mercredi 13 avril 2016

Infini - l'histoire d'un moment

Celui qui s’exprime ici, répondant à la demande d’un journaliste qui le questionne, s’appelle Massimo. Il fut, pendant de longues années, le majordome de Tancredo Pavone, un compositeur d’avant-garde aujourd’hui disparu. Nul autre que lui ne peut décrire avec autant de précision la personnalité complexe d’un créateur qui se révèle être la plupart du temps tranchant, impertinent, acerbe, orgueilleux (et probablement invivable) tout en se montrant extrêmement exigeant dans sa démarche et dans sa relation aux autres. C’est un solitaire qui peut à l’occasion s’avérer chaleureux et, par certains côtés, comique (mais sans le vouloir). Les divers traits de son caractère ombrageux, y compris les plus secrets, sont dévoilés grâce à cet homme de confiance auquel il lui arrivait de parler longuement, en particulier dans ses derniers mois, quand il se laissait aller en évoquant sa vie, ses origines aristocratiques, sa Sicile natale, ses nombreux voyages, ses conquêtes, ses incessantes réflexions et son assujettissement total à son art.

C’est bien à une plongée (vertigineuse) dans le monde de la création que nous convie Gabriel Josipovici. C’est elle qui façonne la personnalité de T. Pavone. Et c’est par le petit bout de cette lorgnette (ô combien restrictive) qu’il voit le monde et perçoit les êtres qui y vivent.

« Toute ma vie, a-t-il dit, j’ai senti ce désir de manger le monde parce que je l’aimais tant, de le manger et de l’ingérer et d’en faire une partie de moi. C’était la même chose avec les femmes, Massimo, m’a-t-il dit. Manger et ingérer. Mais bien entendu, Massimo, a-t-il dit, on ne peut pas manger le monde. On ne peut pas manger une femme. Et ainsi on bat en retraite, frustré et découragé, jusqu’à ce qu’on soit repris par le désir. »

Le compositeur semble souvent se parler à lui même. Il exprime ses doutes et ses déconvenues. Dit ses parti-pris. Ses difficultés à passer du conscient à l’inconscient. Ses nécessaires remises en question. Ce que son parcours et ses voyages, notamment celui qui l’a mené au Népal, lui ont appris.
« Ordre et travail assidu. Voilà les clés. Bien entendu, a-t-il dit, sans une réorientation radicale du moi telle que je l’ai expérimentée au Népal, ni ordre ni travail assidu ne porteront de fruits. »

Tous ceux qui travaillent pour lui doivent être dévoués à sa musique. Leur rigueur est requise, qui s’applique également aux multiples détails qui participent de la vie quotidienne.

« Si on se lève pour boire un peu d’eau ou pour répondre à un besoin naturel et qu’un talon était plus bas que l’autre, provoquant une claudication lors de la traversée de la pièce, pensez à l’effet que cela aurait sur la musique. Pensez que, en retournant à son bureau, cette claudication serait logée dans votre corps et surgirait dans la musique que l’on est en train d’écrire. Nous ne voulons pas de musique qui claudique, a-t-il dit. »

Il en va de même pour la qualité de ses cravates et de ses costumes. Tout doit être, toujours, en parfait état. La musique ne tolère pas le moindre froissement. Et pas, non plus, la moindre tache. Quant à ses repas, il faut qu’ils soient équilibrés. Une fausse note sur la partition biologique pourrait avoir de graves conséquences. Chez lui, le hasard n’est pas de mise, l’esprit doit en permanence escalader les parois d’un monde intérieur de haut niveau et chaque discussion ne peut qu’être intellectualisée, poncée, frottée, aiguisée sur la pierre d’une culture époustouflante. Du coup, ses amitiés se raréfient. Seuls Henri Michaux et son chat Ronaldo, qui l’accueillent à bras ouverts à chacune de ses haltes parisiennes, lui resteront fidèles.

« Michaux était mon ami le plus proche, personne n’était autant mon ami. Michaux et son chat Ronaldo. »

Gabriel Josipovici s’est appuyé sur la vie et l’œuvre du compositeur italien Giacinto Scelsi (1905-1988) pour bâtir ce roman envoûtant et passionnant.

 Gabriel Josipovici : Infini – l’histoire d’un moment, traduit de l’anglais par Bernard Hoepffner, Quidam éditeur.


lundi 4 avril 2016

De la poussière sur vos cils

Ce sont des mots simples, justes et précis. Qu’il a d’abord fallu aller chercher dans les mémoires, puis assembler pour revenir sur des faits que l’auteur n’a pas vécu mais dont il est néanmoins l’un des dépositaires. Redonner voix à ceux qui ne l’ont plus (en l’occurrence « elle et lui ») en remontant le temps en leur compagnie est sa mission première.

« Elle (avalant une dernière fois sa salive) :
Où sommes-nous ?

