Détournant un titre de James Welch – qui l’emprunta lui-même à Crazy Horse qui, se
lançant à l’assaut des troupes du général Custer, lors de la bataille
de Little Bighorn le 25 juin 1876, ordonna à ses hommes d’attaquer en
leur criant « c’est un beau jour pour mourir » –, Thomas Vinau
démontre, poèmes à l’appui, que chaque jour peut, au contraire, en
d’autres circonstances, contenir assez de lumière pour inciter à ne pas
vouloir mourir. La moindre lueur qui filtre, y compris dans la grisaille
des matins fades, attire son regard. Il s’y aimante. Sa pensée suit. Et
les mots aussi. Qui disent la vie comme elle va, ou ne va pas. Avec ses
manques, ses rites minuscules, ses infimes surprises. Tous ces riens
qui, mis bout à bout, tissent le fil rouge qui relie l’homme à son
environnement immédiat.
« D’abord écrire
avancer avec ce que le jour donne
des abeilles
la rosée
des poils de chien dans le café »
avancer avec ce que le jour donne
des abeilles
la rosée
des poils de chien dans le café »
Thomas Vinau écrit tous les jours. Et donne ici 365 poèmes qui sont
autant de traces de pas imprimées sur le sol friable d’une année. Ce
sont des ciels clairs ou voilés, des bris d’étoiles ébréchées, des rêves
perdus au creux d’une flaque d’eau, des mouches prises dans une toile
d’araignée, des morceaux de voix qui coupent l’ennui en tranches, des
aboiements de chiens qui résonnent dans la nuit, des éclats de verre qui
scintillent au soleil, des corps qui se touchent en s’embrasant ou des
flashes qui reviennent de loin (« comme Patrick Dewaere s’éclatant la
tête sur le capot de sa voiture en hurlant Pauvre connard ! »).
Ce sont bien d’autres choses encore. Les avis de passage du facteur
temps. Des lettres en poste restante dans la stratosphère. Des lignes
brèves qui attestent d’une vie aux aguets. Celle d’un guetteur à l’œil
vif qui ne se berce pas d’illusions.
« On amadoue le monde
avec des mots
ce qui revient un peu
à tenir tête
à un dragon
avec une salière
dans chaque main »
avec des mots
ce qui revient un peu
à tenir tête
à un dragon
avec une salière
dans chaque main »
Pas question, pour autant, de botter en touche. Et de jouer à
l’aquoiboniste de service en faisant vœu de silence. Thomas Vinau note
ce qui le traverse, ce qui le transcende, ce qui lui sert de point
d’appui pour tenir en suivant la route étroite et sinueuse qu’il s’est
choisi. De temps à autre, Brautigan improvise un bout de chemin en sa
compagnie. Plus loin, Pierre Autin-Grenier, son ancien voisin du
Vaucluse, prend le relais en lui adressant un léger signe de la main. Il
lui répond en lui offrant un poème. D’autres rappliquent, poètes
souvent mais pas seulement, dont le regard pétille, qui s’avèrent de
précieux témoins du temps qui glisse en laissant derrière lui des
brindilles que les glaneurs avisés ramassent. Thomas Vinau est l’un
d’entre eux. Il les assemble en gerbes ou fagots fragiles qu’il
distribue régulièrement à ceux qui veulent bien s’en saisir.
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