mercredi 21 décembre 2016

Des opéras de lumière

Le roman, quand il met en scène des artistes disparus, réussit parfois à percer des secrets et à éclairer des zones d’ombre que ne parviennent pas à saisir obligatoirement l’essai et la biographie. Ainsi des liens étroits qui unissaient, dans le dernier quart du dix-neuvième siècle, le peintre François-Auguste Ravier (1814-1895) et l’industriel et photographe Félix Thiollier (1842-1914). Si de nombreuses lettres échangées entre eux permettent de témoigner de ce que fut leur amitié, on ne s’attardait, par contre, pas vraiment sur leurs caractères bien trempés, sur leurs parties de chasse communes, sur leurs joutes verbales, sur leur désir de se surpasser et sur ce même élan créatif qui allait les faire, l’un et l’autre, tout plaquer pour s’isoler et se consacrer uniquement à leur art. Cela, seul un roman pouvait espérer le toucher du doigt, pourvu qu’il se donne assez d’espace et de liberté pour oser inventer, embellir et même falsifier certains pans de réalité. C’est ce que fait ici, avec finesse, aplomb et légèreté, tout en s’appuyant sur une solide documentation, Jean-Noël Blanc.

Il suit les deux hommes à la trace. Du début à la fin. De leur enfance jusqu’à leur mort. L’un est né à Lyon et l’autre à Saint-Étienne. Trente ans les séparent. Ils n’appartiennent pas à la même classe sociale. Thiollier est issu d’un milieu aisé. Photographe estimé, à défaut de devenir le peintre qu’il envisageait d’être, il est littéralement subjugué quand il découvre, un peu par hasard, l’œuvre de Ravier. Il pense à Constable, à Turner, à Corot. « Une telle fougue dans les ciels, cela ne s’oublie pas ». Il lui écrit, va le voir là où il s’est retiré, à Morestel, au fond du Dauphiné, et n’aura, dès lors, de cesse de faire connaître ce peintre cabochard qui n’a pas plus envie d’exposer que de vendre et qui passe son temps à traquer les lumières du jour.

« Je continue à suivre ma folie – nous avons eu deux ou trois jours de vent du midi qui ont exaspéré ma palette – j’ai des fringales de ciel – c’est l’infini – je médite les drames de la lumière, j’essaie de piéger le fugitif, d’attraper le brouillard argenté – il y a des heures où personne n’a vu ce que j’ai vu. »

Thiollier, qui voyage beaucoup, allant de galeries en ateliers, nouant des liens avec de nombreux peintres, achetant au passage beaucoup d’œuvres, comprend très vite que Ravier, qui peint les ciels comme personne, n’a rien à envier aux impressionnistes. Il en est même l’un des précurseurs. Il convient de le faire savoir. Il ne va pas lésiner pour tenter d’y parvenir, en multipliant les contacts, en établissant et en publiant la première monographie du peintre dont il deviendra plus tard, après sa mort, l’exécuteur testamentaire.

« Il faut démarcher, trouver des clients. Non, clients n’est pas le mot approprié : l’affection et l’amitié demandent mieux qu’un négoce anonyme. Il n’alerte donc que ceux qui aimaient le vieux peintre : des acheteurs dignes de Ravier, dit-il. Il en connaît déjà suffisamment pour écouler des pièces. Il vend par lots : quinze, vingt, plus encore. »

Cela ne l’empêche pas de continuer à photographier. Sans autre ambition que de restituer ce qu’il voit : les paysages, les terres noires, les ciels tourmentés mais aussi la ville, les mines, les forges, les lieux industriels. Il est en train, mais ne le sait pas, et ne le saura jamais, de devenir l’un des pionniers et des maîtres de la photographie.