Lui (vide) :
Non loin du mur.

Où est le mur ?

Ici et là.

Elle regarda.
Elle cria
(dans son ventre ou sa poitrine elle a crié – heurtée par sa mémoire). »

C’est ainsi que débute le livre de Julien Bosc. On perçoit, d’emblée, que ce commencement est en réalité synonyme de fin pour ceux qu’il évoque. Il les fait dialoguer et aide à entrevoir ce que « le miroir sans tain de la souvenance » n’a pas totalement réussi à effacer. Quand celui-ci s’est brisé, il ne restait rien (si ce n’est un filet de voix, un écho lointain) de ces deux corps démantibulés. Qui avaient toutefois, auparavant, donné vie à ceux qui, de génération en génération, porteraient, quoiqu’il arrive, cette souffrance en eux.

« Quelqu’un cette nuit écrit à partir d’une mémoire qui n’est pas la sienne mais lui appartient cependant car par lui il nous est offert de n’être plus oublié, puisqu’il vit dans notre souffrance. »

Cette souffrance n’est pas simplement décrite et portée : elle est transcendée, expulsée, non pas oubliée (« comment pourrions-nous oublier, où trouverions-nous le droit d’oublier ce que nous ne pouvons raconter ? ») mais ciselée pour pouvoir enfin passer d’un corps (d’une tête, d’une mémoire) à l’autre en devenant de plus en plus apaisée. Pour se tenir droit, debout, sans trembler et sans ciller devant les exterminateurs d’hier. Ou de demain.

Ce qui frappe dans ce livre (que l’on sent patiemment pensé, posé, tissé), en plus de la douceur des voix qui s’expriment, c’est la générosité de celui qui, souffrant avec les victimes – et notamment celle, très proche, qui fut hospitalisée, bien des années plus tard, suite à ces déflagrations à retardement – parvient, par ses mots, par sa façon de toucher le paysage et par les dialogues (d’outre-vie) qu’il instaure, à insérer une fragile humanité là où il n’y en avait évidemment pas.

 Julien Bosc : De la poussière sur vos cils, éditions La Tête à l’envers


vendredi 25 mars 2016

Des voix dans l'obscur

Elles viennent de loin ces voix détachées des êtres qui les portaient tout en continuant pourtant d’émettre, à destination des vivants, des messages (des plaintes, des cris, des souvenirs) qui lacèrent le présent. Elles empêchent celle qui ne cesse de les entendre de trouver ce calme auquel elle aspire.

« j’écris pour m’extraire de leurs songes
rejoindre les vivants »

Se faufilant dans l’invisible, semant des chapelets de mots entre les cailloux, sous la terre, dans l’eau des rivières, parfois même au fond du puits qu’est devenu – à force d’encaisser – un corps anéanti par ce trop-plein de paroles emmêlées, elles ne reconnaissent pas plus le jour que la nuit et parlent en continu.

« la solitude connais pas n’ai jamais connu même au fond de mon corps lorsqu’il ressemble à un puits
la solitude j’en rêve quelquefois
ce serait reposant »

Il faudrait, pour cela, que les morts (et porteurs de morts) payent leur dû au silence, qu’ils acceptent de vivre ailleurs, qu’ils cessent de tirer vers le bas – vers un passé révolu – ceux qui ont encore, pour un temps, les pieds sur terre. Et si c’est trop leur demander, et manifestement ça l’est, reste à trouver des subterfuges et à s’armer pour ne pas sombrer sous leurs incessants coups de boutoir. C’est ce que fait Françoise Ascal. Elle sait que ces voix qui la traversent appartiennent à des êtres qui lui étaient chers (« ce sont mes bourreaux / mes aimés ») et qu’elle ne pourra les faire taire. Elle peut, par contre, et c’est ce qu’elle met ici en place, détourner leur trajectoire initiale, couper la route terre-chair, se saisir du moment présent, se rapprocher du paysage qui bouge autour d’elle, tout en nuances et en variations, pour atténuer leurs effets et leurs incessants retours en arrière.

« loin de l’ocre éventré
loin des éclats métalliques abreuvant les sillons
loin des croix alignées blanches blanches à perte de vue »

Elle ouvre des brèches en elle. S’éprouve en quête de signes, de sons, de sens. Note d’infimes bruissements de vie. Trouve et assemble des mots simples. Eux aussi viennent de loin. Mais à la différence des voix, ils sont capables de créer un équilibre fragile entre un corps douloureux et une pensée qui aimerait s’apaiser, en un siècle qui (elle le répète régulièrement) ne s’y prête guère.
« peut-être est-ce mon corps troué que je cherche à rejoindre dans la moindre faille »


Françoise Ascal : Des voix dans l’obscur, dessins de Gérard Titus-Carmel, éditions Aencrages.
Une présentation et un extrait de ce livre ainsi qu’un entretien entre Françoise Ascal et Dominique Dussidour figurent, sur "remue.net", dans le Cahier revue du mois de décembre. C’est à lire ici.

