Venant peu après la publication de l’œuvre complète du poète suisse aux Éditions de l’Aire en 2005, cette livraison
déjà ancienne offre une somme d’études, de témoignages, d’extraits de lettres et de
repères biographiques qui rappellent la trajectoire fulgurante d’un
homme que l’on retrouve, dans ses poèmes brefs, en train de se battre
sans relâche (et sans illusion) avec la maladie, l’angoisse, la
solitude.
La poésie de Giauque est née d’une urgence, d’une nécessité de fissurer
(avec des mots simples, dans une forme austère) le véritable mur
dépressif contre lequel il se cogne - entre les années 1958 et 1965 -
et qui annihile, peu à peu, ses dernières forces.
« Douleur implacable. Se ruer dans la nuit. Gouvernail arraché.
Voiles déchirées. Le vieux navire prend eau de toutes parts. Attention.
Bientôt la main ne pourra plus guider les mots. Conscience et esprit
comme une plage couverte de cadavres. Les larmes ne peuvent plus couler.
Ont trop coulé. Un peu partout. Dans les chambres closes. Les cellules
verrouillées. Les bistrots déserts. Les lits éventrés. »
Parler seul, L’ombre et la nuit, Terre de dénuement, Journal d’enfer :
à eux seuls, les quatre titres de Giauque expriment assez ce que fut
la courte existence (1934-1965) de celui qui n’aura jamais cessé de se rapprocher de ceux
qui, “emmurés, dépossédés d’eux-mêmes”, lui ressemblent.
« À force de fréquenter les poètes maudits, et je pense plus
spécialement à celui qui fut mon maître : Antonin Artaud, j’ai fini par
leur ressembler. C’est un héritage terrible. »
Parmi les nombreux hommages (Jean-Pierre Begot, Arnaud Buchs,
Jean-Jacques Queloz) figurant au sommaire de ce volume de 230 pages
conçu par Patrick Amstutz,
ceux de Georges Haldas et de Hughes Richard, qui furent des proches de
Giauque, sont particulièrement émouvants. Tous deux ont vu très vite
l’état psychique du poète (vivant souvent reclus, noircissant page sur
page) se dégrader.
« C’était hallucinant de voir cette graine intacte promise à la destruction », écrit Haldas dans Jardin des espérances (Éd. L’ Àge d’homme, 1969), livre dans lequel il lui consacre une cinquantaine de pages.
« Lire Giauque est une épreuve », note François Boddaert. C’est
effectivement vrai. Traverser avec lui cet océan de sombre désespérance
pour aboutir à une fin implacable (suicide au lac de Neufchâtel en mai
1965) est douloureux mais sans doute nécessaire pour que le fil de cette
voix fragile ne se casse pas.
Intervalles : Sur le Souhait, 31 - CH 2515 Prêles (Suisse).
Intervalles : Sur le Souhait, 31 - CH 2515 Prêles (Suisse).
Cela fait peut-être un peu moins de trois ans maintenant que Giauque me suit.
RépondreSupprimerOmbre effrayante portée sur les murs, il a dans les bras un bouquet de plaies qui rougit ma vie.
Je rouvre souvent ses Œuvres complètes, et je comprends que si, moi, je porte une croix, il avait sur le cœur tout un noir Evangile.
… Mais il arrive que les corbeaux retournent leurs ailes et deviennent des oiseaux blancs qui déchirent la tristesse pour montrer la voie d'un pays neuf.
Il y va du peuple invisiblement visible antre nous c'est cela
RépondreSupprimerqui perpétue le désir de la lumière donnée des mots à maux...