Pendant de nombreuses années, François de Cornière n’a plus donné de ses
nouvelles. Auparavant, celles-ci nous parvenaient régulièrement grâce à
ses livres. Et puis, un jour, ce fut le silence. Qui dura plus de dix
ans. Et qui prit fin en 2015 avec la parution de Nageur du petit matin
(Le Castor Astral), un ensemble de poèmes dans lequel il parlait, avec
pudeur et délicatesse, de la maladie et du décès de sa femme, de sa
présence constante près d’elle mais aussi de sa vie d’après, dans un
autre lieu, au bord de la mer, là où celle qui n’est plus lui rendait
(lui rend toujours) de courtes et réconfortantes visites.
Noter des instants saisis au vol est l’un des ressorts de sa poésie.
Il trouve en eux la fenêtre qui va s’ouvrir pour déclencher le poème. Le
quotidien est constellé de ces moments éphémères qui le tirent par la
manche et qui font la singularité de ses jours. Il suffit d’une
intuition, d’une émotion, d’une parole entendue, d’un ciel changeant,
d’un livre relu, d’un bout de papier retrouvé, pour que les mots
rappliquent, s’assemblent et s’ajustent. Attentif à tout et doté d’une
curiosité bien aiguisée, il restitue des faits ordinaires. Il les sauve
en les substituant, in-extremis, au temps qui passe.
« C’était la fin de la journée
le bus nous reconduisait à l’aéroport
le paysage défilait :
le bus nous reconduisait à l’aéroport
le paysage défilait :
soleil bas
ombre et lumière
montagne pelée
des chèvres accrochées au versant
immeubles inachevés
le bleu de la mer
maisons blanches isolées
et ces chapelles miniatures
tout au bord de la route. »
ombre et lumière
montagne pelée
des chèvres accrochées au versant
immeubles inachevés
le bleu de la mer
maisons blanches isolées
et ces chapelles miniatures
tout au bord de la route. »
Le suivre, c’est entrer, en sa compagnie, dans le journal de bord
d’un homme discret. Ses poèmes ont souvent pour point de départ – et
axe central – une pensée, une réflexion, une photo, une balade, une
musique, un paysage, une scène anodine (ou pas) ou un souvenir qu’il
déroule en quelques strophes et qui ne se termine jamais de façon
abrupte. La chute est plutôt douce. Le propos reste en suspens,
légèrement entrouvert.
Chez lui, le présent et la mémoire s’accordent. C’est en s’appuyant sur eux qu’il poursuit sa route, bon an, mal an. On croise, au hasard du livre et des lieux où il fait escale, les silhouettes familières de quelques uns de ses proches, des êtres qui lui ressemblent : Georges Haldas, Jean-Pierre Georges, Pierre Présumey, Roland Tixier, Jean Rivet (en ses derniers jours).
« J’étais allé voir Jean
à l’hôpital.
Son sang était très malade
c’était la fin.
à l’hôpital.
Son sang était très malade
c’était la fin.
Je m’étais assis à côté du lit
et je lui avais lu
des poèmes de Jean Follain
- son poète préféré.
et je lui avais lu
des poèmes de Jean Follain
- son poète préféré.
Jean gardait les yeux fermés
mais il me faisait signe
- son doigt sur le drap -
de continuer. »
mais il me faisait signe
- son doigt sur le drap -
de continuer. »
Les poèmes de François de Cornière sont d’une grande simplicité. Ils
sonnent justes. Ils disent la teneur et la fragilité de ces dizaines de
moments furtifs qu’il parvient à attraper (à l’instant T) et à
retranscrire.
François de Cornière : Ça tient à quoi ?, préface de Jacques Morin, dessin de couverture de Jean-Noël Blanc, éditions Le Castor Astral.
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