Un autre ouvrage de Françoise Ascal, Le fil de l’oubli, précédé de Noir Racine, publié une première fois par les éditions Calligrammes en 1998, vient d’être réédité (accompagné de monotypes de Marie Alloy) aux éditions Al Manar.

Vient également de paraître : Un bleu d'octobre, éditions Apogée.


jeudi 17 mars 2016

Charles Plymell

Proche des poètes de la Beat Generation, Charles Plymell, qui a commencé à publier dans les années 50, est né en 1935 à Wichita, Kansas. Plusieurs de ses livres, dont le plus connu, The last of the Mocassins, ont vu le jour grâce à City Lights, la maison d'édition de Lawrence Ferlinghetti. Fin 2007, les éditions Wigwam avaient publié un choix de poèmes, traduits par Jean-Marie Flémal. Il avait alors répondu aux questions du poète français Alain Jégou, qui était l'un de ses amis de ce côté-ci de l'Atlantique. Leur entretien (qui fut publié simultanément sur le site des éditions Wigwam et dans la revue Spered Gouez) est reproduit ci-dessous, et ce au moment même où les éditions Lenka Lente publie en édition bilingue Apocalypse Rose, poème électrique de Plymell, publié une première fois en 1966 dans le City Lights Journal.

Alain Jégou. Charles, tu es né près de la ville de Wichita, dans le Kansas. Peux-tu nous raconter comment s’est passée ton enfance ? Et nous parler de tes origines cherokees ?
 
Charles Plymell. Ma grand-mère a connu la Piste des Larmes, quand les Cherokee ont été chassés de leurs terres ancestrales, dans le sud-est du Territoire de l’Oklahoma, sur l’ordre du président Jackson, une autre crapule rapace et tyrannique, assez dans le genre de Bush. Le nom de ma mère était Sipe et ses ancêtres européens se sont établis en Virginie dans les années 1600. Les ancêtres des Plymell viennent de Bretagne et d’autres régions de l’Europe. Ils ont débarqué, puis ont émigré vers l’Ouest au début des années 1700. Durant cette migration vers l’Ouest, l’un d’eux a épousé une Indienne wyandotte, dont la tribu fonda Kansas City, qui se trouve d’ailleurs actuellement dans le comté de Wyandotte, au Kansas.
Mon second nom est Douglass et il y a un faubourg de Wichita qui porte le nom de la partie écossaise de la famille. Ma prime enfance, je l’ai passée plus loin à l’ouest des plaines du Kansas, près du Territoire indien, où il y a aujourd’hui un important troupeau de bisons dans les terres de l’État, près du site où se trouvait le bureau de diligence de mon grand-père, aujourd’hui la Plymell Union Church et la Plymell Elementary School. Mon père est né à proximité du Territoire indien avant que celui-ci ne devienne un État. Son père conduisait une diligence qui reliait Dodge City et Santana (White Wolf) ainsi que d’autres camps le long de la piste de Santa Fe et de la rivière Cimarron, dans le secteur des tribus kiowa, wichita et cheyenne qui, par la suite, est devenu l’Oklahoma.
Après la grande tempête de poussière (le Dust Bowl) des années 30 au Kansas, nous nous sommes installés un bout de temps à Yucaipa (Green Valley), en Californie, à l’ouest de Los Angeles. Je m’en souviens toujours comme d’un paradis où les ruisseaux dévalant des montagnes de San Bernardino charriaient une eau qu’on pouvait boire, limpide et étincelante, et où les grosses oranges navel tombaient mûres des arbres. Le parfum des fleurs d’oranger envahissait complètement la vallée. Aujourd’hui, c’est devenu un enfer noir avec un smog étouffant et entouré de montagnes brûlées, de désert et de rivières pleines de saloperies toxiques. Nous y sommes restés un an ou deux, à la fin des années 30, puis nous sommes retournés à la ferme, au Kansas.
Mon père voyageait beaucoup, et c’est ainsi qu’alors que nous étions encore mômes, il nous a acheté une maison à Wichita, où j’ai passé mon adolescence et ma prime jeunesse, dans les années 50. Il m’avait acheté une voiture et une de ses maisons était en Californie, de sorte que j’ai beaucoup parcouru les États de l’Ouest. J’achetais l’essence très bon marché, pas plus de quinze cents le gallon, là-bas, au Nouveau-Mexique, pour remplir le réservoir de mon nouveau coupé Chevrolet 1950 et, plus tard, de ma nouvelle Buick Roadmaster Riveria de 1953, que j’avais achetée à Hollywood, de sorte que j’ai passé le plus clair de mon temps à parcourir la route 66, ou la route du nord, vers l’Alaska, ou celle du sud, vers le Mexique. Un jour, je suis allé retrouver ma sœur en Oregon et j’ai voyagé avec elle en Idaho, au Wyoming et au Montana où elle a travaillé comme prostituée. Elle avait découvert les tenancières des villes et bourgades de l’Ouest et elle a travaillé tout un temps, après quoi nous nous sommes tirés. L’Oregon, à l’instar de quelques États du nord-ouest, avait toujours l’allure des « grands espaces » du vieil Ouest, avec ses parties de poker dans les arrière-salles des tavernes et des maisons mal famées. Pendant un bout de temps, ma sœur est restée mariée avec un bûcheron, qui m’emmenait dans ces endroits pour m’offrir des passes. Plus tard, elle s’est mise à la colle avec un type qui était le fil du shérif irlandais et de la tenancière noire de Deadwood, dans le South-Dakota. Lui et moi, nous bossions dans l’équipe de dynamiteurs : on faisait sauter la roche des montagnes pour construire le Dalles Dam sur le puissant fleuve Columbia, entre le Washington et l’Oregon. J’ai déniché un remorqueur et je l’ai transformé en logement et l’ai baptisé « Little Toot » (petite sirène). J’écoutais Johnny Ace chanter « Clock on the Wall » pendant que le courant me berçait dans mon sommeil. Plus tard, nous avons suivi les récoltes vers le sud, on cueillait du houblon, des pommes et on a fini par se retrouver une fois de plus à San Francisco où il m’a dégoté un boulot aux docks, avec les Longshoremen et les Teamsters (1). Tous deux étaient présents au souper de Thanksgiving, avec Allen et Neal, et toute une sacrée chambrée, en novembre 1963.
 

