Début août. Il avance. Il s'installe près de la fenêtre. Il se met à regarder au dehors et on a pourtant l'impression – en croisant ses yeux sur la vitre – que l'essentiel se passe ailleurs, non pas à l'air libre mais au plus profond de son être intérieur. Il ne joue pas pour autant avec un moi envahissant. Il se méfie, au contraire, de tout ce qui miaule ou s'épanche sans complexe. Comme les états d'âme trop flasques. Et leurs inévitables dérapages incontrôlés...
« Ici des toiles d'araignées fixent l'immobilité. Plein soleil et reggae. Je me promets d'écrire chaque jour. Dépecer la solitude. Le fouillis le plus inextricable. Je lamine le silence épais du verbe. Dans l'ornière, les futilités, les gestes utilitaires, les ombres quotidiennes. »
La morale, les aphorismes, les certitudes et les misères qui pleurent leur trop plein d'encre, il les laisse à ceux qui aiment tant donner en pâture aux autres leur intimité en morceaux. Lui, il a choisi d'arpenter des chemins plus étroits. Il s'y glisse en respirant lentement. Il écrit avec gravité, pudeur et retenue. Il suit la courbe du soleil. Son éclairage l'aide à y voir. Et si le doute persiste toujours un peu, ces notes quotidiennes, ciselées et sensibles, frottées au tranchant de la lame, lui permettent tout de même de traverser les apparences, de saisir son ombre sur les murs, de distiller des détails ordinaires, de petites choses presque immobiles qui raniment les présences de la solitude et de l'amour chez un écrivain qui publiait là , en 1994, son premier livre.
Ensuite, quelques rares titres ont suivi, notamment Terrasse grise d'un bistrot de mai (Vodaine, 1995) Vers les fossés (Wigwam, 1998) et Lettre à la pauvrière (Jacques Brémond, 2009) mais sans empêcher Philippe Marchal de rester volontairement en retrait, occupé à publier les autres et à poursuivre l'aventure de la très belle revue Travers qu'il anime sans relâche depuis 1979.
Philippe Marchal : Journal d'été, avec 9 monotypes de Didier Godart, éditions du Noroît et Erti éditeur.