« Il ressemble à un Moïse sculpté par Michel-Ange, dit un flatteur. Thiollier secoue la tête quand on lui rapporte ce propos, quel imbécile a dit cette ânerie ? Moi, une statue ? A-t-on jamais vu une statue aller blaguer avec un fossoyeur comme je le fais au cimetière de la Tour-en-Jarez. »

Il devient aussi bourru que Ravier et aura, tout comme son ami, et comme tous les solitaires qui n’entendent pas se plier aux exigences de tel ou tel milieu, bien du mal à entrer dans la postérité. Jean-Noël Blanc, en s’attachant à leurs parcours, en les faisant revivre plus d’un siècle plus tard, leur rend, avec ce roman particulièrement prenant, dont l’édition est augmentée de nombreuses reproductions, un très bel hommage. Il leur redonne, tout simplement, la place qui devrait être la leur dans l’histoire de la peinture et de la photographie.

Jean-Noël Blanc : Des opéras de lumière, Ravier & Thiollier, roman, éditions Le Réalgar.

mercredi 14 décembre 2016

Leçons de vertige

L’œuvre du poète catalan Joan Margarit a été traduite dans de nombreux pays mais elle était jusqu’à présent peu disponible en langue française. L’anthologie publiée par les éditions Les Hauts-Fonds vient combler ce manque. Elle permet de suivre de façon chronologique le parcours du poète en donnant à lire de larges extraits de chacun des treize recueils qui constituent sa bibliographie. On y découvre une écriture simple, concise et narrative, faite de courts tableaux autobiographiques qui disent les rudesses de la vie, le désarroi, la tristesse de l’auteur et son besoin, quasi existentiel, de toujours se regarder en face pour s’interroger et comprendre ces pensées néfastes qui peuvent, en certaines circonstances, venir noircir son être intérieur. Ainsi au sujet de sa fille Joana, née avec un lourd handicap physique et mental, morte en 2001 à l’âge de trente ans, dont il parle fréquemment, avec tendresse et douceur, tout en s’en voulant d’avoir pu espérer sa disparition.

« J’écoute la Pathétique et je me vois
souhaiter que la mort de Joana
nous rende l’ordre et la joie
que nous croyions avoir perdus à sa naissance.
Mon amour, Joana, la tendresse
que je voulais tuer comme ces enfants
des tragédies, enfants coupables de menacer
l’avenir de leur bourreau.
Mes mains – comment ai-je pu les arrêter ? »

Si son extrême lucidité et son intégrité morale lui empoisonnent (sans doute) parfois l’existence, elles lui ouvrent, en contrepartie, des portes qui resteraient fermées s’il décidait de se mentir à lui-même. De multiples scènes de la vie quotidienne sont ici placées sous le signe de cette ambivalence. Le bien-être est souvent atténué par une angoisse soudaine, une incompréhension susceptible d’enrayer l’harmonie du couple, un souvenir peu rassurant (parfois lié à la guerre, au franquisme, aux libertés cadenassées). Le dire par le biais du poème lui paraît un cheminement naturel pour tenter d’ atténuer les effets déstabilisants de cette intranquillité qui surgit à l’improviste.

« J’entends frapper à la porte et je vais ouvrir,
mais il n’y a personne.
Je pense à ceux que j’aime et qui ne reviendront pas.
Je ne referme pas. Je souhaite la bienvenue.
La main sur le cadre, j’attends.
La vie s’est appuyée sur la douleur
comme les maisons sur leurs fondations.
Et je sais pour qui je m’attarde, pour qui je laisse une lumière
accueillante dans la rue déserte. »

Est-ce que son métier d’architecte l’aide à mieux construire ses poèmes ? C’est assez probable. Il fait souvent référence à son travail (« pendant des années j’ai commencé ma journée / dans le désordre organisé des chantiers ») et il y a dans la structure même de ses textes des indices qui laissent penser que ces deux activités (qu’il mène sur le terrain et sur le motif) restent pour lui indissociables.

« Les ouvriers à l’aube font un feu
avec des restes de coffrage.
La vie a été un immeuble en chantier,
le vent frappant au plus haut de l’échafaudage,
toujours face au vide, car on sait
que celui qui pose le filet travaille sans filet. »

Né en 1938, pendant la guerre d’Espagne, Joan Margarit écrit à la fois en catalan (langue interdite sous Franco) et en espagnol. « Chaque poème signale un événement de ma vie, mais mon intention lorsque je l’écris va bien au-delà », dit-il. Ajoutant, dans l’instant, que le poème, pour atteindre son but, doit nécessairement se frotter à une autre sensibilité, celle de celui ou de celle qui, le lisant, le fera vraiment exister.