A.J. Tu as quitté le Kansas en 1961 pour rejoindre San Francisco. Pourquoi le choix de cette ville ? De quand datent tes premières rencontres avec les autres poètes de la Beat Generation ? Est-ce à la librairie de Ferlinghetti « City Lights Books » que tu as rencontré Ginsberg, Cassady, Kaufman... pour la première fois ? Et Kerouac, en quelles circonstances l’as-tu côtoyé ? 

C.P. Ma tante vivait à San Francisco. Plus tard, ma sœur aussi, si bien que j’avais des liens avec cette ville. Un peu plus tôt, un groupe surnommé le « Wichita Vortex » avait quitté le Kansas pour San Francisco ou Los Angeles. Des artistes comme Bruce Connors, Mike McClure, Stan Brackage, Dennis Hopper, Dave Haselwood. Je n’attache pas d’importance aux étiquettes, mais il est question de ma présence dans ce mouvement particulier d’artistes, dans le bouquin de Jeff Nuttall, Bomb Culture. J’en ai rencontré d’autres de Wichita qui avaient migré là-bas après Haselwood et Connors. McClure, Haselwood et Connors étaient allés à l’université et, officiellement, ils y avaient étudié. Durant ces années de ma jeunesse, j’avais laissé tomber les études supérieures et je gravitais dans une sous-culture qui n’avait rien d’acceptable pour la société traditionnelle.
Par exemple, j’ai été en prison à Wichita avec Bob Branaman et, après ce séjour en taule, on a glandé dans des bistrots de blues et de jazz et dans des bastringues à musique country. Alan Russo nous a rejoints plus tard, encore que, parfois, il lui fût arrivé de suivre les cours de l’univ. Son père y enseignait la psychologie et l’avait testé au niveau « génie ». Il rédigeait pour nous les commandes de cartons de peyotl. Certains nous appelaient « hipsters », « bohèmes », « outsiders », « non-conformistes » ou même « punks » (les crades). J’avais laissé tombé les cours après ma première année à l’univ et je traînaillais dans les boîtes où les saxophonistes de Stan Kenton (qui était de Wichita) jouaient dans les combos classiques de l’époque. Nous allions à Kansas City histoire de voir Charley Parker, Jay McShane, King Pleasure, Big Bill Broonzy, Count Basie. Il y avait en ce temps-là une petite portion de Kansas City appelée « Rattle Bone Flats » et datant de l’époque où c’était encore Wyandotte City. À Wichita, nous avions également l’occasion exceptionnelle de nous brancher avec des musiciens et de ramasser quelques huées, ou de sortir des sentiers battus dans de petites boîtes du quartier noir pour voir des gens comme Fats Domino, Bo Diddley, Joe Turner et les grands du rythm n’ blues que nous allions écouter pour « un dollar à l’entrée » (et les copains qu’il fallait pour pouvoir entrer). ça s’appelait à l’époque de la « musique raciale ». Pas très connue du public blanc. Dans ma « sous-culture de la bagnole », je pouvais traîner non seulement dans les boîtes de Kansas City, mais aussi me farcir 2500 bornes de plus jusqu’à Los Angeles, où je passais des tas de nuits à sillonner Central Avenue dans les deux sens pour dénicher les boîtes où les plus grands des artistes de jazz de tous les temps se réunissaient grâce à l’influence de Norman Granz.
Entre deux voyages, je suivais la récolte du froment. J’ai bossé pour la Santa Fe Railroad. J’ai bossé sur un pipeline en Arizona, j’ai chevauché des taureaux Brahma et des chevaux à cru dans les rodéos. J’ai également participé à Hollywood à un show de cascadeurs qui sautaient par-dessus un alignement de bagnoles ou au travers d’un cercle enflammé, avec moi à plat ventre sur le capot de la tire. C’est ma mère qui conduisait…
