vendredi 22 décembre 2023

Dieu leur dit

Retour en Épire, du côté grec, tout près de la frontière albanaise, là où Sotiris Dimitriou situait déjà Heureux soit son nom, son précédent livre, publié aux éditions Quidam en 2022. L’histoire compliquée et douloureuse de cette région montagneuse, dont une partie fut annexée par l’Albanie, a façonné l’existence des maçons et des ouvriers qui partagent ici leurs secrets et leurs tourments, chacun dévoilant une part de lui-même, au cours d’une seule journée, au début des années 2000. Ils sont une douzaine, grecs, albanais, grecs d’Albanie, embauchés pour construire la maison de « l’émigré », « un coucou solitaire » qui rentre d’Allemagne après des années d’exil.

« Au bout de cinq mois pas sûr qu’il ait ouvert la bouche pour parler d’autre chose que de ciment, de briques et de fers à béton. Quand il ne faisait pas ses comptes sur un calepin il regardait par terre plongé dans ses pensées. À Povla son village il ne mettait jamais les pieds. »

Le décor est austère. Une route précaire, ouverte au bulldozer, permet d’accéder au chantier. Ils y sont depuis cinq mois mais ce jour-là, la pluie, qui tombe sans discontinuer, les oblige à faire relâche. Et à parler, à dialoguer, à s’exprimer enfin, à raconter ce que tous (à commencer par les plus anciens) ont dû subir (prison, travaux forcés, immigration, etc) du fait de leur appartenance à la minorité hellénophone d’Albanie, sous le régime du dictateur Hodja.

« En 75 ils m’envoient à Spaç dans les mines de pyrite et de cuivre qu’y a pas plus profond, jusqu’en 85 à la mort de Hodja. Là-bas j’étais wagonnier. Je devais faire mes sept wagons par jour. Je rentrais sous terre le matin et je ressortais la nuit. Là-bas je l’ai vue dans les yeux la malemort. Je trimais dans la zone mortelle, ça faisait que de s’ébouler. »

L’un après l’autre, ils se racontent, utilisent le seul dialecte qu’ils connaissent, celui, imagé, direct et inventif, que les générations précédentes leur ont transmis et que Dimitriou maîtrise à la perfection. La traductrice n’est pas en reste, qui parvient à lui rendre sa tonalité et sa spécificité. Cette langue se prête à l’oralité. Les ouvriers l’affectionnent. Rocailleuse, subtile, populaire, émaillée de dictons, elle constitue leur bien commun et donne une résonance particulière à leurs propos.

Tous ont derrière eux une vie pas facile. De lourds fardeaux qu’ils portent comme ils peuvent, s’en allégeant ponctuellement en les partageant avec les autres. Parfois, la parole laisse place aux chants. Les non-dits se colorent alors d’un peu de douceur. Ils entonnent quelques strophes, s’accordent des pauses, sortent les verres et l’alcool, accueillent des gens de passage, des bergers, des musiciens gitans qui reviennent d’une noce. Les langues se délient de plus en plus. Des choses trop longtemps tues sortent enfin. L’émigré taciturne va, lui aussi, s’ouvrir comme il ne l’avait jamais fait auparavant. Il se dit coupable de la mort d’un homme.

Au fil des heures, au bout du compte (des contes), les récits s’assemblent, se recoupent et donnent corps à un roman polyphonique extrêmement vivant, dynamique, chargé de terribles souvenirs mais également ponctué d’anecdotes plus légères et de traits d’humour bien sentis. Ce sont les humbles, les invisibles, les travailleurs manuels, les laissés pour compte, ceux qui n’ont (ordinairement) pas droit au chapitre qui s’expriment dans la montagne. Ils détachent des pans de leur rude histoire en la frottant à l’autre, la grande, la faucheuse, l’avaleuse des langues et des cultures minoritaires qui n’aura pas réussi à les faire taire.