Joan Margarit : Leçons de vertige, poèmes traduits du catalan par Noé Pérez-Núñez, Les Hauts-Fonds.


Il faut souligner, à l’occasion de la parution de ce livre, le rôle important joué par les éditions Les Hauts-Fonds dans la publication de poètes étrangers en France. Ainsi, récemment, l’écossais Hugh Mac Diarmid (1892-1978), avec Un enterrement dans l’île, poèmes traduits par Paol Keineg et le gallois R.S. Thomas (1913-2000) avec Qui ?, ensemble traduit par Marie-Thérèse Castay, Paol Keineg et Jean-Yves Le Disez.

dimanche 4 décembre 2016

La Magie dans les villes

La magie naît parfois de presque rien. Un simple détachement de soi, allié à une capacité d’étonnement qui n’a pas été altérée par les aléas du temps qui passe, peut suffire. Il faut bien sûr y ajouter une bonne dose d’imagination et de belles velléités de planeur au long cours, qualités essentielles qu’il convient ensuite de maîtriser. C’est ce que fait, à la perfection, le personnage central du premier livre de Frédéric Fiolof.

« Il arrive qu’il s’efforce d’être celui qu’on voudrait qu’il soit. Il se rend à un dîner, à une soirée chez des amis, il accroche son cœur au porte-manteau et il fait des phrases qui tombent rondement dans la conversation. Il sait flatter sans en avoir l’air, grincer ou pétiller quand il le faut »

Il sait aussi voler légèrement au-dessus de lui-même en posant chaque jour un regard neuf sur les siens (sa femme, son fils, sa fille) et sur un passé récent qu’il aime revisiter. Il peut ainsi reprendre aisément une conversation avec son père mort qui apparaît, perché sur une échelle, pour lui donner quelques conseils quant à la construction de sa future maison. Ou jouer au rami avec son grand-père. Ou encore papoter dans la rue en compagnie de Robert Walser, qu’il croise un matin, par hasard, à la sortie d’une boulangerie.

« Le père agite encore ses mains de carreleur, ses mains de maçon. (….) Mais lui, il n’a pas la tête à tirer des plans sur la comète. Son esprit est ailleurs. Il demande à son père comment font les morts pour donner des conseils. Son père descend d’une marche et s’emporte :
Et tu voudrais qu’ils fassent quoi, les morts, à part donner des conseils ? La vaisselle, peut-être ? Ou qu’ils se promènent à bicyclette le long du canal de l’Ourcq en sifflant des chansons de Trenet ? »

Quand il ne dialogue pas avec les absents, il s’occupe comme il peut. Il demande l’avis éclairé d’une fée cabossée et reçoit ponctuellement la visite d’un ange volage qui semble expert en état de grâce. Il s’amuse à devenir invisible. Il rêve qu’il rêve les rêves des autres. Il essaie également de lire sur les lèvres, en particulier sur celles qui ne bougent pas du tout. Il coupe l’ennui en tranches. Il se glisse dans les allées du cimetière voisin pour y caresser quelques tombes. Chaque mercredi, il va dans les rues arroser les chagrins asséchés. Il dit que "procrastiner, c’est apprendre à mourir". Il dit aussi, mais plus fermement, qu’il aimerait enfin tomber enceint, pour porter le prochain enfant de la famille.

« Nous n’aurons un troisième enfant que si c’est moi qui le porte, dit-il à sa femme. J’ai cédé pour les deux premiers mais je ne céderai pas pour le troisième. »

Avec La Magie dans les villes, Frédéric Fiolof brosse, en enchaînant les scènes brèves, le portrait à multiples facettes d’un perpétuel étonné doublé d’un pince sans rire. Il prouve par l’absurde que l’impossible reste bel et bien à notre portée en créant sous nos yeux un personnage très attachant. Cet être, bien décidé à mener sa vie comme il l’entend, ne s’en laisse pas compter. Il ne se laisse pas, non plus, abattre par le monde conventionnel et rugueux qui l’entoure.

