Ses mots s’offrent à l’air libre. Au vent, à la luminosité ambiante, aux
tremblements des blés et des feuillages. Aux bruits qui disent les vies
presque invisibles qui respirent tout autour. Ils se donnent aux
pétales, à la craie, au silex et à la poussière. Et n’hésitent pas à se
frotter, instinctivement, syllabes contre syllabes, pour produire des
associations (sonores et sensuelles) capables d’exprimer par touches,
par éclats, ce que ressent celle qui s’exprime ici.
« Petites entailles, sol sec,
fines poussières collées à nos rires.
L’aurore est arrivée.
fines poussières collées à nos rires.
L’aurore est arrivée.
Retard, toute la nuit passée,
chant (coq ivre), sais-tu
remonter l’aiguille des pentes vives ?
chant (coq ivre), sais-tu
remonter l’aiguille des pentes vives ?
Veux-tu, pour un coquelicot,
remonter le jour ? »
remonter le jour ? »
Le coquelicot qu’Isabelle Lévesque évoque régulièrement dans ses
poèmes est bien plus que la fleur sauvage et fragile dont la couleur
rouge éclate sur champ doré. Son symbole est plus secret. Et touche à
l’intime effleuré, défloré qui ne parle qu’à demi-mots.
« J’ignorais caresse boutons d’or
pudeur -. Tu pris mes lèvres fleurs,
cueillis ma vie passée. Simple.
pudeur -. Tu pris mes lèvres fleurs,
cueillis ma vie passée. Simple.
Caresse du jour. Le sol tremblait,
Chaleur été canicule allongés.
La pente, gouttes perlées
sueur abreuve. »
Chaleur été canicule allongés.
La pente, gouttes perlées
sueur abreuve. »
Ce qui s’invente (et vole, voltige), suivant page à page "l’arc des
mots", est subtil, ciselé, suggéré. Il y a clarté, légèreté mais aussi
passion, amour, tourments. C’est la mémoire, elle qui relie si bien
sensualité et instants troublés dans un décor bruissant de vie, qui
assemble ces bribes et ces scènes qui furent haletantes et intenses.
Cela se passe dans le secret d’un livre lumineux qui étonne, détonne. Un
livre où l’on peut, comme le dit très justement Françoise Ascal dans sa
postface, « accepter l’inévitable sans renoncer à frôler l’extase ».
Isabelle Lévesque : Voltige !, peintures de Colette Deblé, postface de Françoise Ascal, éditions L’herbe qui tremble.