Terreferme est, après  Fondrie   (Cheyne, 2002), le deuxième volet de la tétralogie « La rêverie au  travail » à travers laquelle Jean-Pascal Dubost entend écrire, décrire,  percer, interroger les quatre éléments présents « dans la vie réelle »  ainsi que leurs rapports directs « sur les activités humaines dans  certains secteurs économiques dont ils sont ressource, matière ou  énergie ».
Si  Fondrie s’attachait au feu de la fusion, Terreferme,  comme son titre l’indique, est tournée vers la terre, celle que l’on  ouvre, que l’on laboure, celle où l’on sème, sue, récolte. Autrement dit  la terre liée à la ferme et plus précisément à ce que l’on nommait  « ferme modèle », concept apparu  dès le dix-huitième siècle mais qui ne  vit le jour qu’au dix-neuvième, faisant en particulier une belle  incursion  aux alentours de Segré.  C’est là, dans le pays du Haut-Anjou  Ségréen, que Jean-Pascal Dubost fut, il y a quelques temps, en   résidence d’écriture. Il en profita pour arpenter la contrée en quête  des vestiges encore visibles de ces fermes dont l’une, située à Bourg  d’Iré, vit le jour sous l’impulsion du comte Alfred de Falloux (auteur  de la loi du même nom) lorsqu’il rentra au pays « en homme politique  déchu par le coup d’état du 2 décembre 1851 ».
« De Falloux fit supprimer fossés et chemins creux, fit terrasser,  niveler, drainer, assainir, irriguer et imagina cette ferme régulière et  symétrique, sans fantaisie, reposant sur un principe énoncé dans son  idylle historico-philosophique Dix ans d’agriculture. »
Dans ces fermes, chaque bâtiment a une affectation distincte. Hommes,  bêtes, fourrage et matériels ont chacun leur espace. Les constructions  se font souvent en U. Parfois, un système ferroviaire avec « wagonnets  facilitant l’évacuation du fumier et diminuant la pénibilité du  travail » traverse  les bâtiments. Impératifs sanitaires, économiques et  industriels sont extrêmement liés.
J.P. Dubost sillonne la campagne en voiture. Il prend notes et  photos. Il écrit de courtes biographies des personnages ayant marqué les  lieux. Il  consulte les registres, repère les failles, scrute le  paysage et finit par rencontrer l’un des derniers témoins d’une époque   révolue : Alfred Liaigre, commis chez l’éleveur Huet de 1939 à 1945. Ce  qu’il dit, et que l’auteur enregistre puis retranscrit, nous plonge au  cœur du bocage, de ses us et coutumes, de ses duretés à la tâche, des  exigences des patrons et châtelains d’époque.
« L’homme a d’évidence ici cherché à construire un “paysage modèle”  et notre rêverie notera le bocage lentement défait par l’action  agricole, les talus arasés, les souches mortes, les émousses mourantes,  les racines déchaussées, les champs ouverts… »
Dans ce livre, écrit « en vers injustifiés », la poésie n’est pas là  où on l’attend. Elle est dans les interstices, dans la matière, dans la  densité de la langue, dans la respiration soutenue, dans les proses  sinueuses où circulent réflexions, descriptions, repères économiques,  architecture, histoire, économie. Un livre plein d’herbe, de terre, de  tuffeau, de schiste noir, d’odeurs, de cadastres, de boue, de borriques  débondées et  de cidre frais,  un livre que l’auteur, qui parle de  « paresse travaillée », verrait bien étincelant de « bouésie ».
Jean-Pascal Dubost : Terreferme , éditions L’idée bleue.
Logo : Carrière de Misengrain, photographie de Jean-Pascal Dubost.
Jean-Pascal Dubost : Terreferme , éditions L’idée bleue.
Logo : Carrière de Misengrain, photographie de Jean-Pascal Dubost.

 
 
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