lundi 19 septembre 2011

Tristan Corbière, "Une vie à-peu-près"

Si de nombreux livres, essais, études et articles ont été consacrés à l’œuvre de Tristan Corbière, il n’existait pas à ce jour, hormis celle de René Martineau, publiée en 1905 (puis rééditée, revue et augmentée en 1925), de véritable biographie concernant l’auteur des Amours jaunes, dont l’existence fut brève (1845-1875), secrète et marginale, au point qu’il fut assez vite étiqueté « poète maudit », ce qui est rarement signe de très bonne santé posthume, pour quelque poète que ce soit. L’appellation, en l’occurrence signée Verlaine, était néanmoins, à l’époque, plus circonstanciée et moins rédhibitoire qu’elle ne l’est désormais. Collective, elle fut en effet également attribuée, dans un même élan, à Rimbaud et à Mallarmé.

« Des maudits, Verlaine n’en avait que trop croisés en lisant les poèmes de Rimbaud, par exemple, évoquant dans Paris se repeuple « la clameur des maudits », affirmant dans L’Homme juste : « Je suis maudit, tu sais ! Je suis soûl, fou, livide » et assurant dans Une saison en enfer  : « Maintenant je suis maudit ».

Reste que si l’adjectif s’avérait alors en phase avec les écrits des uns et des autres, Corbière en usant aussi vis à vis de lui-même (« Mais ma musique est maudite, / Maudite en l’éternité »), il y avait beaucoup à faire, de nombreuses recherches à entreprendre, des documents à retrouver et à vérifier, des voyages à restituer, des poèmes à relire et à interpréter, pour sortir de l’ombre les années les plus méconnues de cette existence (celles qui vont de 1863 à 1869) avant d’espérer relier entre elles les séquences d’un parcours atypique. C’est ce à quoi s’est attelé Jean-Luc Steinmetz pour donner, en 500 pages, une somme capable de mettre un peu plus en lumière Corbière et ce qu’il appelait son « monstre de livre ».

Steinmetz avance avec méthode. Il remonte d’abord la généalogie. S’arrête posément sur Édouard Corbière, le père à la haute stature, tour à tour capitaine, journaliste, écrivain de romans de mer (dont le plus célèbre fut Le Négrier), homme écouté et influent. Ce faisant, il démonte une idée fort répandue qui voudrait que père et fils se soient ardemment affrontés, le second désirant, par l’écriture, répondre avec fougue, ironie et mordant, maniant à l’extrême ce sens aigu de la moquerie et du sarcasme qu’on lui connait, à l’aura écrasante du premier. Or, il n’en est rien. Steinmetz, extraits de lettres et références à l’appui, montre, au contraire, l’étroite connivence qu’il y avait le plus souvent entre eux, celle-ci dépassant leur commune fascination pour la mer...

Il s’attarde ensuite sur la famille Corbière, unie et aisée, solidaire, formant presque clan et ne ratant pas une occasion de se réunir dans les lieux (château, manoirs ou maisons bourgeoises) qui leur appartenaient à Morlaix et dans ses environs. L’idée du poète rejeté est battu en brèche. Tristan est entouré. Sa santé précaire et son physique squelettique ne l’empêchent pas d’avoir des amitiés fortes. Il côtoie des jeunes de son âge. Il a, de plus, des aptitudes à la navigation, partant en mer, surtout par gros temps, et parfois en bonne compagnie. L’image d’un Tristan reclus et caché à Roscoff, où sa famille possède une maison dont il est souvent l’unique occupant, s’effrite en partie. Certes, le poète connait la solitude et doit porter un corps douloureux. Qu’il n’hésite pas à mettre à l’épreuve (ou à l’amende). De l’océan et de l’alcool quand il stationne tard le soir à l’auberge Le Gad où il retrouve des peintres qui y séjournent durant les mois d’été. C’est avec eux qu’il se sent le plus en harmonie. Cela n’a rien d’étonnant. Corbière s’est toujours adonné au dessin, à la peinture et surtout à la caricature pour laquelle il développe un don particulier. Cet aspect souvent oublié est ici très justement saisi. Ses faveurs vont plus aux peintres qu’aux poètes. Le plus proche se nomme Jean-Louis Hamon. C’est en sa compagnie qu’il s’embarquera pour l’Italie, visitant Rome et séjournant pendant plusieurs mois (dans l’hiver 1869/1870) à l’hôtel Pagano à Capri. C’est là-bas qu’il écrira une première version du poème en cinq quatrains Le fils de Lamartine et de Graziella  que l’on retrouvera quatre ans plus tard dans Les Amours jaunes. Le ton et les traits d’esprit, inimitables et cinglants, y sont déjà.

