Claire Meunier est une femme prévenante. Elle ne veut nuire à personne 
et préfère, pour ne pas blesser, ronger son frein en silence. Quelque 
chose ne tourne pourtant pas rond dans sa famille et cela l’affecte. 
Elle éprouve des difficultés à trouver sa place entre un père attentif 
mais effacé, une mère imprévisible, jugée « folle » par son mari et un 
frère studieux qui ne songe surtout pas à s’émanciper. Elle s’accommode 
de cette situation, même si ça craque aux entournures, jusqu’au jour où 
elle apprend que celui qu’elle considère comme son père ne l’est sans 
doute pas. Celle qui le lui avoue est l’une des filles du patron de sa 
mère, un mythomane extravagant nommé Coquillaud. Les deux familles sont 
proches. Elles passent leurs vacances ensemble. Les enfants (six d’un 
côté, deux de l’autre) semblent parfois appartenir à la même fratrie. 
Leur ressemblance en intrigue même plus d’un. Cette nouvelle 
décontenance Claire Meunier. Qui n’a, dès lors, qu’une seule 
obsession en tête : connaître la vérité. En avoir le cœur net. Faire 
sauter ce cadenas qui la bloque. Qui lui empoissonne l’existence et  
fait ressurgir ses failles.
C’est cette quête – savoir qui on est, d’où l’on vient – qui est au 
centre du premier roman de Laurence Teper. La narratrice interroge 
d’abord sa mère. Qui enrage, s’emporte, invective, répond à côté. Quant à
 Coquillaud, le présumé père, il éructe  plus encore, voit rouge, s’en 
prend au monde entier et raccroche en hurlant.
« La vérité ! La vérité ! Qu’est-ce que tu peux m’enquiquiner avec ce
 mot-là ! Tiens, tu veux que je te dise, tu n’es qu’une ayatollah de la 
vérité, voilà ce que tu es, ma pauvre fille, la voilà la vérité ! »
Elle ne lâche rien. S’active. Veut sortir de la nasse.  Et parvient 
non seulement à découvrir qui est son géniteur mais aussi – en 
consultant les archives – à remonter le fil de ses origines familiales, 
mettant à jour, là encore, de  piteux mensonges. Qui touchent à 
l’activité de ses grands-parents pendant la guerre.
Bâti en trois actes, allant de la légèreté (et même du comique de 
situation) au tragique avant de passer à la reconstruction, ce roman 
bénéficie d’une écriture alerte et efficace. Chaque chapitre (très 
court) se termine sur une phrase qui fait mouche et qui ouvre le 
suivant. La route pour percer le secret de famille s’avère sinueuse. 
D’autant que, pendant ce temps, la maladie – et la mort – frappent fort.
Chaque personnage a une personnalité bien tranchée. Certains, pas 
vraiment sympathiques, portent en eux une enfance qui, si elle n’excuse 
en rien  leur comportement d’adultes, peut expliquer leur façon de 
fonctionner. Laurence Teper dresse ici des portraits psychologiques très
 fouillés. Elle reconstitue ce puzzle familial avec finesse, faisant 
intervenir tour à tour chacun des protagonistes. Elle déplie, pour 
cela, une belle palette d’émotions. Dialogues (beaucoup se font par 
téléphone) et narration s’épaulent parfaitement. Ce sont quelques unes 
des lignes de force de ce  roman  subtilement construit.
Laurence Teper : Un cadenas sur le cœur, Quidam éditeur.

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