Imre Kertész a tenu son journal de 1961 à 1991. Les premières années, seules quelques notes viennent marquer des fins de journées sombres où le doute et la difficulté d’être dominent.
L’écrivain, dont l’existence est à jamais marquée par l’Holocauste – il fut déporté en 1944 (à l’âge de 15 ans) à Auschwitz et libéré à Buchenwald en 1945 – s’interroge et cherche à se structurer pour trouver assez de force et d’abnégation pour vivre, résister et maintenir à distance la dépression qui rôde. Il apprend très tôt que pour éviter le gouffre, il lui faudra se construire intellectuellement, lire, réfléchir, s’appuyer sur des textes âpres et parfois difficiles d’accès. Il convient de les appréhender patiemment, d’aller au cœur de l’œuvre, de dialoguer avec ceux qu’il a choisi et dont les pensées émiettées vont solidifier, par fragments, la sienne. Ceux qu’il interroge ainsi restent pour la plupart de grands pessimistes épris de solitude. Ce sont eux (Kafka, Beckett, Camus, Musil, Pessoa, Adorno) qui, par brèves secousses lumineuses et apaisantes, finissent par fissurer l’obscurité en le confortant dans sa volonté d’écrire malgré tout, malgré le doute, malgré le silence, malgré l’angoisse qui le taraude.
L’écrivain, dont l’existence est à jamais marquée par l’Holocauste – il fut déporté en 1944 (à l’âge de 15 ans) à Auschwitz et libéré à Buchenwald en 1945 – s’interroge et cherche à se structurer pour trouver assez de force et d’abnégation pour vivre, résister et maintenir à distance la dépression qui rôde. Il apprend très tôt que pour éviter le gouffre, il lui faudra se construire intellectuellement, lire, réfléchir, s’appuyer sur des textes âpres et parfois difficiles d’accès. Il convient de les appréhender patiemment, d’aller au cœur de l’œuvre, de dialoguer avec ceux qu’il a choisi et dont les pensées émiettées vont solidifier, par fragments, la sienne. Ceux qu’il interroge ainsi restent pour la plupart de grands pessimistes épris de solitude. Ce sont eux (Kafka, Beckett, Camus, Musil, Pessoa, Adorno) qui, par brèves secousses lumineuses et apaisantes, finissent par fissurer l’obscurité en le confortant dans sa volonté d’écrire malgré tout, malgré le doute, malgré le silence, malgré l’angoisse qui le taraude.
« Seule l’angoisse habite désormais là où il faudrait aimer, pareille aux remous des devoirs accomplis. Le désespoir tombe du ciel goutte à goutte. »
Ce qui occupe et façonne la pensée de Kertész, c’est la notion de destin. Dès le début du Journal, celle-ci est évoquée.
« Qu’est-ce j’entends par destin ? De toute manière, la possibilité du tragique. Contrecarrée par une détermination extérieure, une stigmatisation qui engonce notre vie dans une situation imposée par le totalitarisme, c’est à dire dans une absurdité : donc, vivre comme une réalité les déterminations qu’on nous impose et non les nécessités qui découlent de notre – relative – liberté, voilà ce que j’appelle être sans destin. »
Quand il note ceci, en 1965, il y a déjà plusieurs années qu’il travaille sur son premier roman, Être sans destin, qu’il n’achèvera que dix ans plus tard, passant l’essentiel de son temps à creuser un sujet pour lui existentiel. Toute sa vie – son passé de déporté, sa nationalité hongroise, sa naissance dans une famille juive, la pauvreté matérielle qui l’accompagne, le pouvoir totalitaire, la maladie dégénérative de sa mère – le porte à affronter puis à dépasser une réalité qu’il n’a pas choisie afin de ne pas finir laminé, épuisé, anéanti.
« Rester un individu et tenir en tant qu’individu dans ce monde collectif (...) ; pour l’instant j’aurais du mal à concevoir une entreprise plus héroïque. »
Journal de galère se situe dans son parcours juste avant Un autre, chronique d’une métamorphose (notes prises entre 1991 et 1995). On suit celui qui recevra le prix Nobel en 2002 (à sa grande surprise, apprenant la nouvelle à la radio) au travail sur Être sans destin et ses deux livres suivants : Le Refus et Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas. Parallèlement, il traduit Nietzsche et étudie les écrivains sur lesquels il s’appuie souvent, louant à la fois leur force littéraire, leurs prises de position et leurs décisions courageuses à un moment ou à un autre de l’histoire . Ainsi Thomas Mann qui décida de quitter l’Allemagne dès 1933. Ainsi Sandor Marai qui, après avoir vécu caché durant la guerre dû fuir la Hongrie en 1948 et finit par se donner la mort à San Diego en 1989.
« Marai : Terre, terre !... Bouleversant. L’exil comme forme d’existence du vingtième siècle, à tout point de vue ; exil intérieur et extérieur. »
Plus il avance dans ses réflexions, dans ses convictions et sa propre création et plus s’affirme le concept d’une liberté lentement gagnée. Cela est visible dans la construction même de ce carnet de bord conçu comme un précis de navigation intime et tourmenté. D’abord « Il part (au large) » puis « Il erre (entre les écueils et les hauts-fonds) » et enfin « Il lâche (la barre) / Il rentre (les rames) / Il est heureux. »
Les clés de l’œuvre de Kertész sont là. On les saisit au fil de ses notes, de ses doutes, de sa générosité et dans sa façon d’être à l’écoute et d’écrire en s’ancrant dans l’époque. Derrière tout cela, non pas entre les lignes mais bien inscrit (même si parfois non dit) dans le texte, il y a, il y aura en permanence Auschwitz.
« Quand je pense à un nouveau roman, je pense toujours à Auschwitz », dit-il.
Imre Kertész : Journal de galère, éditions Actes Sud, traduit du hongrois par Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba.
Imre Kertész : Journal de galère, éditions Actes Sud, traduit du hongrois par Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba.
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