lundi 15 juin 2020

Ni

Entre l’extrême sobriété de la couverture et l’énigmatique quatrième se cache un ensemble foisonnant. Un livre dense avec de nombreuses portes d’entrée comme a l’habitude d’en concevoir Dominique Meens. Flâneries, pensées, dialogues, lettres, poèmes et traductions cohabitent et circulent librement, se passant fréquemment le relais. Quant à l’auteur, il se dédouble aisément.
« L’auteur ne sait s’il est lui-même ou Ni, Brahms, Soi-disant, Tadeusz, autrefois Clémence, autre encore si possible. Car il ne sait ce qu’est être lui-même. »

Ni et les siens se retrouvent « au coin bon ». C’est leur quartier général. C’est là que s’écrit, fébrilement, en partant de fragments liés aux promenades, lectures, réflexions, un « roman ha-ha » où les oiseaux ont la part belle. Nombreux sont ceux qui traversent ces pages. Rien d’étonnant quand on connaît la passion que leur voue l’auteur d’Ornithologie du promeneur (en trois volumes chez Allia), de L’Aigle abolie (POL), de L’hirondelle (Comp’Act) ou encore de Mes langues ocelles (POL). Que ce soit à Paris ou sur l’île d’Oléron, les rencontres sont toujours au rendez-vous. Il suffit d’avoir l’œil affûté tout en étant attentif et patient pour les vivre pleinement.

« Le geai passé ce matin sur le toit-terrasse voisin de mon balcon, accompagné d’un autre que j’ai vu trois bonnes minutes plus tard et plus loin, a passé dans l’autre sens, je veux dire qu’alors je le voyais venir du sud, de l’intérieur parisien, quand aujourd’hui du nord de la porte Montmartre. Voilà longtemps que ces manèges d’oiseaux intriguent. On trouve par exemple au manuscrit 24 796 de Hugo, ceci, daté de 1866 : "la fauvette revient le premier avril, le rossignol des murailles le 10 avril, le rouge-queue le 22 avril, le rossignol chanteur le 25 avril, le martinet le 5 mai (il part le 2 août), le coucou le 27 mai. L’hirondelle des rivages le 5 avril, l’hirondelle de fenêtre le 6, l’hirondelle de cheminée le 7". »

Aidé par ses doubles fictifs, qui l’accompagnent au gré des lettres et des dialogues, Dominique Meens suit sa route en faisant en sorte qu’elle ne flirte jamais avec la ligne droite. Il apprécie les zigzags, les chemins de traverse, les retours en arrière, les sentiers buissonniers propices à l’allongement du trajet. On risque de rater l’essentiel si l’on néglige les bas-côtés. Il observe, note, décrit. Ici, l’arrivée féerique d’une dizaine de roitelets mâles illuminant une forêt sombre, là, un cygne descendant vers le pont de la Concorde, là-bas, un cormoran s’envolant au niveau du pont Royal, ailleurs, le chant d’une grive résonant dans les toilettes d’un aéroport européen.

« Deux cigognes remontent au fort vent du nord. Elles volent assez bas, viennent de franchir l’autoroute. Nous sommes très proches de Paris, un vingt-six février. Où vont-elles, pour partir si tôt ? Quel temps fait-il où elles étaient pour leur hivernage, pour qu’elles soient parties si tôt. »

Il consulte régulièrement les livres de ses lointains prédécesseurs. N’a de cesse d’affiner ses connaissances. En traduisant Un glossaire d'oiseaux grecs de D’arcy Wentworth Thompson pour les éditions Corti, il s’est notamment familiarisé avec l’œuvre d’Élien (né vers 170, décédé vers 240 après J.C.,) qui fut grand lecteur de Pline l’ancien et d’Aristote. Il traduit ici de nombreux paragraphes de l’auteur romain qui écrivait en grec et qui s’intéressait (entre autres) aux oiseaux. Ses descriptions sont incomparables. Élien était un observateur avisé qui se documentait. Curieux, flânant, regardant, restant à l’écoute des légendes, il cousait ses phrases avec subtilité. L’ibis égyptien, l’aigle doré, la perdrix de Syrie ou la huppe indienne n’avaient aucun secret pour lui.