Sotiris Dimitriou : Dieu leur dit, traduit du grec par Marie-Cécile Fauvin, Quidam éditeur.

mercredi 13 décembre 2023

Lumières sur Maldoror

Sa vie fut brève (avril 1846 - novembre 1870), son œuvre ne comporte que deux titres : Les Chants de Maldoror, publié à compte d’auteur sous le pseudonyme de Comte de Lautréamont en 1869 et le second, Poésies I et Poésies II, (deux fascicules – avril et juin 1870 – qui seront ensuite rassemblés), signé de son vrai nom, Isidore Ducasse. De lui, ne subsiste qu’une photo, découverte plus d’un siècle après sa mort. Il est né à Montevideo et mort à Paris Son corps est enterré dans une fosse commune du cimetière Montmartre. De son vivant, il n’eut que de rares lecteurs et a laissé peu de traces hormis ses textes. Tous ces éléments, mis bout à bout, réduisaient ses chances d’accéder un jour à la postérité, d’autant que les exemplaires des Chants de Maldoror, imprimés en Belgique, ne furent mis à la vente, de façon confidentielle, (dans une librairie Bruxelloise) qu’en 1874 avant d’être réédités à Paris en 1890.

Et pourtant, un siècle et demi après la disparition du poète, l’œuvre de Lautréamont /Ducasse est toujours bien vivante. Présente, déconcertante, fascinante, iconoclaste, elle interroge des générations de lecteurs. Elle est étudiée, analysée, commentée, recommandée. De nombreux ouvrages lui sont consacrés. Des historiens et des chercheurs s’en emparent, qui ne peuvent s’en séparer, y trouvant sans cesse de nouvelles pistes à explorer. Henri Béhar est l’un d’entre eux. Son parcours (il a édité les œuvres complètes de Roger Vitrac, de Tristan Tzara et d’Alfred Jarry), sa connaissance des avant-gardes, en particulier le surréalisme et Dada, qu’il étudie depuis des décennies, ainsi que son regard vif et pertinent s’avèrent précieux pour nous guider, avec méthode et efficacité, dans les méandres créatifs d’un alchimiste du verbe qui n’appartint à aucune école.

Rien ne lui échappe de l’étonnant parcours des Chants de Maldoror qui ne seraient jamais parvenus jusqu’à nous si quelques poètes, et non des moindres (Jarry, Soupault, Breton, Aragon, Tzara), ne les avaient repérés, les sortant de l’oubli, y puisant de quoi alimenter leur propre cheminement poétique et se relayant pour qu’ils perdurent. Auparavant, en 1885, les poètes de "La Jeune Belgique", faisant la même découverte, avaient alerté leurs amis symbolistes français et Remy de Gourmont fut d’emblée séduit par ces Chants qui détonnaient et donnaient un sacré coup de fouet à la poésie qui, jusqu’alors, n’avait jamais encore vibré de la sorte.

Henri Béhar a lu les nombreux essais, études et préfaces consacrés aux Chants de Maldoror et aux Poésies. Il entreprend ici une analyse fouillée (soulignant ses accords ou ses réserves, y ajoutant ses convictions) des différentes approches d’une œuvre qui a toujours suscité débats et passions. Il avance chronologiquement, débute par la vie et le cheminement du poète, (grand lecteur, au courant de tout ce qui s’écrit, ne supportant pas plus le romantisme que le lyrisme souffreteux), s’arrête sur l’édition de ses textes, poursuit avec leur réception critique et passe ensuite à leur découverte par ceux qui vont la faire connaître et, souvent s’en inspirer, en particulier Philippe Soupault, qui a vraiment sorti Lautréamont de son long purgatoire, en 1917.

« J’ai rencontré Philippe Soupault à la fin de l’année 1962. Je venais de soutenir un mémoire sur "l’Esprit Dada", le premier du genre à l’université, et lui-même achevait le chapitre "Les pas dans les pas" pour le recueil Profils perdus, qui devait paraître aux éditions du Mercure de France en mars suivant. Il me dit alors quel effort cela avait représenté, pour lui, de retrouver l’état d’esprit exact qui l’animait, avec ses amis, une quarantaine d’années auparavant. »

Aragon, a, lui aussi trouvé en Lautréamont un précurseur littéraire qui l’accompagnera tout au long de sa vie.

