
Cambouis, on y met d’ordinaire les mains pour se colleter une réalité avec laquelle il faut bien, d’une façon ou d’une autre, trouver quelques accommodements. Emaz ne déroge pas à la règle. Il s’y colle. Y dit ses doutes, ses certitudes, sa solitude, ses fatigues, sa peur « d’un tarissement, d’une fin d’écrire avant de mourir ».
« La faiblesse du moi, la présence de zones d’ombre, l’absence de maîtrise… tout cela est vrai et détermine l’écriture. Si je pouvais faire autrement, je le ferais. Je ne le peux pas. »
Ce qui frappe dans cet ensemble, c’est – outre la justesse des réflexions sur la poésie, l’écriture, le livre à construire – la simplicité fragile et intuitive avec laquelle Antoine Emaz s’implique dans le temps présent, prenant à contre-pied tous ceux (souvent poètes) qui, à force de se croire intemporels, gomment de leur langage tout ce qui risquerait de les rattacher à une époque qui est pourtant, bel et bien, la leur. Très personnel également est le besoin qu’il éprouve de donner à l’émotion (pourvu qu’elle soit maîtrisée) toute sa place.
Tout au long du livre, on retrouve les auteurs qui ne cessent de l’accompagner et de le marquer : André du Bouchet, Guillevic, Follain, Reverdy entre autres.
Emaz, « travailleur acharné », lecteur assidu (« lire tout, autant que possible »), épistolier, hypersensible, attentif aux autres, énervé parfois, toujours en quête d’une force, d’une énergie pour poursuivre, pour « vivre dans le faire », est tout entier (même en morceaux) dans le grand puzzle qu’il constitue au fil des mois avec Cambouis.
« J’écris ces notes à défaut d’écrire des poèmes qui renverraient ce questionnement esthétique au placard. Je réfléchis un peu le poème parce que je souffre de son absence, c’est tout. »
Antoine Emaz, Cambouis, éditions du Seuil.
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