Claude Pélieu est mort le 24 décembre 2002 à Norwich, dans l’état de New York. Le poète, auteur, entre autres, du Journal blanc du hasard (Christian Bourgois, 1969), de Jukeboxes (10/18, 1972), de Trains de nuit (Le Cherche-midi, 1979), de Légende noire (Le Rocher, 1991) ou de Soupe de lézard (La Digitale, 2000) s’éclipsait en laissant derrière lui une œuvre foisonnante qui s’avère plus que jamais capable de parler et de transmettre son énergie à des lecteurs toujours étonnés par cette capacité qu’il avait à ramasser, en quelques vers, des morceaux de réalité susceptibles de devenir bloc, pierre, pile électrique et pièce unique du grand puzzle tout à la fois.
Restait à se retrouver, à se repérer dans ce vaste chantier qui ne cesse de déborder pour aller de la poésie aux collages en passant par le mail art et la traduction. C’est cet éclairage judicieux qui nous est proposé tout au long de Je suis un cut-up vivant, ouvrage collectif qui parait aux Editions L’Arganier et sur lequel le poète Alain Jégou a longuement travaillé depuis la mort de son ami Pélieu. Multipliant les rencontres et les contacts, il a pu, au fil du temps, restituer le formidable réseau créatif que Claude Pélieu et Mary Beach, sa compagne (décédée en 2006), avaient tissé autour d’eux. Le centre de gravité de ce réseau reste d’ailleurs très mobile. Il se déplace en même temps que le couple Pélieu-Beach (en 1993, ils en étaient à leur 65ième déménagement) transitant de Paris à San Francisco ou à New York avec, çà et là, de courtes escales européennes (hormis à Londres où ils vécurent plusieurs années).
Ce parcours fut d’autant plus propice aux rencontres que très tôt, dès son départ pour les U.S.A., qui intervient peu après son retour d’Algérie (« ces trois années passés dans l’armée pendant la guerre d’Algérie ont été pour moi une catastrophe. Quand j’ai été démobilisé, j’ai cherché un peu partout en Europe un autre pays pour vivre. Il n’y en avait aucun qui me convenait. »), Pélieu s’est mis à traduire, en compagnie de Mary Beach, les poètes de la « beat generation ». On leur doit de nombreux titres de William Burroughs, d’Allen Ginsberg, de Bob Kaufman, de Lawrence Ferlinghetti et d’Ed Sanders (tous chez Christian Bourgois)…
Retracer le périple rageur de Pélieu n’est pas simple. Ce livre s’y aventure en ne se plaçant jamais (et c’est une de ses forces) sur le terrain conventionnel des hommages. Peintres, poètes, musiciens, cinéastes montrent combien l’œuvre reste vivante, hargneuse, tonique, en prise directe avec le présent. Outre les interventions (on y lira avec émotion Henri Chopin et Théo Lesoualc’h, tous deux décédés avant la publication mais aussi Ferlinghetti, Jacques Villeglé, Barry Miles, Carl Weissner, Erro, Ed. Sanders, Gérard Malanga, Charles Plymell, F.J. Ossang, Lucien Suel et de nombreux proches du poète, collagiste et traducteur), outre ces multiples témoignages, l’ensemble offre deux superbes entretiens de Pélieu et de Mary Beach avec Bruno Sourdin ainsi qu’un choix de lettres. Sans oublier les collages (il en réalisa plusieurs centaines durant les dernières années de sa vie) et l’ébauche (par Benoît Delaune, son dernier éditeur, à l’enseigne de La Notonecte à Rennes) d’une bibliographie de l’auteur des Tatouages mentholés et cartouches d’aube (10/18, 1973).
Le titre est on ne peut plus significatif de la démarche de celui qui, selon Carl Weissner, est sans doute encore capable de « continuer à rire dans le noir ». Le cut-up, cher à Brion Gysin et à Burroughs, il l’a non seulement expérimenté dans ses textes, en coupant, découpant, collectant, récupérant, recollant, mixant des milliers de flashes, mais également à travers ses collages et dans les nombreuses cartes postales qu’il aura, des années durant, expédiées dans le monde entier.
« Beckett disait du cut-up que c’était de la plomberie et Burroughs lui répondait : il faut des plombiers… Moi, j’ai moins de souci d’esthétique que certains nouveaux collagistes et je suis en dehors du problème peinture-peinture. Pour moi, le collage, c’est écrire avec des images. Si j’avais été plus jeune, j’aurais peut-être été prendre un cours de vidéo et je ferais tout en vidéo. » (C.P., entretien avec Bruno Sourdin).
