De l’homme sans qui ce livre n’existerait pas, on saura peu de chose.
Son prénom n’apparaît qu’au détour d’une dédicace. On sait qu’il est
mort. Qu’il est tombé. Que ce fut sans doute assez rapide et qu’à cette
soudaineté de la disparition doit succéder un apprentissage de la
patience, pour continuer à vivre, entre douleur et douceur, en évitant
de trop ressasser le passé. C’est ce cheminement qu’amorce ici
Véronique Gentil. Elle le fait en ne cachant rien du vide profond que
constitue pour elle la perte de l’être aimé tout en s’employant à tenir
debout dans un présent qu’il lui faut appréhender différemment.
« La nature apaise mon cœur. La nature et le silence des morts. Le
silence des vivants attend toujours d’être saisi par la parole, fécondé
par la parole. Le silence des morts n’attend rien, n’est incisé par
rien, n’appelle pas. Il est. »
C’est avec ce silence qu’elle doit composer. Non pas en devenant
elle-même muette mais en confiant, au contraire, des bribes de réalité à
celui dont l’absence se transforme peu à peu en présence discrète,
apaisante, intérieure, grâce en partie à la capacité qu’elle a à se
laisser (presque méditative) porter par ce qui l’entoure.
« Je peux rester des heures à regarder ce que trame la lumière à
travers le rideau, et comment elle fait apparaître les mouvements du
monde. »
S’absenter ainsi l’aide à se rapprocher du disparu. À qui elle dit,
en strophes brèves, d’une voix posée et délicate, ce qu’il en est des
arbres en fin d’automne, du frémissement des branches mises à nu, des
travaux des champs, des fruits récoltés, des corneilles aux aguets, et
ce qu’il en est également de lui, tel qu'elle l'imagine, invisible, en embuscade, en attente
d’un signe qui ne viendra pas, à peu près
serein, libéré de bien des pesanteurs, enclin à se laisser « fléchir
par le vent ».
« La première chose
que tu m’as apprise
est de ne pas avoir besoin
de preuve
que tu m’as apprise
est de ne pas avoir besoin
de preuve
Ta mort est ma maison
que pourrais-je donc craindre ? »
que pourrais-je donc craindre ? »
C’est en anglais que Véronique Gentil
écrit les poèmes (donnés également en traduction française) qui, en
seconde partie du livre, sont adressés à celui dont elle dessine
furtivement quelques traits d’une personnalité que l’on devine calme et
attentive.
« Les hommes nous laissent en mourant une autre langue à écrire, en
marge de ce que nous connaissons, de tout ce qui nous a jusqu’alors
constitués. »
Véronique Gentil : Les grands arbres s’effacent, éditions Pierre Mainard.
Véronique Gentil : Les grands arbres s’effacent, éditions Pierre Mainard.
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