L’homme qui se confesse ici pense, à juste titre, ne pas avoir eu une
vie banale et tient en particulier à ce que certains événements, qui se
sont produits au début des années 1980, et dans lesquels il se trouve
directement impliqué, apparaissent clairement dans une autobiographie
qu’il se sent incapable de rédiger. C’est pour cela qu’il a fait passer
une annonce dans un journal. Il recherche l’écrivain qui aura pour
mission de l’écouter, de noter et de mettre en forme, de façon
confidentielle, ce qu’il est prêt à lui avouer. Le rédacteur choisi se
nomme Léonard Balmain. C’est un auteur aguerri mais pauvre. Ce travail
très particulier, et bien payé, tombe pour lui à point nommé.
« Nous convînmes de nous rencontrer, au début une fois par semaine,
dans l’appartement de Tod à Édimbourg, dans le quartier de Comely Bank.
Cela s’avéra un lieu assez confortable bien que relativement spartiate,
et j’y cherchai en vain le moindre indice pouvant éclairer la
personnalité de son occupant. À l’évidence, il vivait seul. »
Cette personnalité, il va la découvrir assez rapidement. L’être (qui
dit s’appeler Torquil Tod), d’abord insaisissable, va bientôt devenir
inquiétant. Ce qu’il dévoile de sa vie privée intrigue. Il explique
comment il s’est peu à peu retrouvé sous l’emprise de la femme qui
partageait sa vie. Dès lors, une certaine perversité se fait jour. Elle
est accentuée par les rites en cours dans les communautés que
fréquentait le couple. Mi-religieux, mi-païens, ils évoluaient, dopés au
cannabis et sujets aux courts-circuits intérieurs – dus aux fréquentes
illuminations de la femme qui le maintenait sous son joug – entre
pouvoirs occultes, pratiques sectaires et sorcellerie. Les révélations
se font de plus en plus scabreuses. L’écrivain écoute et rédige. Plus le
livre avance, plus il se rend compte que le témoignage dont il est
l’unique dépositaire fait de lui un homme en grand danger.
« J’ai vécu avec ce livre pendant une période d’environ un an, c’est
ce qui compte ; et maintenant je fais plus que soupçonner qu’il me
coûtera la vie. »
Écrire la vie d’un autre, qui ne se confesse pas pour demander
l’absolution, peut s’avérer lourd de conséquences. Il lui faut prendre
des dispositions. Se préparer au pire et confier le manuscrit à un
tiers, au cas où il lui arriverait malheur.
« Pour l’instant, j’ai l’intention de ne plus sortir le soir. Je
pense que ma porte d’entrée est bien sécurisée maintenant. Je ne suis
pas complètement satisfait, cependant, quant à l’arrière de mon
appartement. »
Ce seront pratiquement les derniers mots de Léonard Balmain. La
suite, ce sera son exécuteur littéraire qui la dévoilera, clôturant une
histoire presque incroyable, menée avec délice et précision par un John
Herdman au sommet de son art. Attiré par le thème de la dualité, il
l’exprime, avec une ironie mordante, tout au long de ce roman savamment
construit en mettant en présence plusieurs duos (à commencer par celui
formé par les deux personnages principaux, l’écrivain et son étrange
"employeur") qui affichent des objectifs bien différents. On se bat à
coups de mensonges, de méprise et de tromperie. Et au final, fait rare,
le narrateur, qui semblait en mesure de pouvoir se maintenir légèrement
au-dessus des débats, y laissera tout simplement sa peau.
John Herdman : La Confession, traduit de l’anglais (Écosse) par Maïca Sanconie, Quidam éditeur.