« Jamais un faucon ne mangera un cœur, geste propitiatoire peut-être, ou mystérique. Le cadavre d’un homme, qu’un faucon l’aperçoive, privé de sépulture, il le couvrira de terre (…) et ne touchera pas le corps. Il attend, à jeun, avant de boire, si l’homme fait s’emplir le drain d’eau, car il croit qu’à celui-là qui travaille dur, il ferait du tort en détournant pour lui l’eau qui satisferait son besoin ; si plusieurs sont à irriguer, il voit que l’eau coule en abondance, comme une coupe levée à l’amitié à laquelle il aurait part, et boit volontiers. »

Il y a bien d’autres pépites et surprises à découvrir dans Ni. D’autres traductions (telle A une alouette de Shelley), des lettres, des poèmes, six planches de Michael McGriff ainsi qu’une fable radiophonique, La Mouche et le Musicien, (où l’on suit au fil des infos les pérégrinations d’un pilleur de plumes qui sévit pour fournir des appâts de choix aux férus de la pêche à la mouche).
Deux cents pages durant, le guide, le ciseleur de phrases, le virevoltant regardeur d’oiseaux, « l’auteur, dit parfois le promeneur, se r’trouve et fait l’Grec, à peine couvert d’un tissus de laine rêche, ballant par les chemins sa lanterne en plein jour, cherchant l’homme qu’il est. »

Dominique Meens : Ni,éditions Pontcerq.
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Dominique Meens sur le site des éditions POL.

jeudi 4 juin 2020

Le Trèfle incarnat

C’est à partir d’une série de neuf dessins offerte par Georges-Henri Morin, intitulée Une journée de Nô, qu’Anne-Marie Beeckman a conçu ses poèmes. Elle y apporte ses mots, son imaginaire, le monde secret qu’elle porte en elle. Celui-ci ne se dévoile que par touches, en un montage subtil où décor et personnages prennent place.

« Nous allons essayer de monter le théâtre où se déroule nos derniers jours.
Laissons là l’hiver, ses choses tristes et dénudées, hormis la belle, qu’il faut deviner sous les fourrures.
Préférons le printemps, le sein qui gonfle et va éclore.
Las, on sait ce qu’apporte le printemps, laissons là les saisons, elles restent pour les prunes. La pluie seule mouillera les manches. Ce seront vestes, oubliées sur les clôtures. »

Elle s’empare du titre voulu par l’artiste et s’inspire du théâtre japonais en faisant alterner, poème après poème, le Nô (drame lyrique) et le Kyôgen (scène comique). Les mots frémissent, s’assemblent, préfèrent la sensation au sens (mais le suggèrent néanmoins) et s’arrangent pour mettre presque naturellement les sens en émoi. Ils détournent subrepticement contes, comptines et maximes. Avec eux, le corps vibre, le désir est en embuscade, les linceuls se déchirent, le ciel s’ouvre, la nuit brille de mille feux follets, « la rhabilleuse » entre en scène, ou « les servantes d’auberge », ou « les montreurs d’insectes », ou « les buveurs de saké ». Chacun, chacune, entre dans le poème qui leur est dédié en y glissant une ombre, un mystère, un savoir-faire et une envie de découvrir un monde caché et pourtant bien vivant, un monde plus rebelle, plus revêche, plus sauvage et irréel, plus rassurant, plus habitable, un monde fragile et minuscule qui ne se donne qu’avec parcimonie.

« Il faut qu’un spectre prenne forme,
sinon la nuit se fige :
toupie de ses hanches,
éteignoir de ses fesses,
grande ombre de ses seins,
gouffre du ventre sur les escargots.

Les dormeurs s’éveillent,
se prennent à partie.
Les poulies sifflent,
les injures fusent,
le palan les emporte.
Et les servantes rient
derrière leurs mains très douces. »

Anne-Marie Beeckman rend visible l’envers du décor. Elle s’aventure hors des sentiers battus. Rencontre des personnages qui viennent de loin. Devient parfois l’un d’entre eux. Trouve les mots justes pour dire l’effervescence, la magie et l’enchantement qu’il y a à cheminer ainsi. Elle saisit les vibrations qui montent et résonnent autour d’elle. Puis elle les transcrit, et c’est alors sa langue qui fuse, s’amuse, s’étonne et vibre, elle aussi, sans jamais se départir de cette inventivité pleine de fraîcheur qui émane de sa poésie.