« À l’île de Caprée où la mer de Sorrente
Roule un flot hexamètre où fleurit l’oranger,
Un naturel se fait une petite rente
En Graziellant l’étranger...

Et l’étrangère aussi, confite en Lamartine,
et qui vient égrainer chaque vers sur les lieux ;
Il leur sert son profil et c’est si bien sa mine
qu’on croirait qu’il va rendre un vers harmonieux. »

Jean-Luc Steinmetz, fouillant lettres et témoignages, le suit pas à pas, surtout dans les six dernières années de sa vie, période où les indices restent les plus fiables et durant laquelle il conçoit son unique ouvrage. Il voyage, revient à Roscoff, rencontre un soir chez Le Gad le comte Rodolphe de Battine et sa compagne, Armida Julia Josephina Cucchiani, dite « Herminie », dont on ne sait, à vrai dire, pas grand chose si ce n’est qu’elle est actrice. Cette rencontre, qui date du printemps 1871, va profondément changer sa vie. Il ne quittera pratiquement plus le couple, devenant ami du comte et amant torturé – réel ou imaginaire – de celle qui hantera et bousculera (Tristan se rossant plus que de coutume) plusieurs pièces des Amours jaunes. C’est avec le couple Battine qu’il se rend à nouveau à Capri. C’est probablement eux qui l’incitent également à quitter Roscoff pour se fixer à Paris en 1872. Il laissera dès lors vareuse, cuissardes et ciré à la cave pour se fondre dans la foule, se rendre aux concerts et retrouver ses amis peintres dans les bars ou brasseries. L’un d’entre eux, Camille Dufour, témoigne :

« Tristan déjeunait à des heures bourgeoises, tantôt à la Brasserie Fontaine avec moi, tantôt chez lui, où il hébergeait le peintre Gaston Lafenestre, par qui je l’ai connu. Le soir il dinait généralement chez le comte de B., avec qui il s’était lié quand celui-ci alla soigner sur le rivage de la Manche une blessure reçue en 70. »

Il habite rue Frochot, à quelques numéros de chez Degas, qu’il croise sans doute mais sans le connaître. Corbière, à Paris, vit, peint et écrit en passant totalement à côté des mouvements en vogue. Ce n’est pas un homme de réseaux. Il a un projet à mener : le sien. Après, il va vite mourir, il le sait. Il ne s’intéresse pas plus aux Parnassiens qu’aux Impressionnistes. C’est pourtant là-bas qu’il va donner une autre impulsion à son livre. Les sections maritimes (Armor et Gens de mer) qui formaient jusqu’alors le cœur de l’œuvre sont précédés de quatre autres parties (Ça, Les Amours Jaunes, Sérénades des sérénades et Raccrocs) où apparaît une nouvelle tonalité, une ouverture caractérisée par les poèmes d’amour et ce qu’il appelle, vie parisienne et référence appuyée à Murger (qu’il vénère) obligent, sa « bohème de chic ». L’ensemble se termine par Rondels pour après, textes qui disent, toujours sur le mode de l’auto-dérision et du rire jaune, le peu d’illusion qu’il nourrissait tant pour sa survie physique que littéraire.

C’est tout cela que Steinmetz transmet en pointillés, en jouant sur le réel et le probable. Il ne peut d’ailleurs procéder autrement. Suivre Corbière d’un bout à l’autre de son passage sur terre (qui se terminera le 1 mars 1875) est impossible. Il y a de nombreuses périodes où l’on perd sa trace. Il ne subsiste que quatre lettres pour connaître les douze dernières années de sa vie. Difficile, dans ces conditions, de ne pas s’en tenir parfois à des interprétations personnelles et aléatoires.