Ainsi, j’avais été de nombreuses fois en Californie et dans pas mal d’endroits dans l’Ouest et j’avais mené un genre de vie hors norme, déjà dans ces années 50, bien avant d’avoir entendu parlé de la Beat. Mon style de vie était plus proche de l’autobiographie de Jack Black dans son bouquin  You Can’t Win. Coïncidence, c’est le premier bouquin qu’ait lu Burroughs et, bien plus tard, il allait écrire une intro pour une réédition de ce livre. J’ai poursuivi dans cette veine en rédigeant mon  Last of the Moccasins, publié d’abord par City Lights, et qui raconte mes aventures des années 50. J’ai lancé mon propre genre, dans ce bouquin, la construction en prose de type « hobohémien ».
Los Angeles a une culture musicale et artistique différente de celle de San Francisco, mais San Francisco, c’était tellement beau, comparé à Los Angeles, asphyxiée dans son smog, que j’ai préféré y rejoindre mes amis là-bas. Et puis, la première fois que j’ai vu les beats, c’est quand ils sont venus à une party que j’avais organisée à l’appart de Gough Street, à San Francisco. Ginsberg venait tout juste de rentrer à San Francisco de son voyage en Inde, de sorte qu’il avait rempli les pages du magazine (qui était la partie la plus importante des médias, à l’époque). J’ai ouvert la porte et Ginsberg est entré, suivi de Ferlinghetti, McClure, Whalen et d’autres. J’ai appris plus tard qu’ils étaient attendus à d’autres soirées et je ne sais toujours pas pourquoi ils sont venus à la mienne. Les hippies débarquaient, à l’époque, et en troupeaux entiers et, ainsi donc, l’affaire ressemblait à la rencontre entre les hippies et les beats, mais je n’avais le sentiment de faire partie ni des uns ni des autres. Allen s’est présenté et m’a également présenté les autres, disant de façon énigmatique : « Je présume que c’est toi que je suis censé rencontrer. » Je n’ai jamais chercher à savoir ce qu’il entendait par là, car la plupart des beats avaient l’air assez square, à mes yeux, mais chouettement célèbres, ce qui est toujours synonyme de grandeur, dans ce pays, de sorte que j’ai été passablement honoré de les rencontrer. Ferlinghetti avait peut-être l’air un peu triste de voir que le dessus du panier de la société littéraire n’était pas là, mais Whalen s’est mis à danser et les McClure s’y sont mis aussi. Un poète des rues, Dave Moe, qui poétise toujours aujourd’hui, s’est mis à danser en transe pour Allen.
J’avais rencontré Neal Cassady environ un an plus tôt chez une copine. Je l’ai apprécié tout de suite, parce que nous avions partagé des styles de vie assez semblables dans les États du Centre, à savoir les bagnoles, les filles et la benzédrine. En fait, il était pareil à la sous-culture dans laquelle je me trimbalais de Denver à Kansas City. Pam et moi, plus tard, allions rencontrer Burroughs à Londres. Huncke n’était pas à cette fameuse soirée de San Francisco, mais il est venu de New York à Gough Street plus tard, plus « cérémonieusement », traversant le pays complètement pété dans une Mustang, avec comme chauffeur Janine Pommy Vega, histoire de venir renifler la nouvelle Renaissance de San Francisco.
 
A.J. À quel moment as-tu commencé à exposer tes collages, à publier tes poèmes et à participer à des lectures ? Quels étaient les lieux où se retrouvaient volontiers les poètes de la Beat Generation et ceux que l’on a ensuite assimilés au « Renouveau de San Francisco » ? 

