De la difficulté de vivre. D’exercer, des décennies durant, ce foutu
"métier" dont parlait Pavese. De tenir en n’étant pas trop en désaccord
avec soi-même. C’est sur ce versant instable, qui parfois s’effrite
sous ses pieds, que s’engage Jean-Claude Leroy, offrant d’emblée, en un
poème inaugural, une vue précise des failles qu’il s’est mis en demeure
d’explorer.
« né d’une mère ou d’un phénomène
sans savoir sous quelle lumière
tu satures l’encre de remords
sans savoir sous quelle lumière
tu satures l’encre de remords
heurtant des lèvres un bruit qui tue
noir sur blanc surgit le sang des mots »
noir sur blanc surgit le sang des mots »
Des mots qui lui sont d’un précieux secours. Pour éclairer les zones
d’ombre, atteindre ce qui se dérobe et ne pas subir sans réagir Il les
choisit, les pose, les assemble (en poèmes d’abord brefs et concis puis
plus vifs, plus alertes, plus circonstanciés aussi) sans jamais se
laisser déborder par le flux qu’ils peuvent générer. Ce qui le
déstabilise, ce sont les sensations et sentiments ambigus (et souvent
contraires) qui s’affrontent en lui. Une lutte intérieure âpre et sans
merci.
L’extrait d’une lettre de Georg Groddeck à Freud, cité en exergue, où il est écrit ceci : « je
crois que le corps et l’esprit sont un tout qui recèle un « Ça » par
lequel nous sommes vécus alors que nous croyions vivre » , explique
bien de quelle lutte il s’agit. Et comment elle peut se déporter et
influer sur la vie sociale, physique et mentale de celui qui se retrouve
en zone de guerre bien malgré lui.
« je suis tout entier un fruit pensé qui pense
ma chair est émotion mais aussi réflexion
l’objet au cœur d’un Ça en guerre avec un autre Ça
je suis labouré parfois
ou transporté intact sur un champ de mines
déployé par un Peckinpah trop réel
je n’ai plus rien à répondre
au bout du fil coupé »
ma chair est émotion mais aussi réflexion
l’objet au cœur d’un Ça en guerre avec un autre Ça
je suis labouré parfois
ou transporté intact sur un champ de mines
déployé par un Peckinpah trop réel
je n’ai plus rien à répondre
au bout du fil coupé »
Jean-Claude Leroy
cible ses tourments et leurs répercussions sur son quotidien. S’il ne
parvient pas à les calmer, il réussit tout au moins à les circonscrire.
Il exprime sa difficulté à être, à poursuivre la route, à se
confronter au réel et à se positionner entre les interchangeables
« je » « tu » et « il » dans un monde qui l’exaspère.
Jean-Claude Leroy. Ça contre Ça, Éditions Rougerie.
Encore uned belle note de notre ami Jacques
RépondreSupprimerThiis was great to read
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