Trois livres (deux pièces de théâtre et une nouvelle) de Bryan Delaney, dramaturge irlandais né à Dublin en 1971, ont été publiés simultanément aux éditions Fissile l'an passé. Ils nous permettent d’entrer de plain-pied dans l’imaginaire débridé d’un auteur qui excelle à saisir physique et traits de caractères de personnages décalés, tous plus ou moins rêveurs désenchantés (voire désespérés), serrés dans un étau de réalité dont chacun essaie de s’extraire à sa manière. À l’image de Larry, « individu décrépi, misérable, bâti comme un jockey » (figure centrale de Larry se pend) qui, un sac à l’épaule, jette son dévolu sur un arbre en haut duquel il s’installe pour s’y pendre quand arrive, inopinément, un couple de touristes qui a choisi les abords du même arbre comme lieu de pique-nique.
« Larry : J’aimerais être seul.
La femme : Ne faîtes pas attention à nous. Faîtes comme si nous n’étions pas là.
L’homme : Si vous n’êtes pas content, vous n’avez qu’à vous trouver un autre arbre.. »
S’en suivent dialogues et retournements de situations imprévus où Bryan Delaney, pince-sans-rire à l’ironie mordante, lâche légèrement (et efficacement) la bride à ce qui fait la force de son écriture : le sens permanent du détail insolite, la parole bien ajustée et l’imparable avancée narrative qui accompagne des personnages en marge, décidés à accomplir d’ultimes coups d’éclat ou de folie, en guise de feux d’artifice, avant de prendre congé.
Ainsi Salomon (héros de la nouvelle La Lumière de Salomon) qui, à quatorze ans, ayant « contracté la cataracte », n’y voyant presque plus, se promène aux abords de la ville avec un chien, une cage à oiseaux sur le dos et une bible toute tachée des fientes des volatiles en rameutant périodiquement la foule pour dénoncer, à la criée, les agissements des notables locaux.
« Ainsi commença, au cœur d’un automne glacial, la croisade de Salomon pour nous apporter la lumière. Chaque semaine, une nouvelle personne était sacrifiée sur l’autel du ridicule. Les célébrations étaient de plus en plus drôles et féroces. Il démolissait ses victimes les unes après les autres. »
Chez Delaney, les sentiments ambivalents restent omniprésents. Les faiblesses humaines explosent brièvement. Les hommes peuvent devenir cruels en une fraction de seconde. Salomon n’hésite pas à écraser les pattes arrières de son chien avec une grosse pierre tant il a peur que celui-ci, affamé, ne le quitte...
La pièce de théâtre Le Cordonnier, qui se situe sur l’île d’Inishbollock, « un bloc de roc cruel et inhospitalier », met en scène des êtres que l’on retrouve souvent dans l’imaginaire irlandais : le poète, le barman, la putain, le passeur, le tueur de chats et le fossoyeur. Le lieu principal où se joue leur destin est un café-hôtellerie délabré qui vient de s’adjoindre les services d’un cordonnier, sorti de nulle part, dont l’arrivée (nus pieds) va coïncider avec la perte d’inspiration du poète et la mise en place d’un étrange commerce de chaussures entre Mogue, patron de la morgue, et Orwell le tenancier du bar.
Bryan Delaney parvient, en quelques répliques, à embarquer le lecteur dans des situations peu ordinaires avec, en toile de fond, la mort (ou son ombre) escaladant des versants parfois burlesques. Celle-ci rôde, invisible. Elle plane sur le bar, près de la plage et bien sûr à l’intérieur de la morgue... Ce qui n’empêche d’ailleurs pas qu’un accouchement ait finalement lieu dans cet endroit si peu habitué à vivre un tel évènement...
Le Cordonnier a été créé sur les planches de l’Irish Classical Theatre Company’s Andrews Theatre à Buffalo, New York, en mars 2005. Bryan Delaney a reçu le prix Samuel Beckett en 2006.
La femme : Ne faîtes pas attention à nous. Faîtes comme si nous n’étions pas là.
L’homme : Si vous n’êtes pas content, vous n’avez qu’à vous trouver un autre arbre.. »
S’en suivent dialogues et retournements de situations imprévus où Bryan Delaney, pince-sans-rire à l’ironie mordante, lâche légèrement (et efficacement) la bride à ce qui fait la force de son écriture : le sens permanent du détail insolite, la parole bien ajustée et l’imparable avancée narrative qui accompagne des personnages en marge, décidés à accomplir d’ultimes coups d’éclat ou de folie, en guise de feux d’artifice, avant de prendre congé.
Ainsi Salomon (héros de la nouvelle La Lumière de Salomon) qui, à quatorze ans, ayant « contracté la cataracte », n’y voyant presque plus, se promène aux abords de la ville avec un chien, une cage à oiseaux sur le dos et une bible toute tachée des fientes des volatiles en rameutant périodiquement la foule pour dénoncer, à la criée, les agissements des notables locaux.
« Ainsi commença, au cœur d’un automne glacial, la croisade de Salomon pour nous apporter la lumière. Chaque semaine, une nouvelle personne était sacrifiée sur l’autel du ridicule. Les célébrations étaient de plus en plus drôles et féroces. Il démolissait ses victimes les unes après les autres. »
Chez Delaney, les sentiments ambivalents restent omniprésents. Les faiblesses humaines explosent brièvement. Les hommes peuvent devenir cruels en une fraction de seconde. Salomon n’hésite pas à écraser les pattes arrières de son chien avec une grosse pierre tant il a peur que celui-ci, affamé, ne le quitte...
La pièce de théâtre Le Cordonnier, qui se situe sur l’île d’Inishbollock, « un bloc de roc cruel et inhospitalier », met en scène des êtres que l’on retrouve souvent dans l’imaginaire irlandais : le poète, le barman, la putain, le passeur, le tueur de chats et le fossoyeur. Le lieu principal où se joue leur destin est un café-hôtellerie délabré qui vient de s’adjoindre les services d’un cordonnier, sorti de nulle part, dont l’arrivée (nus pieds) va coïncider avec la perte d’inspiration du poète et la mise en place d’un étrange commerce de chaussures entre Mogue, patron de la morgue, et Orwell le tenancier du bar.
Bryan Delaney parvient, en quelques répliques, à embarquer le lecteur dans des situations peu ordinaires avec, en toile de fond, la mort (ou son ombre) escaladant des versants parfois burlesques. Celle-ci rôde, invisible. Elle plane sur le bar, près de la plage et bien sûr à l’intérieur de la morgue... Ce qui n’empêche d’ailleurs pas qu’un accouchement ait finalement lieu dans cet endroit si peu habitué à vivre un tel évènement...
Le Cordonnier a été créé sur les planches de l’Irish Classical Theatre Company’s Andrews Theatre à Buffalo, New York, en mars 2005. Bryan Delaney a reçu le prix Samuel Beckett en 2006.
Bryan Delaney : Larry se pend (pièce en un acte, traduction par Cédric Demangeot), La Lumière de Salomon (nouvelle, traduction par Bernadette Casès et l’auteur), Le Cordonnier (pièce de théâtre, traduction par Livane Pinet Thélot), éditions Fissile.
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