Frédéric Fiolof : La Magie dans les villes, Quidam éditeur.

Frédéric Fiolof anime depuis 2010 le blog La marche aux pages. Il est également le créateur de la revue littéraire La moitié du fourbi.

lundi 21 novembre 2016

Baby spot

Il s’appelle Tomás. Il a douze ans. N’a pas de père mais un beau-père plus ou moins violent, une mère qu’il trouve trop pleurnicharde et une petite sœur, Diana, (prénommée ainsi en hommage à la princesse morte) qu’il adore plus que tout. Il habite à Madrid, de l’autre – du mauvais – côté du périphérique, avec ceux qui, faute de mieux, glandent, galèrent, boivent, chapardent, cognent, traficotent. C’est dans cet espace de non-droit, situé au cœur d’un chantier abandonné suite à des malversations immobilières, que l’on a retrouvé, pendu à un échafaudage, le corps de Lucas, le gamin le plus calme, le plus réservé et le plus solitaire de cette bande d’enfants esseulés dont il était peu à peu devenu le souffre-douleur et à laquelle appartenait aussi Tomás. Celui-ci en a gros sur la conscience. Il lui faut dérouler le fil des événements qui ont eu lieu ce jour-là.

C’était au mois d’août, dans une chaleur torride. Il était aux premières loges. A tout vu. Pourrait le dire de vive voix mais préfère, pour ne rien oublier, poser les faits tels qu’ils se sont déroulés en s’en remettant à l’écriture.

« Moi, je pense que sur le papier, si j’arrive à tout écrire sur des lignes bien droites, une chose après l’autre et sans faire de ratures, j’y verrais plus clair. Parce que quand j’essaie de me souvenir, ça me fait comme avec les images de certains films, pas moyen de les revoir dans sa tête comme on voudrait, mais elles reviennent sans arrêt quand on s’y attend le moins. »

Ce qu’il a à dire n’est pas simple. Il lui faut convoquer tous les protagonistes de l’histoire. En commençant par le Zurdo, le caïd, le héros du coin, grand frère de son pote Martín. C’est à ce type qui a déjà tâté de la prison, et qui roule des mécaniques dans le quartier, que tous les gamins de la zone aimeraient ressembler.

« En fait, le zurdo nous défendait toujours : un jour il a même tuer à coups de pierres un chien qui avait mordu Martín à l’épaule. »

Mais le zurdo, après la découverte du corps de Lucas, est appréhendé dans un bar, amené sur les lieux du drame et embarqué, menottes aux poignets. Antonio, le flic véreux qui sévit dans les parages, le soupçonne de meurtre.

« C’était plus le même, le Zurdo, il était mort de trouille, lui qui était un vrai courageux, lui qui n’avait même pas bronché quand il s’était fait faire son tatouage sur la joue gauche. Mais cette nuit-là, quand on l’a amené, il gémissait à chaque gifle que lui donnait Antonio, le policier, le mari de Rosa, la boulangère. »

On apprendra, à la fin de la confession de Tomás, les circonstances exactes de la mort de Lucas. Des aveux terribles et glaçants qui n’interviendront qu’aux dernières pages de ce roman mené de main de maître par Isabel Alba. Son écriture est dense et lumineuse. La façon avec laquelle elle parvient à rendre évidents les mots, le vocabulaire et la voix déjà rude d’un gamin qui a grandi trop vite est d’une implacable précision. Il en va de même pour les portraits croisés et les personnalités tranchées de tous ceux qui sont au centre de cette histoire. Baby spot est un roman grave et incisif. Il est traversé par un réalisme finement ciselé. C’est, de plus, un monologue incandescent. Qui parle vrai et juste.