C.P. Ma seule et unique expo de collages a eu lieu à l’infâme galerie Batman de Fillmore Street. J’avais réalisé plusieurs collages, dont un très grand qui a influencé Claude Pélieu pour la réalisation de ses collages géants. Mon expo a été mentionnée dans Art in America. C’était en 1963. Neal était venu au vernissage habillé dans tout un déguisement républicain : chapeau de paille et canne, le tout en rouge, blanc et bleu. Il était allé à la convention de Barry Goldwater. Goldwater se présentait contre Lyndon Johnson. J’aimais bien Goldwater aussi. J’avais été cavalier de rodéo (avec des taureaux Brahma et des broncos à cru) dans le district de Goldwater, à Gila Bend, en Arizona. Johnson était bien, mais c’était un menteur invétéré. Ils disaient de Goldwater qu’il tirait « droit au but », voulant dire par là qu’il était honnête et direct. Un journaliste lui avait demandé si son fils avait pris du LSD comme le prétendait la rumeur. Goldwater avait répondu en public : « Ce ne sont pas vos nom de Dieu d’affaires ! » Quoi qu’il en soit, le républicanisme de Neal et de Kerouac a toujours été une épine dans le flanc gauche de Ginsberg. J’ai vendu tous mes collages, sauf deux. Claude a toujours voulu collaborer à un « énorme » collage, mais je n’en ai plus fait beaucoup, après cela. Quelques années plus tard, Billy Jharmark, qui a rendu la galerie Batman célèbre et avait des amis cool à Los Angeles, comme Wallace Berman et Dennis Hopper, nous a vus, Pam et moi, dans la rue et nous a donné les clés de sa MGTD 1950 Classic. Nous étions sur le point d’aller en France et nous l’avons vendue pour 250 dollars. Les lectures de poésie se faisaient principalement à North Beach. C’était de la matière brute. Je n’ai pas beaucoup lu moi-même, mais j’ai assisté régulièrement aux lectures de Duncan, McClure et Ferlinghetti, qui était un habitué du Mike’s Pool Hall, pas loin de City Lights, à North Beach, de sorte que nous pouvions emmener Pam et lui permettre d’entrer, parce qu’elle n’avait pas encore l’âge, une grosse épine, dans ce pays, au contraire de la France. Il y avait différents endroits et scènes, à San Francisco, depuis le Head Shop, dans Haight Street, jusqu’aux bars pédés de Turk Street, ou encore les vulgaires bars commerciaux de Mission, où un groom allait garer votre Harley au parking et où vous pouviez vous installer épaule contre épaule – ou pénis contre pénis – en compagnie de Tennessee Williams. San Francisco était une reine particulièrement sculpturale avec un carnaval permanent juste sous ses colliers et bracelets de néon.
 
A.J. Avec ta femme Pamela (fille de l’artiste et traductrice Mary Beach et belle-fille du poète et collagiste Claude Pélieu), tu as été le premier à publier les dessins de Robert Crumb et la première BD de motard du dessinateur S. Clay Wilson. Comment t’es-tu lancé dans l’édition et l’impression de ta revue The Last Time

C.P. J’ai d’abord publié S. Clay Wilson dans la petite revue underground Grist. Pam et moi avons vécu brièvement à Lawrence, dans le Kansas. Lawrence n’est pas loin du lieu de naissance de Charlie Parker, à Kansas City, qui était connue pour ses attaques et ses pillages de banques par les célèbres gangs de cow-boys de l’époque héroïque. Les étudiants de la magnifique université vivaient dans les vieilles maisons de la ville basse et on pouvait encore voir des impacts de balles dans les façades en brique. Wilson était étudiant et il vivait là avec, devant chez lui, un crasseux jardinet de façade plein de pièces d’Harley. Le jeune James Grauerholz écumait la librairie Grist à la recherche de trucs branchés à lire. Lawrence est aujourd’hui un endroit très « hip » en partie à cause de James et de son fameux pote Burroughs qui allait y habiter à la fin de sa vie. Robert Crumb allait déménager à San Francisco plus tard, de même que Wilson. Pam et moi avons déménagé à plusieurs reprises et avons vécu près du Fillmore Ballroom. Plusieurs trucs différents se passaient en même temps. La musique remplaçait progressivement la poésie. Nous avions des billets de faveur pour aller entendre une nouvelle chanteuse qui venait de débarquer, Janis Joplin et son groupe, Big Brother. Nous étions tellement défoncés que nous n’avons même pas pu parcourir quelques blocks pour y aller. Un gus a rejoint notre party et a insisté pour qu’on écoute le groupe qu’il était en train de former et qui s’appelait Pink Floyd. Soirées nues, liberté sexuelle, hallucinogènes, plus toutes les « sous-cultures traditionnelles », il y avait de tout dans ce carnaval perpétuel. Certains de mes potes sont partis bosser avec Al Cohen au journal The Oracle, les gars gagnaient leur pognon en essayant de le fourguer dans la rue. La Haight Ashbury avait changé quasiment du jour au lendemain depuis que j’y avais dégotté un appart en 1962. En 1965, le vieux quartier russe avait complètement changé et il était plus peuplé que l’East Village, à New York City, qui s’était lui aussi développé rapidement suite à l’éclatement de la scène à San Francisco. Robert Crumb était venu à San Francisco. La seule autre personne qui le connaissait était Don Donahue, qui a racheté ma presse après que j’ai eu publié les NOW et The Last Times, dont le format journal changeait à chaque impression. Ç’a été sans aucun doute le dernier. Je n’en connais qu’un exemplaire existant dans les collections spéciales d’une université. J’ai publié deux longs poèmes dans Evergreen Review, à propos de la nouvelle scène de Haight Ashbury et, plus tard, Woodstock. Ils allaient être illustrés, sur plusieurs pages. Robert était sans un et je voulais qu’il se fasse un peu de blé, mais je n’ai pas pu convaincre les responsables artistiques de Grove Press d’utiliser les illustrations de Robert Crumb. Ils n’avaient jamais entendu parler de lui et qui sait ce qu’ils pensaient de son travail ? Il allait trop loin ? Pas assez bon ? Evergreen venait de changer pour adopter un format plus grand aussi. Les exemplaires dans lesquels figuraient mes poèmes étaient bien ficelés. J’ai imprimé et mis au point le format de son Zap pour qu’il s’adapte à ma vieille presse et Pam et moi l’imprimions entre deux soirées, et lui et sa femme et Don le vendaient de la main à la main à Haight Street, à 25 cents l’exemplaire. Au moment où je rédige le présent texte, Wilson lance des appels pour rassembler une convention de comics en Californie du Sud et il dit qu’il y a eu une annonce selon laquelle un « Plymell Zap » se serait vendu 15.000 dollars, un prix record pour n’importe quel comic. Eh ! non, je n’en ai pas un seul !!!
 
