Cuisine, le nouveau livre d'Antoine Emaz, paraît en version numérique chez publie.net. Il donne à lire, comme le faisait déjà Cambouis
(paru au Seuil, collection « déplacements », en 2009, et également
disponible en numérique chez le même éditeur), les multiples notes, échos, lectures,
réflexions et échos familiers qui alimentent le vaste chantier
d’écriture/lecture qu'il mène en continu. Ce livre est conçu
tel un journal (ce qu’il n’est pas), de façon chronologique, avec pour
chaque note une ou plusieurs entrées placée(s) à gauche sur la page.
Ainsi Visage, vieillir :
« Rides. Visage qui prend de l’âge. Cela ne m’a jamais gêné, comme
pour la barbe ou les cheveux blancs. M’ennuient davantage les
récurrentes douleurs au dos ou à l’épaule droite, quand elles se
réveillent. Pour les proches, j’ai mon visage, il vieillit à la vitesse
du leur, rien de grave. Pour les autres, j’ai un visage de mots, et je
ne sais ce qu’il peut être, ni s’il peut vieillir. »
Emaz
se découvre ici tel qu’il est : avec pudeur et retenue. Il évoque son
métier d’enseignant à Angers, ses fréquentes relectures de Reverdy, de
Du Bouchet ou de Follain, ses incursions dans les carnets, notes ou
journaux des autres (Hugo, Pascal, Jules Renard), son plaisir à entrer
dans un nouveau livre de James Sacré, de Jean-Patrice Courtois, de
Jean-Pascal Dubost, de Ludovic Degroote ou de Valérie Rouzeau en
soulignant les lignes de force ou les variations qu’il y repère. Il
explique sa relation à l’internet, sa fidélité et son bonheur de
travailler avec Florence Trocmé pour Poezibao où il publie régulièrement
des compte-rendus de lecture.
Les notes touchant le corps qui s’use, vieillit, fatigue trouvent
leur équilibre grâce à celles qui s’attachent à la belle respiration que
lui procurent les instants passés au jardin ou les haltes estivales à
Pornichet. Le champ social est également très présent. Cela va des
difficultés de son métier à celles rencontrées par les élèves et leurs
parents en passant par le travail qui peut broyer des vies comme le
montre la vague des suicides à France Télécom. C’est un homme à l’écoute
et au contact permanent des autres (poètes ou pas) dont on peut, dans
cet ensemble, prendre, page à page, le pouls.
Sa relation à l’écriture (ou à son absence, quand il est en panne) est évidemment au centre de sa réflexion.
« Le travail du poème doit être transparent, invisible : une machinerie de verre. »
Sa volonté d’aller « toujours au plus simple, jamais au plus facile »
est indéniable. Il croit à la poésie et reste confiant quant à son
avenir. Il existe de nombreux chemins secrets et en friche sur lesquels
personne ne s’est encore aventuré et qui finiront bien par être
explorés. Il en est convaincu. C’est le lecteur curieux, assidu,
insatiable, avançant dans tel livre ou manuscrit, le crayon à portée de
main, qui s’exprime ainsi.
Cuisine n’est pas à considérer comme l’envers du décor, comme
la face cachée du poète Antoine Emaz. Il s’agit au contraire d’un livre
qui prend place, de façon naturelle, dans son parcours créatif. En
témoignent, s’il en était besoin, les nombreux passages où il revient
sur l’écriture de Plaie (écrit en deux mois et retravaillé durant deux ans), sur la construction de Sauf, qui sort simultanément aux éditions Tarabuste,
sur sa difficulté à écrire ou sur ce formidable terreau que constituent
à ses yeux les lectures accumulées tout au long des dernières
décennies.
Antoine Emaz : Cuisine, publie.net.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire