On y retrouve, dès les premières pages, son énergie, sa narration fluide, son imaginaire ouvert au monde et ces liens ténus qu’il tisse discrètement entre des personnages que le hasard (qui sait y faire) amène à se rencontrer. Ceux-ci, situés souvent en marge, ou tout au moins dans les angles morts de la société, attirent son regard et suscitent son empathie. Pour ces solitaires, la solidarité n’est pas un vain mot et ils le prouvent par des actes forts. C’est à nouveau le cas ici.
Anton, 14 ans, placé dans une famille d’accueil, se balade en bordure de forêt avec son grand chien-loup quand il assiste, sans que personne ne le remarque, à la fuite d’une gamine, descendue, pour une courte pause en compagnie d’autres clandestins venus d’Afrique, du camion qui les transportait. Prise en chasse par l’un des passeurs, courant dans les bois avec un lapin en peluche à la main, elle n’aurait eu aucune chance de s’en sortir sans l’aide de l’adolescent qui la rejoint et la guide vers un refuge idéal.
Ainsi débute ce récit porté par le rythme soutenu que Jérôme Lafargue parvient à lui insuffler. Son phrasé incisif sert parfaitement la rapidité des événements qui vont se succéder. Il n’est pas nécessaire de les noter tous. Ils s’enchaînent et fondent la solidité et la cohésion de l’histoire... Mais il faut néanmoins souligner l’importance d’un troisième personnage, Gustavo, ex-musicien à qui il manque une main, vieil homme exilé qui a jadis combattu pour que son pays, le Mozambique, se libère du joug colonial portugais. C’est lui qui leur permet de disparaître pour s’inventer ailleurs, et autrement, une vie différente. Grâce à la langue swahili, il va, de plus, établir le contact avec Nila, la fillette, qui débarque du lointain Kenya. On apprendra bientôt que ce n’est pas elle qui intéresse les passeurs mais le lapin qui ne quitte pas sa main et à l’intérieur duquel est cachée une clé USB où figurent des photos prises dans un laboratoire clandestin.
« Un laboratoire secret destiné à expérimenter des implants dont les propriétés peuvent sans doute être fatales s’ils ne sont pas réglés correctement. On utilise donc des cobayes. Des enfants, surtout orphelins, ou enlevés, dans des pays pauvres. »
Nila fait partie de ces cobayes, victime des sorciers manipulateurs de la Tech qui testent la fiabilité des implants cérébraux qu’ils pourront ensuite vendre au prix fort.
Avec Pamoja !, Jérôme Lafargue poursuit un parcours littéraire placé sous le signe de la solidarité, de l’humanité, de l’amitié et de l’ouverture aux autres. Il privilégie les êtres fragiles qui arpentent des itinéraires non balisés. Après avoir gravi des sentiers caillouteux, Anton et Nila, que le sort n’avait, jusqu’alors, pas épargnés, découvrent, niché dans la montagne, un havre de paix habité et autogéré par quelques dizaines de personnes. Ils vont s’y poser. Ils se sentent bien dans cette communauté. Leur imposant, instinctif, vigilant et rassurant chien-loup aussi. C’est ce trio magique qui éclaire le roman.
« Au bord du monde, ils se regardent en souriant et tous trois sautent en se tenant la main et la patte, ils sautent dans ce monde imparfait et magique et terrifiant, ils sautent sans tomber, ils flottent et ils naviguent. »
Jérôme Lafargue : Pamoja !, Quidam éditeur.
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