« Philippe Soupault fut le premier d’entre nous à posséder un exemplaire des Chants. Il nous le prêta et c’est dans un décor invraisemblablement maldororien que nous le lisions, Breton et moi, l’un à l’autre, à tour de rôle, à haute voix. »

Nombreux sont ceux qui furent bousculés par ces Chants (comme le souhaitait d’ailleurs leur auteur) et qui, surtout, ne se contentant pas du simple plaisir de la lecture, voulurent la prolonger en s’intéressant de près aux effets que ces proses produisaient sur eux. Il est impossible de les mentionner de façon exhaustive mais Henri Béhar, au fil de son ouvrage, précis et remarquablement documenté, prend le temps de s’arrêter sur chacun d’entre eux, d’entre elles (de Guy Debord à Marcellin Pleynet en passant par Julia Kristeva, Sollers, Le Clézio et beaucoup d’autres)) en démontrant, exemples et citations à l’appui, combien l’écriture d’Isidore Ducasse peut agir comme un aimant, capter l’attention (voire même l’imaginaire) de qui décide de s’immerger dans ses proses.

« Pour nous, il n’y eut d’emblée pas de génie qui tint devant celui de Lautréamont. » (André Breton)

Henri Béhar : Lumières sur Maldoror,Classiques Garnier,, bibliothèque de littérature du XX ième siècle.

dimanche 3 décembre 2023

Le canevas sans visage

Léona, 66 ans, infirmière-auxiliaire en retraite, veuve, mère et grand-mère a la dent et le cuir plutôt durs. La tendresse n’a jamais été son fort et ce n’est pas la vieillesse, dans laquelle elle glisse inexorablement, qui va l’inciter à mollir. Après avoir manié la seringue pendant des décennies et piqué la peau rude des mineurs des puits de Marles et de ses environs, la voici reconvertie dans la broderie, en train de couvrir de laine un canevas qui lui donne du fil à retordre.

« Qu’est-ce qui lui a pris aussi de se mettre à broder ce portrait, comme pour défier le temps et amoindrir le poids de la solitude ? Cela lui ressemble si peu cette occupation de bonne femme. »

Ce qui la caractérisait, au temps de sa splendeur, quand elle entrait chez un patient, torse bombé et seins en avant, c’était sa froideur, sa brutalité, son manque d’empathie, son instinct de femme autoritaire et déterminée et une certaine animalité à laquelle elle donnait libre cours lors de ses ébats furtifs, et vite expédiés, avec le gros et libidineux docteur Caudron.

« Quel beau salaud, quand on y songe. Leur histoire, si on peut appeler cela une histoire, avait duré jusqu’au début de l’année 1953. Léona avait alors quarante-cinq ans et son tour de poitrine ne suffisait plus à faire oublier son tour de taille. »

Ses doigts brodent un portrait de mineur mais ses pensées sont ailleurs, tournées vers les hommes de sa vie, à commencer par François, son mari, « un doux, une sorte d’intellectuel, qui se révélait plus à l’aise le nez plongé dans les livres que l’œil pendu dans le décolleté des femmes », François, mort en février 1968, puis Caudron, l’ultra rapide, puis Monsieur Alphonse, l’amant précautionneux. Dans son entourage immédiat, il y a également Daniel, son fils (qu’elle n’apprécie guère et qu’elle tient toujours plus ou moins sous sa coupe) et Pascal, son petit-fils (qui, selon elle, marche dangereusement sur les traces de son père). Tous ces hommes qui s’enchevêtrent dans son présent et dans sa mémoire l’accompagnent et la perturbent. Seul François, sans doute parce qu’il est le seul à ne plus être de ce monde, semble sortir du lot en éveillant en elle de tardifs regrets. Peut-être aurait-elle pu le sauver de sa septicémie si elle avait été un peu plus attentive ? Ou peut-être pas. Elle préfère pencher pour la seconde option.

Si Patrick Varetz brosse le portrait d’une femme rêche et revêche qui n’aime pas ses proches mais peut néanmoins se montrer généreuse, son récit va plus loin en s’ancrant au plus profond de cette région minière qu’il connaît parfaitement et dont il restitue des fragments d’histoire, s’attachant aux hommes, à la dureté de leur travail, aux maladies, aux accidents, aux répercussions que cela produit au sein même des familles et au lent déclin puis à la fermeture définitive des puits.

