À Chicago, rue Michigan, un homme joue de la batterie. Il brasse l’air à coups de gestes vifs et répétitifs. À proximité, un autre, un « prédicateur enroué », s’adresse au bitume et à ceux qui le foulent en leur conseillant de laisser, sur la route de leur vie, « Jésus conduire la voiture » à leur place. Un peu plus loin, derrière les arbres, on entend, par intermittences, les mélopées un rien disloquées d’un orchestre de jazz. Plus loin encore, mais il faut bouger, emprunter de nouvelles rues et s’ancrer au cœur du quartier résidentiel de Lincoln Park pour saisir sa présence, un autre personnage, officiant lui aussi en plein air, « déploie les mouvements d’une gymnastique étrange. »
« Pour les automobilistes et les passants lointains, il figure la persévérance extasié du pêcheur pauvre ramenant de grands filets vides, l’imprécation du chaman indien s’opposant au flux de voitures ou la séquence d’arrêts sur image des dernières terreurs du soldat qui meurt en pleine course. »
En réalité, cet homme – qui se nomme Gery Snider – exécute ces gestes, ces rites taoïstes parce qu’il a décidé de « redistribuer les énergies » à Résa Weiner, une ancienne actrice de télévision qui vit dans ce quartier huppé. Il se trouve, mais cela on le découvrira beaucoup plus tard, que durant son service en tant que cameraman dans l’armée américaine au Viêt-nam, il fit, un temps, équipe avec le jeune Jerzy Weiner, (fils de l’actrice en question) qui repose désormais dans un cimetière du sud-ouest de la France sous une feuille de marbre où deux dates sèches (18.7.1952 - 21.9.1974) disent la brièveté de son parcours terrestre.
Ce qui rattache cet homme et cette femme (qui ne se rencontrent jamais) exprime assez bien la façon de procéder de Denis Decourchelle. Des fils plus ou moins visibles relient ainsi les nombreux personnages qui traversent son livre. Certains restent très fugaces. D’autres réapparaissent à intervalles réguliers. Presque tous entrent, à un moment donné, en contact (direct ou indirect) avec Résa Weiner, l’actrice, d’origine polonaise, qui devient peu à peu la figure centrale du roman. Chaque itinéraire retracé prend l’apparence d’une biographie imaginaire et néanmoins documentée. Des faits réels peuvent également s’y emboîter.
La Persistance du froid est un récit subtil. Il est construit de façon circulaire et non linéaire. Parvenu à la fin du livre, le lecteur a en sa possession pratiquement tous les éléments du puzzle. Chacun peut ensuite le reconstituer à sa façon. On songe un instant à la malice du Godard des années 60, 70… Denis Decourchelle enroule ses phrases longues. Il les déplace – sur fond de jazz et de blues – en leur octroyant un peu de la langueur de ces voitures américaines (ici une Lincoln Continental, là un vieux cabriolet Mustang Shelby, ailleurs une Dodge noire ou une Cadillac blanche) qui roulent dans ses pages pour aller de Chicago à Chicago où, boucle bouclée, le périple se termine.
« Pour les automobilistes et les passants lointains, il figure la persévérance extasié du pêcheur pauvre ramenant de grands filets vides, l’imprécation du chaman indien s’opposant au flux de voitures ou la séquence d’arrêts sur image des dernières terreurs du soldat qui meurt en pleine course. »
En réalité, cet homme – qui se nomme Gery Snider – exécute ces gestes, ces rites taoïstes parce qu’il a décidé de « redistribuer les énergies » à Résa Weiner, une ancienne actrice de télévision qui vit dans ce quartier huppé. Il se trouve, mais cela on le découvrira beaucoup plus tard, que durant son service en tant que cameraman dans l’armée américaine au Viêt-nam, il fit, un temps, équipe avec le jeune Jerzy Weiner, (fils de l’actrice en question) qui repose désormais dans un cimetière du sud-ouest de la France sous une feuille de marbre où deux dates sèches (18.7.1952 - 21.9.1974) disent la brièveté de son parcours terrestre.
Ce qui rattache cet homme et cette femme (qui ne se rencontrent jamais) exprime assez bien la façon de procéder de Denis Decourchelle. Des fils plus ou moins visibles relient ainsi les nombreux personnages qui traversent son livre. Certains restent très fugaces. D’autres réapparaissent à intervalles réguliers. Presque tous entrent, à un moment donné, en contact (direct ou indirect) avec Résa Weiner, l’actrice, d’origine polonaise, qui devient peu à peu la figure centrale du roman. Chaque itinéraire retracé prend l’apparence d’une biographie imaginaire et néanmoins documentée. Des faits réels peuvent également s’y emboîter.
La Persistance du froid est un récit subtil. Il est construit de façon circulaire et non linéaire. Parvenu à la fin du livre, le lecteur a en sa possession pratiquement tous les éléments du puzzle. Chacun peut ensuite le reconstituer à sa façon. On songe un instant à la malice du Godard des années 60, 70… Denis Decourchelle enroule ses phrases longues. Il les déplace – sur fond de jazz et de blues – en leur octroyant un peu de la langueur de ces voitures américaines (ici une Lincoln Continental, là un vieux cabriolet Mustang Shelby, ailleurs une Dodge noire ou une Cadillac blanche) qui roulent dans ses pages pour aller de Chicago à Chicago où, boucle bouclée, le périple se termine.
Denis Decourchelle : La Persistance du froid, Quidam éditeur
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