Habitué à faire circuler les textes des autres, que ce soit au sein de la revue Europe
(qu’il dirige depuis de nombreuses années) ou en tant que traducteur
(on lui doit notamment les versions françaises de différents ouvrages de
Giuseppe Conte, Antonio Tabucchi, Cristina Campo et Lucio Mariani),
Jean-Baptiste Para n’en délaisse pas pour autant ses propres poèmes. Si
on le lit peu, c’est parce qu’il lui faut (outre les raisons évoquées
ci-dessus) allier distance, patience et sagesse pour penser, concevoir,
écrire et mener à bon port un projet conséquent.
Il sait, de plus, comme la plupart des poètes, que l’on se doit, à un moment ou à un autre, de payer son dû au silence.
Il sait, de plus, comme la plupart des poètes, que l’on se doit, à un moment ou à un autre, de payer son dû au silence.
« Tu es né d’un homme aride
Toi qui retient ta bouche de parler
Toi qui retient ta bouche de parler
Là où tombe son visage
Sa lampe tourne sous les vents
Sa lampe tourne sous les vents
Ne guette pas de silence plus tendre »
Cette attente, de lente retenue, n’empêche pas les ombres de réclamer. Il arrive même qu’elles ordonnent - tel est le cas dans La Faim des ombres
- de donner du blé aux morts et du sel aux pierres. À l’auteur alors
d’entrer en jeu et de libérer sa parole. À lui de détecter ce qui
reste, par nature et autour de nous, à peine perceptible ou visible :
aiguilles, brindilles, cendres, reflets, résines... À lui de dire ce qui
circule dans les sous-bois de l’image et de l’écrit. Tout cela, Jean-Baptiste Para
sait le sentir et le propager. Il avance par séquences. Mêle
étroitement impressions de voyages et de lectures. Y greffe ses
fragments antérieurs et sa grande propension à se projeter dans le réel
(souvent douloureux) des autres. Le lisant, on peut tour à tour
surprendre Pouchkine à cheval dans la steppe, imaginer un tombeau pour
le poète indien (écrivant en langue ourdou) Mirza Ghalib (1797-1869) ou
décider d’une ultime visite à Rosa Luxemburg en cellule.
« Les fourmis et le sable blanc sont mes camarades.
Je mourrai à mon poste si je meurs en prison. »
Je mourrai à mon poste si je meurs en prison. »
L’un des moments les plus intenses du recueil s’avère être celui nommé L’inconcevable.
Il rapporte la mort nocturne, le deuil puis l’enterrement (suite
d’évènements vus par un enfant) d’une grand mère dont le "corps transi" a
été trouvé "dans les avoines". On y repère tout ce qui caractérise et
procure une force rare à cette écriture presque lyrique, où les mots
semblent parfois totalement offerts à ceux qui, croisant la route de
Para, se retrouvent, sans s’en douter, réunis dans le livre.
« L’enfant est descendu à la fontaine.
Il a lavé son visage dans l’eau où la vieille femme plongeait ses tresses.
Il a posé son front sur la pierre froide du bac.
Et ses lèvres pâles ont touché la pierre qui n’a pas d’enfance.
Il a lavé son visage dans l’eau où la vieille femme plongeait ses tresses.
Il a posé son front sur la pierre froide du bac.
Et ses lèvres pâles ont touché la pierre qui n’a pas d’enfance.
Le lendemain des gens sont venus de toute la montagne. »
Jean-Baptiste Para : La faim des ombres, éditions Obsidiane.
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