Chaque numéro de la revue Ficelle, créée et animée par Vincent Rougier,
associe un poète et un artiste (peintre ou graveur) et se présente sous
la forme d’un livret broché, format 10,5 X 15 cm, aux pages non coupées,
inséré dans une enveloppe « Mail Art ». L’aventure a débuté en 1993 et
le numéro 139 (Le rire et le vent, « poème en vingt-cinq prises »
de Claude-Lucien Cauët, gravures de Vincent Rougier) vient tout juste
de sortir. Comme à chaque fois, la surprise est au rendez-vous. Une voix
se donne par fragments. Le lecteur ne met pas longtemps à se
familiariser avec le ressac et la houle qui donnent force, gîte et
souffle à l’ensemble. Cauët est un poète rare. On le lit peu. Raison de
plus pour ne pas le rater.
« je tempête à la lampe des brisures océanes
échalas de soie et de sang sur un squelette de bois
ma course prend la mer de vitesse
elle qui brasse les paronymes allitère les brumes
sans jamais lever son nez de quartz
je la coiffe sur la ligne d’horizon d’un feutre de gangster
le marin voit la langue d’écume tirée par le père
Égée et devine derrière le drap noir la vengeance de ses frères
il n’est pour demeurer vivant que de s’abîmer en haute saison »
échalas de soie et de sang sur un squelette de bois
ma course prend la mer de vitesse
elle qui brasse les paronymes allitère les brumes
sans jamais lever son nez de quartz
je la coiffe sur la ligne d’horizon d’un feutre de gangster
le marin voit la langue d’écume tirée par le père
Égée et devine derrière le drap noir la vengeance de ses frères
il n’est pour demeurer vivant que de s’abîmer en haute saison »
Ce qui caractérise Ficelle, outre le bel objet conçu par V. Rougier
dans son atelier, c’est la diversité des voix qui s’y assemblent. De
nombreux poètes contemporains figurent au catalogue. Ainsi Serge Pey,
Christian Prigent, Werner Lambersy, Thomas Vinau, Joël Bastard, Albane
Gellé, James Sacré, Amandine Marembert et tant d’autres, dont le
regretté Patrick Le Divenah (1942-2019).
Parallèlement à la revue, l’éditeur publie également, avec la même
régularité, la collection Plis Urgents. Le format est identique. La
présentation légèrement différente. Chaque titre est un livre broché
avec jaquette, tiré à 300 exemplaires numérotés. C’est dans cette
collection que l’on trouve Les Moires et Slamlash, deux
textes différents d’Alexis Pelletier qui ont, néanmoins, comme point
commun d’être conçus pour passer aisément de l’écrit à l’oralité. C’est
vrai pour Les Moires, bâti en deux parties (Strophe et Antistrophe)
autour de ces trois sœurs issues de la mythologie grecque que les
latins nomment Les Parques. Le texte est né d’une commande du
compositeur Dominique Lemaître.
« Il y a deux voix qui me viennent souvent ensemble
Ou plus exactement
quand la première résonne en moi
immanquablement la seconde s’allume
quand la première résonne en moi
immanquablement la seconde s’allume
Il faut absolument que je les nomme ici
entourés que nous sommes
d’images et d’ombres
de spectres
d’histoires et de formes du passé. »
entourés que nous sommes
d’images et d’ombres
de spectres
d’histoires et de formes du passé. »
C’est également vrai pour Slamlash, « rap engagé » qui se
frotte au présent, ne s’en laisse pas compter en brossant un portrait
incisif de l’inquiétant « Jupiter aux p’tits pieds » et de la
ribambelle d’intrigants et d’intrigantes qui lui ont promptement
emboîté le pas.
« Je sais que ta pensée
Unique et sans appel
Est le contraire exact
De ce qu’il nous faudrait
Je sais bien qu’elle vit
Sur cette simple idée
Que le peuple est un con
Ça vient de Machiavel
Et de la Boétie
Tous deux tout détournés
De ce qu’ils signifiaient »
Unique et sans appel
Est le contraire exact
De ce qu’il nous faudrait
Je sais bien qu’elle vit
Sur cette simple idée
Que le peuple est un con
Ça vient de Machiavel
Et de la Boétie
Tous deux tout détournés
De ce qu’ils signifiaient »
Le récent Plis Urgents, Les délices des insectes exquis, est
constitué de textes de Gilbert Lascault et de peintures de Pierre
Zanzucchi. C’est l’occasion rêvée pour s’attarder sur ces êtres
minuscules que l’on voit à peine mais qui sont chargés d’histoires et
qui nourrissent bien des légendes. Ainsi la cigale :
« Selon Angelo de Gubernatis (Mythologies zoologiques ou les Légendes animales, 1874), « la cigale renaît au printemps de la salive du coucou et le matin de la rosée de l’aurore ».
Et la mante religieuse :
« La Mante femelle puissante et le mâle, fluet amoureux,
s’accouplent. Dans la journée, le lendemain, elle ronge la nuque du
pauvret et le dévore à petites bouchées, ne laissant que les ailes. Dans
bien des cas, la Mante n’est jamais assouvie d’embrassements et de
festins conjugaux. Une même Mante use successivement sept mâles qui sont
croqués dans l’ivresse nuptiale. »
Gilbert Lascault va voir du côté de chez Michelet ou chez
Jean-Henri Fabre, il se renseigne, lit Dali, Desnos,
Baudelaire, Apollinaire ou la Bible et concocte un ensemble dédié aux
fourmis, aux guêpes, aux abeilles zélées, aux papillons, aux
sauterelles, aux frelons, aux mouches, aux scarabées sacrés, etc. Tous
ont des secrets à murmurer à qui sait écouter attentivement ceux qui
les ont étudiés.
« Au XVIIe siècle, on couvrait les ruches d’un drap noir lors du
décès de leur propriétaire. Mais pour un mariage, on entoure les ruches
d’une étoffe rouge ».
Plis Urgents en est à son cinquante-cinquième titre. La série
complète est propice à de belles rencontres. On y croise notamment
Jacques Demarcq, Claude Beausoleil, Pascal Commère, Antoine Emaz, Henri
Chopin, Yves Jouan, Claudine Bertrand, Christian Cavaillé, Patricia
Castex Menier ...
Pour plus d’infos, ne pas hésiter à se rendre sur le site de l’éditeur : c’est ici
Logo : Détail d’une gravure de Vincent Rougier reproduite en couverture du livre d’Alexis Pelletier.
Logo : Détail d’une gravure de Vincent Rougier reproduite en couverture du livre d’Alexis Pelletier.