« Une vie à-peu-près » est désormais le travail biographique le plus abouti concernant le poète et l’homme Tristan Corbière. La dernière partie du volume attire l’attention sur l’intérêt suscité par Les Amours jaunes dès sa parution. L’ouvrage, publié à 500 exemplaires à compte d’auteur en 1873 par les frères Glady, a d’emblée reçu un bel accueil. Le premier article le concernant, signé Émile Blémont, est d’une grande qualité critique. Si, peu après, Verlaine le salue avec encore plus de verve, d’autres, très vite, et en premier lieu Jules Laforgue, vont exprimer ce qu’ils ressentent de neuf, de cassé, de volontairement déréglé chez Corbière :

« Toujours le mot net – il n’y a pas un autre artiste en vers, plus dégagé que lui du langage poétique. Chez les plus forts vous pouvez glaner des chevilles, images – soldes poétiques, ici pas une : tout est passé au crible, à l’épreuve de la corde raide. »

Puis viendront, entre autres, égrenés au fil du temps, (brisant ces clichés atterrants qui, oubliant les trois quarts du livre, ne l’entrevoyaient que breton, marin, esseulé et malade) les hommages nets et précis de Huysmans, de Tzara, de Breton (qui lui fera une place dans son Anthologie de l’humour noir), de T.S. Eliot, d’Ezra Pound et de Lovecraft (qui l’évoque en préface de L’Appel de Cthulhu)... De quoi inciter les curieux à se plonger ou à se replonger dans une œuvre unique, celle d’un être qui, se disant « poète en dépit de ses vers », n’a pas fini, loin s’en faut, de trouver, d’émouvoir et de repêcher de nouveaux lecteurs.

« Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue... - Horreur ! -

… Il chante. - Horreur !! Horreur pourquoi ?
Vois-tu pas son œil de lumière...
Non : il s’en va, froid, sous sa pierre. »

 Jean-Luc Steinmetz : Tristan Corbière, "Une vie à-peu-près", éditions Fayard.

dimanche 11 septembre 2011

Mobile de camions couleurs

James Sacré a longtemps sillonné les routes américaines. Ses longs et minutieux périples se retrouvaient déjà au cœur de l’imposant America Solitudes. Cette fois, son voyage se fait de façon tout aussi précise mais plus directe. Deux éléments, liés au regard et à la route, servent d’appuis (et peut-être aussi de déclencheurs) à son projet. D’abord le livre Mobile (sous-titré Éléments pour une représentation des États-Unis) que Michel Butor publia en 1962, jouant sur l’homonymie des noms de villes des différents états pour jeter les bases de ses parcours listés, sinueux, concrets, détaillés, et ensuite le rôle essentiel, presque de tissage du territoire, qui est celui des grands camions colorés chargés de relier les différents points du continent en roulant d’une ville à l’autre, traversant les paysages sans les voir et emportant avec eux, dans leur fumée, dans leur chant lancinant, un peu des rêves de ceux qui les regardent s’éloigner et disparaître derrière la ligne d’horizon.

« C’est évidemment sur les grands axes routiers
Qu’on voit lancée toute leur force
Mais souvent les voilà où tu n’aurais pas cru, par exemple
La route quittée, sur une étroite bande de terre labourée
Juste avant d’arriver au pueblo de San Felipe
Une cabine motrice blanche avec sur le plancher de la remorque
Un tracteur agricole jaune l’ensemble
Sur un fond gris sali de vert, collines basses
Et l’ampleur du ciel au-dessus, ou l’ampleur du temps. »

