Il stationne dans une
rue d’un port d’Afrique. Face à lui, assis sur un sac de sable,
une 33 export à la main, un vieux garde une maison en deuil. Il vend
en même temps des poissons séchés, étalés sur des journaux à
même le sol. D’un geste bref, il l’invite à entrer.
Le mort trône au
milieu de la pièce. Il repose sur un lit en fer. Le linge blanc qui
le recouvre ne cache pas ses os saillants. On lui a collé un
sparadrap sur la bouche. Il porte encore ses lunettes cerclées
d’écailles. A son poignet, une montre jaune égrène un temps qui
n’est déjà plus le sien. Un ventilateur continue de ronronner
au-dessus de sa tête.
Un soir à Anvers,
en équilibre sur le versant nord des savanes taillées sous les
lustres d’un bar, la fatigue le plombe. Il sirote Palm sur Palm. Se
rapproche d’une blonde. Laisse deux doigts libres filer sur la
fermeture Eclair de ses jeans. S’aventure ensuite entre l’élastique
et le duvet du ventre. Ne remarque pas le type qui, installé à la
table du fond, suit son manège sans broncher. N’imagine pas la
dureté de ses poings. Ces deux cailloux, ciselés sur les pentes du
Koppen Berg, vont pourtant l’envoyer râper l’arête du trottoir
en lui modelant ce menton – en double galoche et de travers –
qui, depuis, ne l’a plus quitté.
Prix 2016 du poème en prose Louis Guillaume
Note de lecture de Jean-Pascal Dubost dans CCP
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