En mettant ses pas dans ceux de Corot, qui fut peintre des routes, de
celles qui l’incitaient au plaisir de la marche et de la découverte sans
idée de destination précise en tête, Marie Alloy entre également dans
des paysages qu’elle connaît. Elle s’arrête et lit avec son propre
regard de peintre la luminosité, l’alignement des maisons basses, le
porche d’une ferme, les saules, leurs ombres et les deux personnages
sans vrai visage qui composent, en une subtile harmonie de couleurs et
de nuances, Une Route près d’Arras, tableau de taille modeste
(45 x 35 cm) peint vers 1855-1858. Ce faisant, elle effectue un retour
sur les lieux qui furent ceux de son enfance, se remémorant certains
chemins couverts d’une terre tout aussi ocre et les perspectives d’un
identique ciel sans fin.
« Habitant Sin-Le-Noble, toute jeune encore, je prenais le chemin que
Corot avait représenté, je l’ignorais alors, pour aller dans ma famille
paternelle. Il traversait les champs et longeait de petites maisons
alignées. »
Elle note la discrétion qui est (et sera toujours) celle de cet homme
qui cherche « la vérité en peinture » et qui n’use jamais d’artifice
pour lier ce qui veille et travaille en lui à ce qui s’offre à son
regard sensible.
« Nul besoin de pittoresque, l’honnêteté du regard de Corot se révèle, sa vision est claire, sa touche sait être sensation. »
Le passage dans ces lieux dont Corot s’imprégna longuement, non seulement dans Une Route près d’Arras, mais aussi dans Le Beffroi de Douai ou La Route de Sin-le-Noble ou Près d’Arras, les bûcheronnes,
est pour Marie Alloy « propice au bourdonnement des souvenirs », qu’ils
soient visuels ou plus secrets, plus intérieurs, reliés aux poètes qui
ont arpenté ces mêmes itinéraires (d’abord Marceline Desbordes-Valmore
puis le jeune Rimbaud faisant halte rue d’Esquerchin à Douai en 1870) ou
ancrés dans l’intimité d’un jardin et d’une maison d’enfance bâtie non
loin du bassin minier.
Corot aimait les paysages du Nord où il fit de fréquents séjours à
partir de 1847. Il se rendait à Arras chez son ami Constant Dutilleux
(qui fut son premier acheteur) ou à Douai chez Alfred Robaux. C’est ce
que rappelle Marie Alloy, attirée par l’œuvre et par la personnalité
(humble, discrète et généreuse) de celui que Claude Monet n’hésitait pas
à placer au plus haut : « Il y a un seul maître, Corot. Nous ne sommes
rien en comparaison, rien », disait-il. Elle note encore, outre la vie
qui n’apparaît jamais figée dans ses toiles, l’importance des ciels
chez ce peintre d’extérieur qui prend soin de rester légèrement en
retrait mais toujours à proximité de ses personnages.
« Pour Corot, l’étude des ciels était de la plus grande importance
parce que de leur traduction dépendait l’entier équilibre et esprit de
la toile. »
Marie Alloy : Un Chemin d’enfance, une lecture de Une Route près d’Arras, de Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875), éditions Invenit.
Marie Alloy : Un Chemin d’enfance, une lecture de Une Route près d’Arras, de Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875), éditions Invenit.
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