Née en 1988 au Kenya, Warsan Shire, a grandi à Londres. Les sujets
brûlants qu’elle aborde ici touchent à l’identité, aux migrations, aux
traumatismes liés à toutes sortes de violences, notamment celles subies
par les femmes, et au poids grandissant de la religion, en l’occurrence
l’Islam. Elle avance, avec des poèmes très narratifs, chacun décrivant
une scène particulière, en s’immergeant dans un monde qu’elle connaît
bien. Se sert tout à la fois de faits vécus par ses proches et de son
propre parcours, dépassant sa mémoire pour s’ouvrir à celle des
autres.
« Sofia la nuit de ses noces a pris du sang de pigeon.
Le jour d’après, au téléphone, elle m’a raconté
comme son mari a souri à la vue de ces draps,
Le jour d’après, au téléphone, elle m’a raconté
comme son mari a souri à la vue de ces draps,
comme il les a rassemblés pour les porter à son nez
fermant les yeux et passant sa langue sur la tache. »
fermant les yeux et passant sa langue sur la tache. »
La caisse de résonance qu’elle crée est polyphonique. Ancrée dans le
monde contemporain, elle n’en oublie pas pour autant ses racines
antérieures. Ses poèmes, simples et cinglants, font mouche en peu de
mots.
« Certaines nuits je l’entends dans sa chambre qui hurle.
Pour étouffer sa voix on passe la Surah Al-Baqarah.
Tout ce qui sort de sa bouche ressemble à du sexe.
Notre mère lui a interdit de prononcer le nom de Dieu. »
Pour étouffer sa voix on passe la Surah Al-Baqarah.
Tout ce qui sort de sa bouche ressemble à du sexe.
Notre mère lui a interdit de prononcer le nom de Dieu. »
L’intimité, le désir et la sensualité sont vécues avec fougue ou
discrétion, selon le degré d’intensité qui s’empare des corps. La
souffrance n’est jamais loin. Pas plus que la mort, qui rôde à proximité
des chambres ou des camps (ceux des migrants) qui restent les lieux où
se situent nombre des poèmes de Warsan Shire.
« Ils demandent comment vous êtes arrivée ici ? Tu ne le vois
pas sur mon corps ? Le désert libyen rouge des corps de migrants, le
golfe d’Aden ballonné, la ville de Rome sans veste. J’espère que ce
voyage signifie plus que ces kilomètres, parce que tous mes enfants sont
au fond de l’eau. »
Où j’apprends à ma mère à donner naissance, est le
premier livre de Warsan Shire traduit en Français. Ce bref ensemble (40
pages) est extrêmement percutant. D’une limpidité et d’une force
éclatante.
Warsan Shire : où j’apprends à ma mère à donner naissance, traduit de l’anglais par Sika Fakambi, éditions Isabelle Sauvage.
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