Léona (placé ici sous le regard d’un narrateur qui n’est autre que son petit-fils) ne parvient pas à finir son canevas, butant sur le visage du mineur qui y est représenté. Peut-être parce qu’elle n’a jamais pris le temps de s’attarder (ne perçant que leur peau, leurs fesses) sur les visages pourtant très expressifs de ces dizaines de milliers d’hommes (les gueules noires) qui ont passé une grande partie de leur (souvent courte) vie sous terre.

Les lecteurs des textes de Patrick Varetz retrouveront dans ce court roman plusieurs des personnages présents dans ses précédents livres. La grande fresque familiale, avec ses heurts, ses déflagrations, ses éclats coupant,s qu’il manie avec dextérité afin de les rassembler en un puzzle intime, littéraire et salvateur, se poursuit ici de belle manière.

Patrick Varetz : Le canevas sans visage, éditions Cours toujours

mardi 21 novembre 2023

Le Pair

Elle porte, depuis ses dix-huit ans, un lourd secret dont il lui faut se défaire avant qu’il ne soit trop tard mais elle n’a plus personne, ou presque, à qui se confier. Elle, c’est Jeanne, une vieille dame originaire des Vosges qui retrace les principales étapes de son existence en s’arrêtant sur ce jour de 1943 où tout à basculé, quand Paul, son frère jumeau, a été arrêté par les allemands avant d’être déporté au camp de concentration du Struthof d’où il n’est jamais revenu. Un pacte les unissait : tous deux s’étaient promis de ne rien se cacher. Promesse qui ne peut être tenue quand on entre dans la résistance et qu’on s’éclipse discrètement la nuit pour aller combattre l’armée d’occupation.

« Nous devions tout nous dire, les mots nous ont manqué. Notre serment envolé dans le bois. Quel sens aussi la promesse candide de nos sept ans ? Nos vies en grandissant ont noué leurs secrets. Nous nous sommes perdus, un peu, ce n’est pas anormal. »

L’ombre de Paul, telle qu’elle se l’imagine, et si elle existe, ne peut se trouver qu’au camp du Struthof où elle se rend une dernière fois pour lui parler, lui délivrer cette vérité qu’elle lui doit, en une longue confession où elle avoue enfin ce qu’elle n’a jamais divulgué, à savoir sa relation intime avec un jeune soldat allemand et les répercutions terribles que cela a provoqué.

« J’ai eu le pouvoir terrifiant de dire ou de me taire. Par lâcheté sans doute je me suis maintenue dans l’entre-deux le moins inconfortable : j’ai attendu. Ce n’était pas vraiment un choix. J’ai laissé à la vie le soin de décider quand et à qui je devais raconter. Il a toujours été trop tard. »

Quelques années auparavant, Jeanne avait noirci les pages d’un cahier pour tenter d’y voir plus clair mais en pure perte puisqu’elle avait fini par le déchirer avant de jeter ses mots dans l’eau du ruisseau Le Pair, celui que les jumeaux fréquentaient durant leur enfance.

Son secret, elle l’a gardé tout en menant une vie apparemment normale, celle d’une sœur, d’une épouse, d’une veuve, d’une mère, d’une grand-mère. C’est ce qu’elle explique en revenant sur son passé, juste avant de prendre congé, avant de dire adieu à ce frère auquel elle s’adresse, saluant sa mémoire en le faisant revivre dans l’enceinte même du camp où il est mort.

La force de ce livre réside dans sa concision et dans sa belle et impeccable architecture. C’est un poing fermé qui s’ouvre lentement, libérant ce qu’il cachait. Le texte est sûr, prenant, incisif, empreint d’une certaine douceur. Moins de cent pages suffisent à Catherine Litique pour bâtir un roman sensible où la vérité, humainement douloureuse, ne se dévoile qu’avec délicatesse, en un lancinant murmure, en une succession de séquences courtes et efficaces portées par un fil narratif tenu avec grande maîtrise.

