Tout débute le 11 juin 1981. Ce jour-là, trois cents policiers de la
sûreté du Québec débarquent pour saisir les filets à saumons des
indiens Mi’gmaq qui pêchent dans l’embouchure de la rivière
Ristigouche, en Gaspésie. Les hommes armés confisquent le matériel,
répriment, emprisonnent ceux qui résistent. Le conflit déclenche une
série de violences.
« Les indiens veulent sauver leurs filets. C’est grâce à ça qu’ils
gagnent leur vie, qu’ils peuvent se nourrir et élever leurs enfants.
Alors ils ignorent les semonces, montrent les poings, tournent en rond
dans la baie des Chaleurs pour échapper à leurs poursuivants. »
Le soir même, une adolescente qui vivait dans la réserve ne rentre
pas. Elle protestait contre l’arrestation de son père quand on a perdu
sa trace. C’est un garde-chasse, en rupture avec sa hiérarchie suite à
l’assaut, qui la retrouvera le lendemain matin. Fortement choquée, elle
lui avouera qu’elle a été violée. Plus tard, elle dira que ce sont trois
policiers qui ont abusé d’elle.
Cette rencontre va en susciter d’autres. Bientôt un vieil indien, qui
vit en ermite dans son wigwam, va sortir du bois pour venir en aide au
garde-chasse et à celle qu’il a recueilli. Plus tard, une institutrice
française se joindra à eux. Pour soigner la jeune fille mais également
pour les épauler face aux dangers. Ces quatre solitaires, qui se
ressemblent sur bien des points, deviennent les principaux protagonistes
du roman d’Éric Plamondon. Réunis, ils mènent une lutte secrète et
farouche que l’on suit au fil d’un scénario haletant et nerveux.
L’auteur entrecoupe régulièrement sa narration en y insérant des
chapitres qui lui permettent de revenir sur le passé des indiens
Mi’gmaq, sur leur histoire, leurs légendes, leurs coutumes, leur
aspiration à être acceptés et respectés. Leur vie est liée à celle du
saumon, appelé Taqawan dans leur langue.
« Le saumon est un poisson fascinant. Comment peut-il sauter si
haut ? Comment fait-il pour remonter des chutes aussi vertigineuses ? Sa
force, son allure et son goût lui ont valu le titre de roi des
poissons. Il y a deux mille ans, Pline écrivait déjà : "Le saumon des
rivières est mieux que tous les poissons de la mer". »
L’implacable roman d’Éric Plamondon (qui ausculte la relation
ambiguë qui persiste entre les peuples autochtones et le reste du
Québec) est aussi un hymne à la nature. C’est un chant rude, empreint
de réalisme, où la mort peut surgir à tout moment, et pas seulement lors
d’une partie de chasse ou de pêche, avec en filigrane la résistance
d’un peuple millénaire qui entend simplement faire valoir ses droits.
« Au Québec, on a tous du sang indien. Si ce n’est pas dans les veines, c’est sur les mains. »
Éric Plamondon : Taqawan, Quidam éditeur.
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