« Je vais me crever. Je voudrais seulement que personne ne sut cela 
avant la chose faite et qu’en outre il fût prouvé que ma femme (que 
j’attends encore jusqu’à demain après-midi) a été prévenue 3 fois, 
télégraphiquement et par la poste, que c’est donc son obstination qui 
aura fait le beau coup. »
Cette missive destinée à son fidèle ami Edmond Lepelletier a été 
rédigée le dimanche précédent. Il a également fait part de son désir 
d’en finir à sa mère (qui est  venue  le rejoindre illico) ainsi qu’à 
Rimbaud et à la mère de celui-ci.
« Verlaine s’en fut couché à l’« Amigo » en compagnie d’un autre 
soiffard, cependant que sa mère et Rimbaud, le train manqué, 
s’acheminaient mélancoliquement ensemble vers l’hôtel de Courtrai. »
C’est cette affaire, celle du coup de feu, ses conséquences mais 
aussi ce qui précéda, que saisit avec finesse Maurice Dullaert, poète et
 critique littéraire belge (1865-1940) particulièrement attiré par la 
personnalité complexe de Verlaine. Il en brosse ici un portrait 
psychologique très documenté. Il remonte aux sources. Explique la 
rencontre entre les deux poètes, revient sur leur séjour à Londres, 
donne à lire les lettres qu’ils ont échangées et qui furent ensuite 
saisies par la justice. Il y ajoute des extraits succincts des divers 
interrogatoires et dépositions.  Bref, il poursuit l’enquête et donne au
 lecteur tous les éléments du petit drame  qui vit « la vierge folle » 
blesser « l’époux infernal », le premier écopant de deux ans de prison 
(durant lesquels il va se convertir et écrire Sagesse) et le second s’en retournant dans ses Ardennes natales mettre au propre Une saison en enfer.
Le livre, publié une première fois chez Albert Messein à Paris en 
1930, et aujourd’hui réédité chez Obsidiane, ne vaut pas seulement par 
la lucidité affichée par l’auteur et par sa façon de tout dire, avec 
tact et humour. Il séduit tout autant par l’écriture suggestive et 
extrêmement narrative de Dullaert. En replaçant le fait-divers dans son 
contexte historique et en l’étirant de ses prémices (pendant la Commune 
de Paris) à ses suites imprévues (libéré des geôles belges, Verlaine ira
 retrouver Rimbaud à Stuttgart), il  met en route un récit alerte et 
endiablé.
Maurice Dullaert : L’affaire Verlaine, éditions Obsidiane.
Logo : Paul Verlaine par Domac, © Musée Carnavalet, Paris.
Maurice Dullaert : L’affaire Verlaine, éditions Obsidiane.
Logo : Paul Verlaine par Domac, © Musée Carnavalet, Paris.

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire