« Me voici fourbu
Dans le greyound parmi les coréens
Qui tombent de fatigue alors que la nuit transperce l’Empire State Building,
Franchissant le tunnel Lincoln,
Dans la vase d’un ciel incertain, entouré d’usines et d’autoroutes. »
Dans le greyound parmi les coréens
Qui tombent de fatigue alors que la nuit transperce l’Empire State Building,
Franchissant le tunnel Lincoln,
Dans la vase d’un ciel incertain, entouré d’usines et d’autoroutes. »
Sa curiosité reste en alerte. Ses voyages – réels ou imaginés – sont
portés par un cheminement intérieur où tout ressenti doit être filtré
et donné de façon juste, avec simplicité, sans le moindre épanchement.
Ses lentes flâneries permettent de desserrer bien des étaux en
insufflant plus de légèreté à une réalité qu’il ne néglige pas mais sur
laquelle il ne veut pas venir buter. Ses envies de rencontre le portent
ailleurs, vers des êtres dont les livres l’accompagnent depuis
longtemps et auxquels il souhaite rendre visite, la plupart du temps
devant le carré d’herbe ou le marbre de leur dernière demeure.
« Nous cherchons le Sleepy Hollow Cimeterry
où reposent Emerson, Thoreau, Hawthorne
et Louisa May Alcott, l’un près de l’autre mêlés. »
où reposent Emerson, Thoreau, Hawthorne
et Louisa May Alcott, l’un près de l’autre mêlés. »
Son cheminement se fait par étapes, au fil de la construction du
livre. Avant d’arriver là où il souhaite s’attarder, il lui faut
sillonner d’autres espaces, garder à l’esprit ses points d’ancrages en
Finistère, traverser le Maine, se remémorer des balades éparses dans
divers pays ou de simples soirées parisiennes...
La dernière partie du recueil, qui donne son titre à l’ensemble, est
une immersion dans le quotidien (le climat, les travaux, les coutumes,
les paysages) des indiens Haida qui vivent dans un archipel situé sur la
côte Nord-Ouest du Canada, sur ces bouts de terre rugueux qui
s’appelaient encore, jusqu’en juin 2010, les îles de la reine Charlotte
et qui se nomment désormais Haida Gwaii. C’est ici que Jean-Claude Caër
nous invite. Sa parole fluide et maîtrisée est propice au partage
immédiat. Il s’agit de mettre, comme lui, nos pas dans ceux des « ombres
présentes » qui habitent près des « rouleaux de l’océan » et de glaner
des instantanés de vie simple, lointaine, immémoriale...
« Désormais je pose blessé près du totem de Bill Reid à Skidegate.
Je ramasse une plume d’aigle parmi les tombes anciennes
Le marin Watson mort en 1899
Stèle ornée d’un goéland.
Jane Shakespeare morte en 1904, 70 ans,
Un petit ours.
Tom Stephens, mort en 1902, 65 ans,
Un ours noir.
Chief Skidegate, mort en 1902,
Sans nom, du clan du Corbeau. »
Je ramasse une plume d’aigle parmi les tombes anciennes
Le marin Watson mort en 1899
Stèle ornée d’un goéland.
Jane Shakespeare morte en 1904, 70 ans,
Un petit ours.
Tom Stephens, mort en 1902, 65 ans,
Un ours noir.
Chief Skidegate, mort en 1902,
Sans nom, du clan du Corbeau. »
La pluie et le vent accompagnent le discret J.C. Caër
en permanence dans ses escales, le long d’une côte haida où les morts
(connus – tel Nicolas Hughes, le fils de Sylvia Plath et de Ted Hughes
qui se pendit dans sa maison en Alaska en avril 2009 – ou inconnus) ne
le sont pas vraiment puisque vénérés, visités, honorés par celui qui
sait ce qu’il leur doit, ce qu’il accepte de leur prendre afin de
mieux se connaître et de poursuivre la route en portant un peu de leur
savoir vivre et mourir avec lui.
Jean-Claude Caër : En route pour Haida Gwaii, éditions Obsidiane.
Jean-Claude Caër : En route pour Haida Gwaii, éditions Obsidiane.
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