Les personnages qui apparaissent dans les treize nouvelles composant 
l’étonnant petit livre d’Alain Roussel sont des êtres épris de solitude.
 À force de vivre  en retrait et d’écouter en boucle « la musique des 
sphères », ils ont réussi à toucher quelques unes des faces cachées de 
la pensée et à acquérir dons et psychisme intérieur capables de faire 
entrer l’improbable, l’imprévu, le dérèglement, le crime et la folie 
passagère là où règnent d’ordinaire  routine et  calme plat.
Une secrète alchimie née entre tel ou tel objet et l’imaginaire en 
irruption d’un Casimir Laroche ou d’un Pierre Lune ou d’un Barillet ou 
d’un Morphéas ou d’un Pénardin ou d’un Lafouine (tous convoqués par 
l’auteur en ses périples menés aux confins de la logique) suffit pour  
que la mort violente frappe vite avant de s’en aller cingler sous 
d’autres latitudes.
Il ne faut souvent pas plus qu’un invisible aléa (par exemple une 
étoile mal arrimée au ciel un soir de brume) pour qu’un galet retrouve 
soudain ses anciennes velléités  d’assassin, pour qu’une ombre quitte 
subitement son locataire habituel afin d’aller commettre un meurtre à 
proximité ou pour qu’un collectionneur de  casquettes subtilise celle  
d’un matelot qui « venait de massacrer deux paisibles promeneurs » pour 
 se métamorphoser  lui aussi en tueur.
« Ici les personnages sont des somnambules sous l’emprise d’un rêve 
implacable, à la fois tragique et dérisoire, dont ils ne peuvent espérer
 maîtriser les règles. Seul doit régner le destin ! »
Dans  ces nouvelles aux chutes subtiles et implacables, l’auteur de La Vie privée des mots
 (La Différence, 2008) et de Chemin des équinoxes (Apogée, 2012) intercepte à chaque fois, entre fantastique et 
imaginaire,  une séquence de l’existence ténébreuse d’un individu au 
parcours jusque là anodin. Il le fait au moment précis (et crucial) où 
celui qui touche le couteau tranchant de la lumière voit son destin 
s’assombrir puis vaciller et  basculer dans l’inconnu et le néant.
Alain Roussel : « Que la ténèbre soit ! », éditions La Clef d’argent (9 rue du stade 39110 Aiglepierre).



