En sept chapitres très animés, avec succession de personnages qui ne
font parfois que de courtes apparitions – disparaissant durant quelques
pages avant de revenir se frotter aux autres –, en sept tableaux menés
tambour battant, Arno Calleja suit la trajectoire d’êtres qui sont en
quête de sensations fortes.
« L’homme ramène la femme chez elle. Dans le garage ils boivent une
bouteille à bulles. La femme veut le peindre nu. L’homme dit oui : et
c’est les séances, la nuit. Au matin, l’homme rentre dormir chez lui. Ça
dure comme ça six nuits. »
Ce sont des hommes, des femmes, exerçant tel ou tel métier
(enseignants, peintres, infirmiers, infirmières), fous ou pas fous, qui
tout à coup en rencontrent d’autres et se lâchent. Tous laissent,
inopinément, leurs instincts, leurs désirs (qui sont la plupart du temps
sexuels) les guider et les détacher de leur vie ordinaire. Ils
s’enflamment, créent, s’écorchent, se lacèrent corps et cerveau et
parfois même meurent. Mais cela ne signifie pas pour autant la fin de
l’histoire. À chaque fois, l’inconnu demeure, l’action se poursuit, du
mort sort un personnage-gigogne qui prend le relais.
« Maintenant la femme effondrée est sur une table, à la morgue. À
côté d’elle il y a son homme, le mort dans la forêt, sur sa table. La
femme de ménage demande à les voir. On la descend à la morgue. Elle sort
son téléphone. Elle les prend en photo. À côté il y a le médecin, il la
regarde faire. »
Au chapitre un, c’est un couple. « L’homme a des idées noires, la
femme des pensées sexuelles ». Au chapitre deux, c’est « une fille, très
belle, dans une chambre d’hôtel », avec un homme en costard. Au
chapitre trois, « c’est une famille : le père est professeur, la mère
est morte. L’enfant est surdoué. » Au chapitre quatre, c’est un jour de
pluie. Un couple sort du cinéma. Ils ont vu un film de Jean Eustache et rentre
chez eux où ils se déshabillent. Ce qui se passe ensuite, dans l’un ou
l’autre de ces chapitres qui s’épaulent, dans ceux-ci comme dans ceux
qui suivent, dépasse le huis-clos de départ pour s’ouvrir en accueillant
de nouveaux (et nombreux) protagonistes. Il arrive que quelques animaux
sortent du bois et interviennent à leur façon. Un renard trottine et
guide une femme perdue, un orang-outan fume cigarette sur cigarette, un
sanglier se met à parler...
Chaque phrase, courte, incisive, décrit une action, et en enclenche
une autre, et ainsi de suite, à rythme soutenu. La narration, haletante,
ne connaît pas le moindre temps mort. Arno Calleja explore rêves,
mémoires, obsessions, inconscient, instantanéité de la pensée,
fantastique et imaginaire en entremêlant roman, fable, conte et mise
en scène pour créer un ensemble qui ne se laisse pas étiqueter et qui
déborde de vitalité.
Arno Calleja : Tu ouvres les yeux, tu vois le titre, Othello éditions.
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