Publié en même temps que ce livre collectif, chez le même éditeur, La Crevaille, ultime texte de Claude Pélieu, présenté par Pierre Joris.
Restait à se retrouver, à se repérer dans ce vaste chantier qui ne cesse de déborder pour aller de la poésie aux collages en passant par le mail art et la traduction. C’est cet éclairage judicieux qui nous est proposé tout au long de Je suis un cut-up vivant, ouvrage collectif qui parait aux Editions L’Arganier et sur lequel le poète Alain Jégou a longuement travaillé depuis la mort de son ami Pélieu. Multipliant les rencontres et les contacts, il a pu, au fil du temps, restituer le formidable réseau créatif que Claude Pélieu et Mary Beach, sa compagne (décédée en 2006), avaient tissé autour d’eux. Le centre de gravité de ce réseau reste d’ailleurs très mobile. Il se déplace en même temps que le couple Pélieu-Beach (en 1993, ils en étaient à leur 65ième déménagement) transitant de Paris à San Francisco ou à New York avec, çà et là, de courtes escales européennes (hormis à Londres où ils vécurent plusieurs années).
Ce parcours fut d’autant plus propice aux rencontres que très tôt, dès son départ pour les U.S.A., qui intervient peu après son retour d’Algérie (« ces trois années passés dans l’armée pendant la guerre d’Algérie ont été pour moi une catastrophe. Quand j’ai été démobilisé, j’ai cherché un peu partout en Europe un autre pays pour vivre. Il n’y en avait aucun qui me convenait. »), Pélieu s’est mis à traduire, en compagnie de Mary Beach, les poètes de la « beat generation ». On leur doit de nombreux titres de William Burroughs, d’Allen Ginsberg, de Bob Kaufman, de Lawrence Ferlinghetti et d’Ed Sanders (tous chez Christian Bourgois)…
Retracer le périple rageur de Pélieu n’est pas simple. Ce livre s’y aventure en ne se plaçant jamais (et c’est une de ses forces) sur le terrain conventionnel des hommages. Peintres, poètes, musiciens, cinéastes montrent combien l’œuvre reste vivante, hargneuse, tonique, en prise directe avec le présent. Outre les interventions (on y lira avec émotion Henri Chopin et Théo Lesoualc’h, tous deux décédés avant la publication mais aussi Ferlinghetti, Jacques Villeglé, Barry Miles, Carl Weissner, Erro, Ed. Sanders, Gérard Malanga, Charles Plymell, F.J. Ossang, Lucien Suel et de nombreux proches du poète, collagiste et traducteur), outre ces multiples témoignages, l’ensemble offre deux superbes entretiens de Pélieu et de Mary Beach avec Bruno Sourdin ainsi qu’un choix de lettres. Sans oublier les collages (il en réalisa plusieurs centaines durant les dernières années de sa vie) et l’ébauche (par Benoît Delaune, son dernier éditeur, à l’enseigne de La Notonecte à Rennes) d’une bibliographie de l’auteur des Tatouages mentholés et cartouches d’aube (10/18, 1973).
Le titre est on ne peut plus significatif de la démarche de celui qui, selon Carl Weissner, est sans doute encore capable de « continuer à rire dans le noir ». Le cut-up, cher à Brion Gysin et à Burroughs, il l’a non seulement expérimenté dans ses textes, en coupant, découpant, collectant, récupérant, recollant, mixant des milliers de flashes, mais également à travers ses collages et dans les nombreuses cartes postales qu’il aura, des années durant, expédiées dans le monde entier.
« Beckett disait du cut-up que c’était de la plomberie et Burroughs lui répondait : il faut des plombiers… Moi, j’ai moins de souci d’esthétique que certains nouveaux collagistes et je suis en dehors du problème peinture-peinture. Pour moi, le collage, c’est écrire avec des images. Si j’avais été plus jeune, j’aurais peut-être été prendre un cours de vidéo et je ferais tout en vidéo. » (C.P., entretien avec Bruno Sourdin).
Publié en même temps que ce livre collectif, chez le même éditeur, La Crevaille, ultime texte de Claude Pélieu, présenté par Pierre Joris.
Je suis un cut-up vivant, préface de Alain Jégou, éd. L’Arganier.
L'ouvrage peut être commandé (24,40 € port compris) chez Alain Jégou : 33 bd de l’océan - Le Fort Bloqué - 56270 Ploemeur.
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