La complicité entre Butor et Sacré est discrète mais très présente. Des fragments de Mobile prennent place dans le texte et l’ensemble donne à voir une série de photos réalisées par Butor aux États-Unis entre 1960 et 1965. Photos de villes où les camions ne sont pas visibles. Leur circulation n’a lieu que dans les poèmes. C’est là que James Sacré les cadre en un clin d’œil. Il surveille les aires de repos ou les parkings de restaurants pour poser son regard et ses mots sur les couleurs et leurs contrastes, sur les chromes qui brillent au soleil, sur les hauts pots d’échappement en forme d’oreilles dressées de part et d’autre du capot, sur « le museau carré », sur le nez busqué et grillagé, sur les cabines aménagées, sur les longues remorques de ces bâtiments silencieux qui bientôt vont se réveiller, repartir, bondir, rouler sur la route 66 ou plus loin encore, dans « les solitudes du Malpays »,

« Vont-ils vraiment
Tirer avec eux tout ce mauvais pays de laves noires et de genévriers
Jusqu’à Boston ou Chicago, jusqu’à Philadelphie ? »

Sacré aime sentir les camions se glisser et bouger dans ses poèmes. Il remplace parfois à distance des conducteurs « pas visibles dans leur cabine haut fermée ». Dans son livre, le trafic est soutenu. La mécanique répond au quart de tour. C’est « un cœur qui bat fort ». Qui rythme le travail incessant et le roulement permanent de ces véhicules qui traversent son imaginaire.

James Sacré : Mobile de camions couleurs, photographies de Michel Butor, Éditions Virgile.

samedi 3 septembre 2011

Terreferme

Terreferme est, après Fondrie (Cheyne, 2002), le deuxième volet de la tétralogie « La rêverie au travail » à travers laquelle Jean-Pascal Dubost entend écrire, décrire, percer, interroger les quatre éléments présents « dans la vie réelle » ainsi que leurs rapports directs « sur les activités humaines dans certains secteurs économiques dont ils sont ressource, matière ou énergie ».

Si Fondrie s’attachait au feu de la fusion, Terreferme, comme son titre l’indique, est tournée vers la terre, celle que l’on ouvre, que l’on laboure, celle où l’on sème, sue, récolte. Autrement dit la terre liée à la ferme et plus précisément à ce que l’on nommait « ferme modèle », concept apparu dès le dix-huitième siècle mais qui ne vit le jour qu’au dix-neuvième, faisant en particulier une belle incursion aux alentours de Segré. C’est là, dans le pays du Haut-Anjou Ségréen, que Jean-Pascal Dubost fut, il y a quelques temps, en résidence d’écriture. Il en profita pour arpenter la contrée en quête des vestiges encore visibles de ces fermes dont l’une, située à Bourg d’Iré, vit le jour sous l’impulsion du comte Alfred de Falloux (auteur de la loi du même nom) lorsqu’il rentra au pays « en homme politique déchu par le coup d’état du 2 décembre 1851 ».

« De Falloux fit supprimer fossés et chemins creux, fit terrasser, niveler, drainer, assainir, irriguer et imagina cette ferme régulière et symétrique, sans fantaisie, reposant sur un principe énoncé dans son idylle historico-philosophique Dix ans d’agriculture. »

Dans ces fermes, chaque bâtiment a une affectation distincte. Hommes, bêtes, fourrage et matériels ont chacun leur espace. Les constructions se font souvent en U. Parfois, un système ferroviaire avec « wagonnets facilitant l’évacuation du fumier et diminuant la pénibilité du travail » traverse les bâtiments. Impératifs sanitaires, économiques et industriels sont extrêmement liés.

J.P. Dubost sillonne la campagne en voiture. Il prend notes et photos. Il écrit de courtes biographies des personnages ayant marqué les lieux. Il consulte les registres, repère les failles, scrute le paysage et finit par rencontrer l’un des derniers témoins d’une époque révolue : Alfred Liaigre, commis chez l’éleveur Huet de 1939 à 1945. Ce qu’il dit, et que l’auteur enregistre puis retranscrit, nous plonge au cœur du bocage, de ses us et coutumes, de ses duretés à la tâche, des exigences des patrons et châtelains d’époque.