Isabel Alba : Baby spot, traduit de l’espagnol par Michelle Ortuno, éditions La Contre Allée.

dimanche 13 novembre 2016

Icare au labyrinthe

Juillet 2015. Une voiture roule sur les routes départementales qui sillonnent les puys d’Auvergne. Elle s’arrête fréquemment, sur le parking d’un restaurant ou d’un hôtel, avant de repartir à l’aventure, allant des monts du Forez aux plaines du Poitou, dans un "road movie" que le conducteur (et narrateur), écrivain à la cinquantaine bien entamée, souhaite libre et improvisé. Il voyage en compagnie d’une jeune femme, vingt ans tout au plus, qui semble bien réelle et délurée. Il ne l’a pourtant inventée que le mois précédent, alors qu’il était assis sur la banquette de moleskine d’une brasserie parisienne. Il l’a aussitôt prénommée Palombine, en hommage à Plombagine, "la fée du Condurango" qu’évoquait naguère Léon-Paul Fargues.

« Elle est Palombine, aérienne et claire, manifestement colombe à la ressemblance du Paraclet, si tant est qu’elle existe et ne se résout pas en une fiction de pure utilité romanesque, jeune fille censée m’accompagner dans mon périple et m’évitant le soliloque ».

Elle va devenir bien plus que cela, prenant rapidement toute sa place et donnant à l’écrivain, qui ressemble beaucoup à Lionel-Édouard Martin, quelques clés pour entrer dans ce monde actuel qu’il a quelque peu délaissé en s’arc-boutant sur un passé chargé de nostalgies. Elle l’appelle affectueusement Lio-Lio et lui assène, avec ses mots à elle, qui n’ont rien à voir avec les siens, quelques vérités qui tournent plus autour du bon sens (qu’elle manie à la perfection) que de l’intellect (dont il a appris – et ça tombe bien – à se méfier).

Un jeu, teinté d’une sorte de légèreté, se met ainsi en place. Deux générations, deux façons d’être et d’appréhender la vie s’expriment sans vraiment s’affronter. Lionel-Édouard Martin conduit son récit à sa main, le frottant aux paysages, à l’étymologie des noms de lieux, aux plaisirs du palais et à certains faits rattachés à l’histoire des localités traversées. Il aime le passé sans être  de ceux qui prétendent que tout allait mieux avant. Sa Palombine est là pour le rabrouer s’il déraille. Ce qu’il ne fait pas. S’il lui arrive de se moquer de lui-même et de ses clins d’œil dans le rétroviseur (il revoit alors, pêle-mêle, en un éclair, un lapin éborgné pendu à l’envers, une vieille morte au bourg de Chailly, un couple d’escargots coïtant sur une berme détrempée) c’est pour mieux revenir au présent, s’y promenant avec, empilés dans sa besace, un tas de souvenirs et de livres qui l’ont fait grandir.

Les dialogues fusent. Qui rythment une narration bien moins désinvolte qu’il n’y paraît. L’écrivain la manie à la perfection. Il s’y montre à son aise, brouillant les pistes ou clarifiant les choses, selon l’envie ou la nécessité, ou selon l’interlocuteur qui lui fait face, tel cet imprimeur-éditeur au verbe maniéré qu’il visite en cours de route, ou ce concepteur d’événements culturels pour happy few qui l’invite à lire ses poèmes en public en région parisienne, là où va se terminer une balade qui semblait pourtant devoir se poursuivre longtemps encore. Il suffira d’une page, écrite au cœur d’une flaque rouge sang, au couteau sur un trottoir de banlieue , pour que tout s’écroule. Manière de clore un rêve qui n’a peut-être pas eu lieu. Et de dire adieu à un personnage qui disparaît brutalement, laissant une empreinte légère, une belle clarté, une joie de vivre, tant dans les mémoires que dans l’œuvre (forte) de celui qui, avant de nous réserver ce coup de massue, nous aura permis, une fois encore, de flâner à ses côtés sur les berges de la Gartempe, cette rivière qui coule souvent dans ses livres.

Lionel-Édouard Martin : Icare au labyrinthe, éditions du Sonneur.