vendredi 2 novembre 2018

La grande année

S’il fallait trouver quelques mots pour parler de la poésie de Pierre Dhainaut, ceux qui viendraient spontanément à l’esprit seraient enchantement, accueil, écoute, transparence. Ces points de repères ne suffisent pourtant pas. Ils ne disent rien de l’approche des paysages dont il s’imprègne et dont il aime isoler un fragment particulier pour le ciseler, y poser ses mots et transmettre ce que cela suscite (d’émoi, d’éveil, de suggestion) en lui.

Il procède de façon presque identique avec les photographies qu’Isabelle Lévesque lui a fait parvenir au fil des saisons, et ce durant une année entière. Arbres, feuilles, fleurs, herbes, pierres sont saisis sous ciel bleu ou nuageux, par temps de brume ou de givre, sous un soleil pale ou radieux, à l’aube ou au crépuscule. À chaque photographie reçue, Pierre Dhainaut répond par un poème. L’image lui sert d’appui. Son regard le porte vers l’extérieur. Vers la lumière qu’il parvient toujours à capter, y compris au cœur de l’hiver.

Tous deux se relaient à distance. Lui à Dunkerque - où il voit apparaître le premier coquelicot de l’année (la fleur fétiche d’Isabelle Lévesque) le « 15 avril 2017, dans le très mince interstice de ciment entre le trottoir et la palissade » qui entoure son jardin - et elle aux Andelys où elle surprend la même fleur, en avril aussi, mais au milieu d’un champ de graminées. Ils cheminent ainsi tout au long du livre. Pierre Dhainaut s’arrête sur les vies infimes qui bougent à hauteur d’herbes ou de ronces. Il lui arrive d’interroger, tout en poursuivant son périple dans le monde végétal et secret, l’étrange relation qui peut naître entre le poète et ses poèmes :

« Ne pas déléguer aux poèmes la tâche de nous représenter, écrivons-les pour eux-mêmes, mais si faibles soient-ils, ils nous désentravent, ils libèrent l’autre qui se dissimule en nos petites personnes. »

Isabelle Lévesque offre patiemment son regard et ses mots aux fougères, aux arbres, aux prairies et surtout aux fleurs vives, plus particulièrement à celles, rouges, rebelles, attirantes qu’elle affectionne. Elle les sait tout aussi fragiles que les instants éphémères qu’elle essaie de retenir.

« Cœur éprouvé
éperdu.

Une heure fait
l’éternité.
(En mai).

Je laisse le corps nu
des mois d’hiver.

Ni mai ni rien.
Démens
la nuit. »

En fin de livre, l’un et l’autre expliquent leur démarche et disent le plaisir qu’ils ont pris à concevoir et à mener à bon port cet ensemble d’où se dégage une stimulante quête de plénitude.

Isabelle Lévesque (photographies et poèmes) et Pierre Dhainaut (poèmes) : La grande année, Éditions L’herbe qui tremble.
 
Isabelle Lévesque publie simultanément un recueil de poèmes, Ni loin ni plus jamais, Suite pour Jean-Philippe Salabreuil, aux Éditions Le Silence qui roule

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