Il faut parfois peu de pages pour aller à l’essentiel. Témoin ce livre
de Catherine Ysmal. Récit bref, serré, tourmenté. Celui qui parle
s’appelle Ilya, "l’enfant bizarre, sensible, puis plus tard, le fou,
marteau comme on disait, qui accompagnait son père sur des chantiers
d’ouvriers yougoslaves". Il se trouve qu’il rentre justement des
obsèques du père, bien décidé à dire ce qu’il a sur le cœur. Pour ce
faire, il vaut mieux que les bavards, les bruyants, les m’as-tu-lus, les
livreurs de pensées fades, les porteurs d’expressions usées et de mots
cuits la mettent enfin en veilleuse.
« Taisez-vous fantoches autoritaires, faiseurs de mots, dompteurs
crétins, bateleurs impuissants à ramener la cacophonie en chaos
véritable. »
Ce qu’il exprime court entre souffrance et délivrance. Il se libère
d’un tas de tutelles. Sa parole, longtemps réprimée, sort à l’air libre.
Elle ne se dissocie pas plus du corps que de la pensée. Fragile ou
violente, elle dit sa colère et son envie de vivre. Son besoin de naître
à soi-même et aux autres. Non pas à la place du père mort mais avec.
« Mon père est mort. Et ce qui brûle n’est pas son corps, mais
l’empreinte d’un géant ; cette ombre qui se reflète sur le mur et qui
pourrait encore répondre. Je lui demande non pas de disparaître mais de
se taire. »
La force de ce récit ne réside pas seulement dans sa concision. Les
faits évoqués, leur expansion, la personnalité du narrateur (fragile et
remonté) et le rythme soutenu qu’adopte Catherine Ysmal y sont aussi pour beaucoup.
« Le vent, libéré de ses pères, retombe en cendres froides jusqu’à s’abasourdir de silence. »
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