Anne-Marie Beeckman : Le Trèfle incarnat, poèmes sur des dessins de Georges-Henri Morin, éditions Pierre Mainard.

vendredi 22 mai 2020

Antoine Emaz et James Sacré

En plus de l’amitié, c’est une belle complicité poétique qui unissait Antoine Emaz et James Sacré. La mort du premier, en mars 2019, est venue l’interrompre. Jusque là, chacun poursuivait son œuvre tout en suivant de près celle de l’autre. Existait entre eux une attention réciproque. Un besoin de partager des doutes, des questionnements essentiels et de nombreuses incertitudes en tentant d’y trouver des éléments de réponses dans leurs poèmes. Leur dialogue à distance était fructueux. Ils évoquaient régulièrement l’écriture de l’autre, çà et là, au hasard de leurs interventions en revues. Ainsi Antoine Emaz, dans Amastra-N- Gallar n° 10 :

« Lire James Sacré, c’est entrer dans un monde qui, livre après livre, devient plus familier. Rien d’hermétique, aucun mépris du lecteur, alors même que cette poésie est savante, dans son ordre. James Sacré m’a montré cela, autant que Reverdy, qui notait déjà : "Pas si simple que cela, d’être simple". Il y a un travail minutieux, mais il vise la clarté, même à travers la complexité des sensations ou des sentiments. »

Et James Sacré, Dans la parole de l’autre (Plis urgents n° 48, éditions V. Rougier) :

« Quelqu’un écrit des livres. Comme beaucoup d’autres gens. Mais tu rencontres ceux-là, les livres d’Antoine Emaz. Comment tu les as rencontrés ça n’a pas trop d’importance et ça n’explique rien. Toute rencontre est un hasard (même si le hasard a cheminé par des voies qui semblent, après coup, avoir été préparées). Ce qui étonne c’est que la rencontre brille, ou qu’elle dure. C’est à cause des livres, à cause éventuellement du visage et des façons d’être de celui qui les écrit. À cause de moi ? Oui, sans doute aussi, à cause de mes propres livres : ils entendent dans ceux d’Antoine Emaz une amitié. Une amitié comme une grande tape solide qui remettrait d’aplomb un laisser-aller (heureux, à bon compte sans doute) de mon écriture. »

L’un et l’autre n’avaient jamais encore été réunis (si l’on excepte la remarquable préface donnée par Emaz pour Figures qui bougent un peu, poésie Gallimard) dans un même ouvrage. C’est, depuis quelques mois, chose faite grâce aux éditions méridianes et à sa collection Duo. Le livre regroupe deux suites de poèmes : Sans place d’Antoine Emaz et Je s’en va de James Sacré. C’est un paysage de bord de mer, par temps calme et air vif, dans la lenteur des vagues et sous le bleu d’un ciel lumineux, qu’interroge Antoine Emaz. :

« silence
sauf le vent

rien n’a lieu
sinon des nuages parfois
des vagues

avec des yeux de sable
peut-être
on pourrait raconter


non
ce qui se perd ici

ce n’est pas du vivant
ou du mort
seulement du temps
pour personne »

James Sacré lui répond en faisant bouger sa mémoire, en lui offrant d’autres paysages, portant réconfort à celui qui vient d’exprimer son impossibilité à se trouver une place dans l’immensité de sable, de mer, de ciel qui l’entoure.

« Des souvenirs sont dans la tête, y font
Un léger bougé de vie couleurs.

On ne sait pas ce qui tient,
mais quelque chose de continué :
Tel sourire au loin dans un chandail de laine bleue
La clarté d’un regard sur le Ponte Vecchio à Florence
Le jardin qu’on vient d’y travailler.

Aujourd’hui
Quelque chose de continué tient
Pour jusqu’à demain,

(Qu’on se dit). »

Ce livre est précieux. Les apparences ne leur suffisent pas. Il leur faut creuser, détecter, déceler. Voir ce qui se cache en dessous. Résister, borner le temps qui leur est imparti. Faire confiance aux mots.

