jeudi 1 septembre 2022

Traité d'onanirisme à usage de celles qui ont perdu la mémoire

Arpenteur de chemins non balisés, Jehan Van Langhenhoven a pris l'habitude de s'aventurer, de livre en livre, dans des périples revigorants où se promènent les ombres flottantes de la poésie, du surréalisme, de la révolution, de l'érotisme (et de bien d'autres choses encore) en s'octroyant de temps en temps une halte au rendez-vous des amis, dont la plupart ne sont plus. Il y avait là, il n'y a pas si longtemps, les éditeurs Eric Losfeld et Guy Chambelland, le poète Yves Martin, le cinéaste Jean Rollin, le revuiste et poète Jimmy Gladiator, avec lequel il créa Le Melog (1975-1978) puis La Crécelle noire (1979-1981).

Van Langhenhoven a commencé à publier en 1974. On lui doit de nombreux titres, jamais très épais mais toujours percutants, ainsi : Milan, minuit d'amour (Bordas, 1985), Le Bar du dernier glamour (Bordas, 1992), Du chant de l'équipage (Raphaël de Surtis, 2001), Histoire naturelle de l'ennui (Raphaël de Surtis, 2017) et, plus récemment, Rivolvita ! (L'Harmattan, 2021).

Son Traité d'onanirisme à usage de celles qui ont perdu la mémoire vient de paraître et l'occasion de le retrouver (plein d'énergie, comme toujours) est trop belle pour ne pas la saisir. Il suffit de prendre le train à destination de Milan et de se promener dans les voitures pour le repérer. Il est assis en face d'une jeune femme qu'il regarde discrètement et pour laquelle il tresse, bercé par le roulis des rails, une histoire passée et présente. Elle fut amoureuse au dortoir, sensible, sensuelle au milieu de ses compagnes d'internat et en elle les désirs couvent et doivent être assouvis, ce qui ne peut qu'émouvoir le voyageur solitaire qui n'est présent à bord que pour écrire ce livre dans lequel l'onanirisme opérera « une parfaite connexion de la main et du songe ».

« Paris s'éloigne, le train accélère ouaté, silencieux avant que de brusquement se mettre à hurler, m'inviter alors à vite pénétrer le vif du sujet... Une ample crinière blonde disposée en chignon, un regard distant offert à la fenêtre, des mains longues aux ongles vernis d'un fort beau carmin négligemment posées sur les accoudoirs et, ponctuées de hauts escarpins de velours noir, des jambes en passe de se croiser... »

Les voyageurs se laissent porter par le tempo ambiant. Certains regardent aux fenêtres. D'autres rêvent d'attouchements en huis-clos. Parmi eux, « incurable voyeur », un homme aux aguets, « œil rivé à la serrure du verbe », écrit, sur un cahier d'écolier, d'une main légère et habile, un récit dense, habité et voluptueux qui ne se dénouera qu'à Milan. Où celle qui ne pouvait que se prénommer Emma fera bientôt une mauvaise rencontre, Thanatos, ombre noire, sortant comme souvent des ténèbres avec ses outils bien affûtés.

Jehan Van Langhenhoven : Traité d'onanirisme à usage de celles qui ont perdu la mémoire, éditions Douro.

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