Escale en Norvège. Dans un paysage saisi par l’hiver. Avec en toile de
fond le froid coupant, les toitures et les routes enneigées, les pistes
de ski, la cafétéria et la mine. C’est là qu’Isabelle Flaten situe son
roman. Comme à son habitude, elle brosse, par petites touches, un
portrait incisif des quelques personnages qu’elle suit pendant un
certain laps de temps. Ceux-ci se nomment Dag et Swein, qui sont frères,
Gunhild, leur mère, Sigrid, la femme du premier (qui aurait sans
doute préféré être celle du second) et Alma, avec qui Swein envisage de
partir vivre ailleurs.
Tous (à part la mère au regard dur et aux propos blessants) sont plus
ou moins contraints de se battre avec (et contre) eux-mêmes. Une
situation imprévue peut les déstabiliser. Les plus sensibles (Swein et
Sigrid) sont les plus maladroits. Leur être intérieur est tourmenté.
Leur manque de confiance peut les faire basculer en une seconde. Et
cela, ce point-limite, Isabelle Flaten l’explore avec attention. Elle
tourne autour, note les traits de caractère différents, la confusion des
sentiments, l’impossibilité de se retrouver sur la même longueur
d’ondes.
Swein, qui voit ses espoirs d’envolée en duo rapetisser jour après
jour, finit par jeter l’éponge. Quant à Sigrid, en rentrant une nuit de
son travail à la cafétéria, sur une route prise par le brouillard et la
neige, elle sent un choc, « un bruit sec et sourd, puis une secousse »
sous sa voiture et se persuade que c’est elle qui a heurté la jeune
fille que l’’on a retrouvé inanimée au bord de la chaussée le matin
suivant. Elle va vivre avec cet obsédant sentiment de culpabilité.
Incapable de décider ce qu’elle doit faire, et ne parvenant pas à
atténuer ses penchants irrationnels, elle colmate son mal-être en
allant chercher l’apaisement entre les bras d’un Don Juan local.
L’efficacité de l’écriture (à la fois simple et ciselée) d’Isabelle
Flaten tient à sa capacité à maintenir ses personnages dans des
situations inconfortables. Elle sonde à la perfection leurs hésitations,
leurs frustrations, les déceptions qui les animent et la monotonie de
leur existence. Une seule phrase peut précipiter leur chute. Ou, au
contraire, les sortir d’une mauvaise passe. Un couperet invisible semble
en permanence suspendu au-dessus de leur tête. Il arrive qu’il tombe. À
cause d’une parole un peu rude. Ou mal interprétée. Ou inappropriée.
Isabelle Flaten : Bavards comme un fjord, Le Réalgar.
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