A.J. Tu as été très proche de William S. Burroughs et de Ray Bremser. Dans quelles circonstances as-tu rencontré ces deux écrivains ? À New York ? 

C.P. Pam et moi avons rencontré William à son appart, 8 Duke Street, à Londres, en 1968. J’avais correspondu avec lui auparavant, et il avait fait certains cut-ups avec les tout premiers textes de NOW. Il avait également envoyé la méthode à utiliser pour les textes que j’avais imprimés dans le numéro suivant de NOW.
Nous avons rencontré Ray ici, à Cherry Valley, à la ferme de Ginsberg. Ray connaissait le jazz, mais il ne savait absolument pas ce qu’était l’argent. Il a donné sa dernière lecture à Cherry Valley et il est mort avec un peu de thunes en poche.
Une fois que Burroughs a été fabriqué, le moule a été cassé. Il n’y en aura jamais un autre d’aussi réussi.
 
A.J. Tu vis aujourd’hui à Cherry Valley dans l’État de New York et continues à te consacrer à l’écriture et au collage. Tu te produis également dans des lectures, notamment avec Thurston Moore, leader du groupe de rock-punk Sonic Youth. Peux-tu nous parler de tes derniers ouvrages et de tes dernières lectures en public ? 

C.P. Je ne me consacre pas vraiment à quelque chose en particulier. J’étudie la physique et je développe ma philosophie du cosmos. Si quelqu’un s’enquiert de moi, j’essaie de mettre ensemble nombre de notes éparses. J’ai fait un petit bouquin de collages il y a quelque temps et, parfois, j’utilise les images de Claude et Mary qui traînent, en les mettant à l’abri de leur chatte qui croit que c’est à elle et qui les étale comme s’il s’agissait de pensées qui ont regagné en importance avant d’être brossées sur le côté. Thurston Moore et Byron Coley ont organisé plusieurs lectures pour moi dans le Massachusetts ainsi qu’à Montréal. Pam et ma fille ont été invitées à une grande soirée de musique et poésie dans une baraque pleine à craquer. Sonic Youth et Flaming Lips ont joué à la New York State Fair où mon fils et le biographe de cinéma de Huncke, Laki Vazakas, avaient des entrées sur scène. C’était une immense scène et les gradins avaient été utilisés pour des courses de bagnoles et ils étaient noirs de monde. Ce furent des performances enthousiasmantes. Byron et Thurston m’avaient demandé de passer sur scène au profit de leur magazine Estactic Peace, et ce fut ma dernière apparition, à la St. Marks Church de New York City. J’avais sorti un petit sermon poétique sur Jésus et Judas ayant un petit fou rire à propos de la mise en scène du suicide par personne interposée de Jésus, à propos duquel les autres n’étaient pas du tout au courant. Hammond Guthrie l’a sorti dans Third Page, avec Mary Beach sur la même page : quand on clique sur la fenêtre, elle s’ouvre, puis on clique sur le nom et on a la biographie. Le monde entier n’arrête pas de marcher à coups de clicks et de kicks !
 
A.J. Les éditions Wigwam vont publier une traduction d’un choix de poèmes extraits de ton recueil Robbing The Pillars (Les voleurs de piliers), une première publication en français qui te tient particulièrement à cœur, je crois... As-tu déjà publié en Europe auparavant ?
C.P. Je vois de temps à autre un poème ou un collage dans une publication française, ou en Inde ou en Écosse ou dans d’autres pays encore, mais pas de bouquins. J’ai publié quelques bouquins en Allemagne et en Autriche et j’ai figuré dans plusieurs publications depuis les années 60 en raison de mes rapports avec Carl Weisner, Jürgen Ploog, Peter Engstler, Walter Hartman, Sylvia Pociao...
Robbing the Pillars, c’est une expression utilisée par les mineurs de charbon américains quand ils referment une galerie de mine. Ils retirent les étançons un par un jusqu’à ce que la galerie s’effondre.
 
