« Lire James Sacré, c’est entrer dans un monde qui, livre après
livre, devient plus familier. Rien d’hermétique, aucun mépris du
lecteur, alors même que cette poésie est savante, dans son ordre. James
Sacré m’a montré cela, autant que Reverdy, qui notait déjà : "Pas si
simple que cela, d’être simple". Il y a un travail minutieux, mais il
vise la clarté, même à travers la complexité des sensations ou des
sentiments. »
Et James Sacré, Dans la parole de l’autre (Plis urgents n° 48, éditions V. Rougier) :
« Quelqu’un écrit des livres. Comme beaucoup d’autres gens. Mais tu
rencontres ceux-là, les livres d’Antoine Emaz. Comment tu les as
rencontrés ça n’a pas trop d’importance et ça n’explique rien. Toute
rencontre est un hasard (même si le hasard a cheminé par des voies qui
semblent, après coup, avoir été préparées). Ce qui étonne c’est que la
rencontre brille, ou qu’elle dure. C’est à cause des livres, à cause
éventuellement du visage et des façons d’être de celui qui les écrit. À
cause de moi ? Oui, sans doute aussi, à cause de mes propres livres :
ils entendent dans ceux d’Antoine Emaz une amitié. Une amitié comme une
grande tape solide qui remettrait d’aplomb un laisser-aller (heureux, à
bon compte sans doute) de mon écriture. »
« silence
sauf le vent
sauf le vent
rien n’a lieu
sinon des nuages parfois
des vagues
sinon des nuages parfois
des vagues
avec des yeux de sable
peut-être
on pourrait raconter
peut-être
on pourrait raconter
là
non
non
ce qui se perd ici
ce n’est pas du vivant
ou du mort
seulement du temps
pour personne »
ce n’est pas du vivant
ou du mort
seulement du temps
pour personne »
James Sacré lui répond en faisant bouger sa mémoire, en lui offrant
d’autres paysages, portant réconfort à celui qui vient d’exprimer son
impossibilité à se trouver une place dans l’immensité de sable, de mer,
de ciel qui l’entoure.
« Des souvenirs sont dans la tête, y font
Un léger bougé de vie couleurs.
Un léger bougé de vie couleurs.
On ne sait pas ce qui tient,
mais quelque chose de continué :
Tel sourire au loin dans un chandail de laine bleue
La clarté d’un regard sur le Ponte Vecchio à Florence
Le jardin qu’on vient d’y travailler.
mais quelque chose de continué :
Tel sourire au loin dans un chandail de laine bleue
La clarté d’un regard sur le Ponte Vecchio à Florence
Le jardin qu’on vient d’y travailler.
Aujourd’hui
Quelque chose de continué tient
Pour jusqu’à demain,
Quelque chose de continué tient
Pour jusqu’à demain,
(Qu’on se dit). »
Ce livre est précieux. Les apparences ne leur suffisent pas. Il leur
faut creuser, détecter, déceler. Voir ce qui se cache en dessous.
Résister, borner le temps qui leur est imparti. Faire confiance aux
mots.
Antoine Emaz : Sans place, James Sacré : Je s’en va, éditions méridianes.
Antoine Emaz : Sans place, James Sacré : Je s’en va, éditions méridianes.
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Logo : Antoine Emaz et James Sacré au café-librairie "Le papier timbré" à Rennes, le 20 mars 2010, photo : Françoise Bauduin.
Toujours intéressant un dialogue au fil du temps entre poètes. Dans la poésie de l'autre, en lisant l'autre en poète, on élargit sa propre écriture. Merci Jacques de cette note.
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