Antoine Emaz : Sans place, James Sacré : Je s’en va, éditions méridianes.
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Logo : Antoine Emaz et James Sacré au café-librairie "Le papier timbré" à Rennes, le 20 mars 2010, photo : Françoise Bauduin.

lundi 11 mai 2020

Europe Odyssée

Les voix qui s’expriment et qui s’assemblent ici sont celles de tous ceux qui ont dû fuir leur pays pour échapper à la misère et à la guerre. Le phénomène, s’il n’est pas nouveau, prend, depuis plusieurs années, une ampleur considérable. Ils viennent d’Érythrée, du Soudan, de Syrie, d’Afghanistan, d’Iran, d’Irak, d’Éthiopie ou d’ailleurs. Ils n’ont pas eu d’autre choix que de partir. Pour survivre. Pour trouver refuge là où il leur semble que ce mot signifie encore quelque chose. Et c’est vers l’Europe qu’ils font route. En traversant terres et mers semées d’embûches. Beaucoup y perdent la vie. Ceux qui parviennent à destination ne trouvent pas l’accueil qu’ils espéraient. Ce sont les camps, la jungle, les baraquements, les policiers, les barbelés, les fouilles, la faim qui les attendent.

« le seul traitement qui nous est réservé est un traitement policier
nous vivons dans des camps
nous ne pouvons pas vivre dans vos maisons
nous vivons dans ce que vous appelez une jungle
vous ne nous donnez pas le droit de vivre ailleurs
nous ne vivons pas dans des camps
nous y passons nous marchons
parfois nous y dormons
puis nous marchons le long des autoroutes » 

Le vieux continent, composés en partie d’anciens pays coloniaux, dont quelques uns vendent les armes qui détruisent les villes qu’ils ont dû quitter, les éjectent ou les parquent pour qu’ils demeurent invisibles.

« c’est la nuit, ils parlent une langue qui n’est pas la vôtre
ils dorment par terre, dans la rue
allongés les uns contre les autres pour avoir moins froid
ils fument des cigarettes en regardant les bateaux, la mer
le ciel est noir, des oiseaux passent au-dessus d’eux
ils escaladent des grillages
leurs vêtement s’accrochent aux fils barbelés »

Ce sont les mots, les paroles brèves, les phrases simples, tranchantes, chargées de bon sens, de ceux que personne ne peut (ou ne veut) entendre que répercute ici Jean-Philippe Cazier, dans un texte qui peut être lu à haute (et sans doute même à plusieurs) voix, tant il se prête à la transmission orale. Le rythme de son poème, d’abord lancinant, épouse peu à peu les flux et reflux du ressac pour devenir ce long chant syncopé qui forme chœur et qui dit (exemples à l’appui, passant du « ils » au « nous » ou au « je ») la réalité inhumaine infligée à tous les réfugiés, d’aujourd’hui ou d’hier, et le désarroi, la colère, l’incompréhension mais également l’envie (la nécessité) de se battre qui les fait tenir debout. Pour trouver, pour eux qui n’en ont plus, un bout de terre habitable.


 Jean-Philippe Cazier : Europe Odyssée, éditions Lanskine.
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samedi 2 mai 2020

Mendelsshon est sur le toit

Prague 1941. Deux ans après l’invasion de la République Tchécoslovaque par l’Allemagne nazie, Reinhard Heydrich, chef des services de sûreté du Reich, est nommé gouverneur du Protectorat de Bohème-Moravie. Il décrète immédiatement la loi martiale. Il entend faire régner l’ordre et la terreur. Pour lui, l’un ne va pas sans l’autre. Goering lui a, par ailleurs, demandé, deux mois plus tôt, de présenter un projet pour la mise en œuvre de la « solution finale ». Le livre débute au moment où Heydrich, grand mélomane, sort d’un concert et découvre, parmi les statues qui sont alignées sur le toit de la Maison de l’art allemand, celle du compositeur juif Mendelssohn.