 
(1) Les Débardeurs (= dockers) et les Routiers, deux corporations syndicales américaines.
 
La traduction de cet entretien a été réalisée par Jean-Marie Flémal

Photo 2 : Alain Jégou (assis) et Charles Plymell

Charles Plymell : choix de poèmes, Wigwam 2007 et Apocalypse Rose, Lenka Lente, 2016 (traduction : Jean-Marie Flémal)

mercredi 9 mars 2016

Louis sous la terre

C’est le parcours discret, presque effacé, du peintre suisse Louis Soutter que Sereine Berlottier retrace ici. Elle le fait en partant des quelques éléments biographiques qui ont pu échapper au silence qui aura entouré la vie de cet homme né en 1871 dans la petite ville de Morges et mort en 1942 à l’asile de Ballaigues, où il passa ses dix-neuf dernières années. Elle ouvre ces balises et les travaille à sa manière – qui est posée et précise – pour qu’elles bougent en s’insérant au mieux dans le récit.

« Nous sommes en 1923, tu as cinquante-deux ans, tu montes les marches sans regarder les visages, tu te tiens droit, tu ne veux pas te sentir vaincu, la porte s’ouvre, tu découvres la chambre où désormais tu vas vivre, où tu vas dessiner, écrire, deux lits, deux chaises, un grand bahut, une table que tu mesures au premier regard. »

Tout avait pourtant bien commencé pour celui qui fut d’abord apprenti architecte à Genève, puis violoniste à Bruxelles et enfin enseignant dans une école d’art à Colorado Springs où il vécut quelques années, le temps d’un mariage qui tourna court, avec une américaine rencontrée en Belgique et tout se passa également à peu près bien jusqu’à son retour dans sa ville natale. C’est à cette époque qu’il se mit à dépenser sans compter, se retrouvant rapidement fauché, lâché par sa famille et contraint de rejoindre le seul lieu où l’on acceptait d’héberger les vieillards et les indigents du canton.

« Dix-neuf ans que ton père est mort, sept années que ta sœur a succombé à un mal inconnu. Il ne reste que toi, un frère, une mère, les dettes, la réputation menacée, et cette étrange démarche de sauterelle blessée qui est la tienne lorsque tu parcours la ville. »

Le lieu n’est pas fermé. Il peut en sortir et se lancer dans des marches épuisantes au cours desquelles il lui arrive de tomber ou de se perdre. Il aime fatiguer ce long corps maigre qui devient de plus en plus sec et qui tressaille ou vibre dès que ses doigts se mettent à dessiner ou à peindre des portraits et des formes étranges.

« Tu dessines dans des cahiers d’écolier que tu empiles dans le grand buffet de ta chambre et que tu sors parfois pour les montrer à un visiteur qui aurait entendu parler de toi là-bas, loin, quelqu’un qui serait libre d’aller et venir, de monter dans une automobile, de rouler, de frapper à la porte, de demander à te rencontrer. »

L’un d’eux, un jour, viendra spécialement pour lui, pour prendre la mesure de ses dessins, et pour en acheter un, à prix fort, pour montrer que ce reclus dont personne ne se soucie est en train, mine de rien, de bâtir une œuvre qu’il conviendrait de préserver. Il ne faudrait pas que ses dessins et portraits futurs finissent, comme la plupart des précédents, à la poubelle. Cet homme, c’est Jean Giono. Il n’est d’ailleurs pas le seul à s’intéresser au peintre. Un autre, qui est l’un de ses cousins, Charles-Édouard Jeanneret, plus connu sous le nom de Le Corbusier, vient lui rendre visite et réussira, en novembre 1936, à organiser une exposition de cinquante-trois dessins au Waldsworth Atheneum de Hartford, dans le Connecticut.

Tous ces éléments, toutes ces pièces collectées plus tard, quand il a bien fallu, après la mort de Louis Soutter, savoir qui était vraiment cet artiste dont on commençait à découvrir l’œuvre, Sereine Berlottier les replace dans leur contexte, et s’en sert a minima, pour  donner libre cours à un récit axé autour de la personnalité du peintre et de son itinéraire si particulier. Elle s’adresse à lui, regarde, note, questionne et parvient, à travers un canevas inventif très ciselé et judicieusement mouvant, à retrouver l’être fragile qui se cachait derrière ces corps mystérieux qu’il a légués à la postérité.


 Sereine Berlottier : Louis sous la terre, éditions Argol.