dimanche 4 mars 2018

Taqawan

Tout débute le 11 juin 1981. Ce jour-là, trois cents policiers de la sûreté du Québec débarquent pour saisir les filets à saumons des indiens Mi’gmaq qui pêchent dans l’embouchure de la rivière Ristigouche, en Gaspésie. Les hommes armés confisquent le matériel, répriment, emprisonnent ceux qui résistent. Le conflit déclenche une série de violences.

« Les indiens veulent sauver leurs filets. C’est grâce à ça qu’ils gagnent leur vie, qu’ils peuvent se nourrir et élever leurs enfants. Alors ils ignorent les semonces, montrent les poings, tournent en rond dans la baie des Chaleurs pour échapper à leurs poursuivants. »

Le soir même, une adolescente qui vivait dans la réserve ne rentre pas. Elle protestait contre l’arrestation de son père quand on a perdu sa trace. C’est un garde-chasse, en rupture avec sa hiérarchie suite à l’assaut, qui la retrouvera le lendemain matin. Fortement choquée, elle lui avouera qu’elle a été violée. Plus tard, elle dira que ce sont trois policiers qui ont abusé d’elle.

Cette rencontre va en susciter d’autres. Bientôt un vieil indien, qui vit en ermite dans son wigwam, va sortir du bois pour venir en aide au garde-chasse et à celle qu’il a recueilli. Plus tard, une institutrice française se joindra à eux. Pour soigner la jeune fille mais également pour les épauler face aux dangers. Ces quatre solitaires, qui se ressemblent sur bien des points, deviennent les principaux protagonistes du roman d’Éric Plamondon. Réunis, ils mènent une lutte secrète et farouche que l’on suit au fil d’un scénario haletant et nerveux. L’auteur entrecoupe régulièrement sa narration en y insérant des chapitres qui lui permettent de revenir sur le passé des indiens Mi’gmaq, sur leur histoire, leurs légendes, leurs coutumes, leur aspiration à être acceptés et respectés. Leur vie est liée à celle du saumon, appelé Taqawan dans leur langue.

« Le saumon est un poisson fascinant. Comment peut-il sauter si haut ? Comment fait-il pour remonter des chutes aussi vertigineuses ? Sa force, son allure et son goût lui ont valu le titre de roi des poissons. Il y a deux mille ans, Pline écrivait déjà : "Le saumon des rivières est mieux que tous les poissons de la mer". »

L’implacable roman d’Éric Plamondon (qui ausculte la relation ambiguë qui persiste entre les peuples autochtones et le reste du Québec) est aussi un hymne à la nature. C’est un chant rude, empreint de réalisme, où la mort peut surgir à tout moment, et pas seulement lors d’une partie de chasse ou de pêche, avec en filigrane la résistance d’un peuple millénaire qui entend simplement faire valoir ses droits.

« Au Québec, on a tous du sang indien. Si ce n’est pas dans les veines, c’est sur les mains. »

Éric Plamondon : Taqawan, Quidam éditeur.

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