Catherine Litique : Le Pair, éditions Le Réalgar.

samedi 11 novembre 2023

Nina Simone

Ce n’est pas une biographie de Nina Simone (1933-2003) que proposent Valérie Rouzeau et Florent Chopin dans ce livre publié dans la belle collection Supersoniques mais une évocation sensible de l’œuvre et du parcours de vie de l’une des plus grandes chanteuses de jazz.

Valérie Rouzeau débute son texte en partant de l’enfance de celle qui est née Eunice Waymon en Caroline du Nord, dans une famille de révérends méthodistes. Possédant l’oreille absolue, elle savait jouer à l’harmonium, dès ses trois ans, le gospel préféré de sa mère. Deux ans plus tard, « elle subjugue les fidèles dans toutes les églises où sa mère l’assoit, coussin sur la chaise de paille, devant l’orgue ».

Son rêve, et elle travaille dur pour le réaliser, est de devenir pianiste-concertiste. Mais la pauvreté et le racisme vont l’en empêchée. Passionnée par Chopin, Mozart, Beethoven, donnant son premier concert classique à huit ans, l’entrée au prestigieux Curtis Institude de Philadelphie lui sera refusée et cela bouleversera sa vie.

Elle va alors faire entendre la magie de sa voix et c’est par elle, unique et envoûtante, « dont on a pu dire que c’était tantôt du gravier, tantôt du café crème », que la reconnaissance viendra. Elle passe du classique (ne l’abandonnant pas pour autant) au jazz sans jamais se détourner de son piano. Elle joue, compose, écrit, adapte des morceaux anciens, met en musique des textes (notamment ceux de Langston Hughes et James Baldwin), reprend (en y ajoutant sa griffe) des titres connus tels Just Like a Woman de Bob Dylan ou My Sweet Lord de George Harrison et étoffe peu à peu son répertoire. Elle n’oublie pas ses racines. Le gospel, dit-elle, lui a enseigné l’art de l’improvisation et si le Sud profond, d’où elle vient, est celui des ségrégationnistes et des esclavagistes blancs, il demeure également le lieu où est apparu le blues à la fin du dix-neuvième siècle. Cela, la Little Girl Blue (titre de son premier album) le sait et l’exprime.

« Et l’aria peu à peu varia
De plus en plus noire se fit la voix »

C’est pour ne pas être reconnue par ses proches, qu’elle prend en 1954, alors qu’elle se produit dans un bouge d’Atlantic City, le pseudonyme de Nina Simone. C’est le prélude à la carrière qu’on lui connaît, le succès arrivant dès la fin des années cinquante à Greenwich Village puis à travers tout le pays et bientôt dans le monde entier.

Cela, Valérie Rouzeau l’écrit en choisissant de s’arrêter sur des moments-clés, la présentant telle qu’elle était, en femme libre, militante des droits civiques, défendant les droits des femmes, à commencer par les noires, s’engageant dès qu’il le fallait, luttant avec sa voix, son chant, ses textes, se battant également avec une maladie (sa bipolarité) qui lui rendra la vie difficile.

« C’est le monde que tu t’es créé, Nina, et maintenant tu dois accepter d’y vivre », Nina Simone se répétait les paroles de son ami James Baldwin dans les moments difficiles ».

Florent Chopin, par ses collages, son travail sur le papier, y compris le papier peint, et sur les objets, raconte Nina Simone en empruntant les chemins qu’il affectionne. Il déplie ses cartes marines ou terrestres, zèbre ses toiles de notes de musique, crée d’intenses mouvements, dessine ou peint, perçoit le timbre de la voix jusque dans son corps et impulse de la profondeur (et des envies de voyages) aux murs. Les reproductions, pleine page, du peintre (et poète) dont l’antre, "l’atelier des brousses", se trouve dans un ancien garage à Saint-Ouen, attirent, aiguisent et font du bien au regard et à l’imagination.

Tous deux, par des voies différentes mais complémentaires, s’associent pour rendre un bel hommage à Nina Simone, décédée dans le Sud de la France, à son domicile de Carry-le-Rouet, en 2003, dix ans après la parution de son dernier album, Single Woman.

Valérie Rouzeau et Florent Chopin : Nina Simone, éditions Philharmonie de Paris, collection Supersoniques