« Soudain ses traits se tordirent dans une expression de haine et de rage féroce. Comment était-ce possible ? Qu’est-ce que c’était que cette saloperie ? Comment avait-il pu prononcer un discours dans un bâtiment dont le toit s’ornait d’une statue immonde ? Quelle honte ! Quelle humiliation ! »

Ordre est donné d’enlever sur le champ cette statue. Le problème, c’est qu’aucune d’entre elles ne porte de plaque permettant de savoir qui est qui. Il semble que le nouveau protecteur qui, en proie à une colère froide, a déjà rejoint ses appartements, soit le seul à connaître le visage de Mendelssohn. S’ensuit une série de tâtonnements pour le moins burlesques. Dans l’expectative, les deux employés qui s’occupent du déboulonnement choisissent le visage qui possède le nez le plus long. Or, il s’agit de celui de Wagner. Leur supérieur consulte alors « un juif savant » mais celui-ci s’avère incapable de le renseigner. Ce qui lui vaut en retour d’être passé à tabac.

C’est à partir de cet incident cocasse (et avéré) que Jiří Weil (1900-1960) a bâti son roman. Il lui a fallu dix ans pour parvenir à ses fins. Il ne souhaitait pas livrer un témoignage de plus mais créer une œuvre littéraire à part entière. Il suit la chronologie des événements en faisant se succéder des épisodes où l’absurde côtoie la cruauté et où rares sont ceux qui échappent à la férocité des nouveaux maîtres du pays. Les moments, saisis sur le vif, sont des instantanés de la vie à Prague sous occupation allemande. Heydrich a un but précis : la déportation en masse des familles juives vers la ville-forteresse de Terezin. Tous ses subordonnés le craignent et dans la hiérarchie nazie un chef en a toujours un autre (qui le déteste et l’humilie) au-dessus de lui. Cela Jiří Weil le rend palpable en maniant un humour mordant très efficace. Il ne peut oublier la présence de la mort. Qui rôde en permanence. Et qui, au final, happera beaucoup de ceux, personnages réels ou fictifs, qu’il met ici en scène.

« La mort guettait dans des centaines de dossiers, dans des fiches, des inventaires, des photos d’immeubles, de pavillons et d’usines. La mort avait élu domicile dans les paraphes et les signatures, les sigles et les abréviations, les tampons et les graphiques, une mort ordonnée et bien tenue, dactylographiée sans faute sur du papier ministre et des fiches de couleur. »

Elle va bientôt se déchaîner. D’abord avec l’assassinat d’Heydrich, perpétré fin mai 1942 par un commando de résistants tchèques venus de Londres, puis par les représailles qui vont suivre : des milliers d’otages sont arrêtés et beaucoup d’entre eux condamnés à mort. Les chapitres que Weil consacre à ces faits sont d’une intensité extrême. Faisant partie des rescapés, il a, après guerre, travaillé au Musée juif de Prague où il a organisé, entre autres, une exposition de dessins d’enfants de Terezin. Son roman est précédé d’un texte paru en 1958, à 700 exemplaires, et qui n’avait jamais encore été traduit. Son titre : Complainte pour 77 297 victimes. Les noms de celles-ci figurent sur les murs intérieurs de la synagogue Pinkas de Prague. L’écrivain leur rend hommage à travers une série de vignettes conçues à partir des documents qu’il a pu consulter sur place.

Mendelssohn est sur le toit, qui n’était plus disponible, est un livre essentiel. Weil saisit de l’intérieur la réalité du génocide en adoptant ce ton détaché qui l’aide à décrire le quotidien surexcité des représentants de la horde nazie et celui des habitants (notamment ceux du ghetto) qui résistent comme ils peuvent, certains de façon remarquable en créant des réseaux et en cachant des enfants juifs.
Jiří Weil est également l’auteur de Vivre avec une étoile (préface de Philip Roth, éditions Denoël, 1992). Poursuivi en tant que communiste et surtout en tant que juif, il a survécu pendant la guerre en parvenant à entrer dans la clandestinité grâce à l’aide d’amis résistants.

 Jiří Weil : Mendelssohn est sur le toit, précédé de Complainte pour 77 297 victimes, traduit du tchèque et présenté par Erika Abrams, Le Nouvel Attila.
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