« L’homme a d’évidence ici cherché à construire un “paysage modèle” et notre rêverie notera le bocage lentement défait par l’action agricole, les talus arasés, les souches mortes, les émousses mourantes, les racines déchaussées, les champs ouverts… »

Dans ce livre, écrit « en vers injustifiés », la poésie n’est pas là où on l’attend. Elle est dans les interstices, dans la matière, dans la densité de la langue, dans la respiration soutenue, dans les proses sinueuses où circulent réflexions, descriptions, repères économiques, architecture, histoire, économie. Un livre plein d’herbe, de terre, de tuffeau, de schiste noir, d’odeurs, de cadastres, de boue, de borriques débondées et de cidre frais, un livre que l’auteur, qui parle de « paresse travaillée », verrait bien étincelant de « bouésie ».

Jean-Pascal Dubost : Terreferme , éditions  L’idée bleue.
Logo : Carrière de Misengrain, photographie de Jean-Pascal Dubost.

vendredi 26 août 2011

Vent de cendre

Hervé Carn semblait s’être un peu éloigné de la poésie pour privilégier, durant la dernière décennie, la prose, la narration, avec, en point d’orgue, son roman La Procession d’Echternach  paru chez Léo Scheer en 2006. Auparavant, il avait donné un très vivant Julien Gracq  (éd. L’Atelier des brisants), une évocation personnelle à situer du côté de la rencontre, de l’amitié et de la complicité.

Il revient, et bien en poésie cette fois, avec Vent de cendre, triptyque qui bouscule l’habituel parcours de tout un chacun ici-bas pour en substituer un autre : qui va de la mort à l’ombre pour revenir « au pays d’avant-naître » (expression empruntée à Roger Gilbert-Lecomte). Cet itinéraire délicat et angoissant passe grâce au lent murmure qui habite ces pages et qui, relié au vent, s’immisce là où se trouvent des brèches, des creux, des interstices. 

« Tu sortais, tu sifflais,
Tu appelais la nuit,
Car la nuit, pensais-tu,
Pouvait recouvrir les êtres
D’une tranquillité d’oubli. »


Le  Vent de cendre qu’Hervé Carn suit à la trace vient de loin, de régions brûlantes, pour se calmer au contact des corps inertes, des arbres en attente et des vagues échevelées. Au bout du compte, il n’aura cependant « pas eu la force de ne pas mourir »


Hervé Carn, Vent de cendre, éditions Dumerchez (2, rue du Château, BP 70218 – 60332 Liancourt cedex).

mardi 16 août 2011

Les Alentours

Michel Dugué offre une parole de grande retenue. Son attention au paysage s’y révèle toujours fertile. L'auteur d'Un Hiver de Bretagne (roman, Ubacs, 1985) ou du Chemin Aveugle (récit, Apogée, 2002) publie peu en poésie : il aura  fallu attendre six ans entre la sortie de son recueil Le Jour contemporain (Folle Avoine, 1999) et celle des Alentours (2005) où il nous rappelle, avec discrétion, combien les sous-bois, les chemins de traverse, les sentiers du bord de mer recèlent de bruissements infimes. Reste à les percevoir et à les transmettre... Le suivre au fil de ses longues marches en solitaire est sans nul doute l’option la plus sûre pour y parvenir. On met nos pas dans les siens. On se laisse guider. En lisière du monde, dans ce grand dehors où il isole et cisèle talus, roches, fragments de vies, échos furtifs et présences invisibles. Rien ne lui échappe. Il s’avère constamment à l’écoute, patient et enclin à la réflexion. 

Ici, il s’arrête. Observe « un morceau de vitrail. Mesure le temps qu’il faut pour que la lumière s’y réfléchisse ». 

Ailleurs, et plus tard, passé l’averse, la pénombre, on retrouve à nouveau cette lumière, très présente chez lui. Cette fois, elle « se retend
 
comme si des mains agiles
avaient recousu les bords,
ravivé l’air et
le bleu des ardoises. »
 
Cette voix, apparemment simple et posée, est en réalité teintée de nuances. La capter demande d’aller la rejoindre là où elle vibre, c’est à dire dans la fragilité et le secret des lieux que cet auteur arpente, sans relâche.