La découverte est étonnante et déconcertante : les ruines d’une antique
cité égyptienne, celle du pharaon Ramsès II, reposent sous les dunes de
Guadalupe, au bord de l’océan Pacifique, au nord de Los Angeles.
« Enfouis sous le sable, les vestiges ont sombré dans l’oubli. Seules
quelques traces affleurent au sommet des dunes, l’écume, les embruns,
les ruines d’un temple égyptien, quelques bas-reliefs aux contours
effacés. »
Pour dénouer l’énigme, Alessandro Mercuri, auteur et réalisateur
franco-italien, n’a d’autre choix que celui de se muer en enquêteur. Et
cela tombe plutôt bien. Il est en effet passionné par les recherches
pointilleuses, le quadrillage des territoires qui ne transmettent pas
leurs secrets si facilement et les explorations littéraires,
historiques, cinématographiques et géographiques. Il a l’occasion de
s’y donner à cœur joie. Il le fait en partant de Los Angeles, là où il
résidait à l’époque où il entreprend ses premières fouilles. Il logeait
« à l’angle de South Serrano Avenue et de San Marino Street, au cœur de
Koreatown, le quartier coréen de la Cité des Anges »
« En l’an 2000, Koreatown ressemblait à un ancien décor de film
décrépi aux palmiers déplumés. The Ambassador Hotel était au cœur de cet
abandon. Édifié en 1921, le palace est l’épicentre des nuits
hollywoodiennes des Roaring Twenties, les années folles d’outre-Atlantique. »
Avant d’en venir à la présence de vestiges antiques en cet endroit du
monde, il entreprend une visite de la Californie à travers les
siècles. Il commence par l’arrivée d’Hernán Cortès (qui pensait avoir
découvert une île) et continue en évoquant l’origine du nom, qui aurait
à voir avec la reine Calafie et auquel Cervantès, par ricochets
romanesques, ne serait pas étranger. Ce qui est assez fascinant chez
Alessandro Mercuri, c’est sa faculté à concevoir des récits en forme de
poupées gigognes. Ils se déboîtent, s’étendent dans le temps et l’espace
et finissent, après avoir suivis leurs cours respectifs par se
retrouver et se rassembler. L’œil du cinéaste et son désir d’écrire un
documentaire fouillé et regorgeant de surprises ne sont jamais loin.
Son livre est constitué d’histoires qui s’enchevêtrent.
Il finit, après de multiples déambulations à Los Angeles et de
nombreux tours et détours en Californie, par se rendre à Guadalupe. Il
contacte Peter L. Brosnan, le découvreur de la cité perdue, et
reconstitue peu à peu l’histoire. Qui est évidemment liée à celle de
Hollywood, lieu magique où règne la fiction, celle-ci restant avide de
réalité. La réalité ici, qui elle-même mène à la fiction, fut façonnée
par Cecil B. DeMille quand il choisit, en 1923, les dunes de Guadalupe
pour y planter le décor de la première version des Dix commandements. Le cinéaste avait l’habitude de voir grand et fit, cette fois, flamber les budgets en ne lésinant pas sur les moyens.
« Dans ce vrai faux désert d’Égypte en Californie, le rêve
cinématographique de DeMille s’épanouit telle une rose des sables. Une
armée de charpentiers s’active à bâtir la Ville turquoise de Ramsès, le
plus grand décor de l’histoire du cinéma, un film aux proportions
épiques.
Non loin des décors, une deuxième ville est en cours de construction pour accueillir les quelques trois mille acteurs, figurants et quatre mille animaux dont huit cents chevaux, deux cents mules, une centaine de chameaux, de lions et d’éléphants. Mais le chiffre le plus éloquent est celui des participants au scénario du film. La naissance du péplum biblique est titanesque. Pas moins de trente mille personnes collaborent à l’écriture de l’épopée. »
Non loin des décors, une deuxième ville est en cours de construction pour accueillir les quelques trois mille acteurs, figurants et quatre mille animaux dont huit cents chevaux, deux cents mules, une centaine de chameaux, de lions et d’éléphants. Mais le chiffre le plus éloquent est celui des participants au scénario du film. La naissance du péplum biblique est titanesque. Pas moins de trente mille personnes collaborent à l’écriture de l’épopée. »
C’est là-bas, au bord du Pacifique, que commence l’exode des Hébreux
vers le Terre Promise, tandis que les musiciens jouent la neuvième
symphonie de Dvorak et que les figurants juifs orthodoxes marchent,
chargés d’émotion. C’est là-bas que la Mer Rouge s’ouvre et que Moïse va
recevoir la table des Dix commandements. DeMille est aux manettes. Il
crie dans son mégaphone. Veut se conformer à la vraisemblance biblique.
La tension est extrême. Et peu à peu Hollywood, le « bois du houx », se
métamorphose en Holyhood, la Cité du sacré.
Parvenu sur place, neuf décennies plus tard, Alessandro Mercuri ne
trouve nulle trace des décors. La ville a totalement disparu. Les
vestiges sont enfouis sous le sable. Seule l’épopée demeure. Elle est
racontée (tout comme ses à-côtés) avec humour, passion et intelligence
dans ce récit captivant qui prend parfois des allures d’essai se
doublant d’une belle invitation au voyage.
Alessandro Mercuri : Holyhood, vol. I – Guadalupe, California, éditions Art&Fiction .
Alessandro Mercuri : Holyhood, vol. I – Guadalupe, California, éditions Art&Fiction .
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