.com

    Contactez-le pour tout type de problèmes spirituels et voyez le grand travail.

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