C’est à Marie Depussé que s’adresse ainsi Angela Lugrin. Elle se
donne une nuit d’été (ou plus) pour lui écrire cette longue lettre qui
va lui permettre de remonter le temps en revenant d’abord sur leur
première rencontre.
« Au mois de mai, j’entre dans le dernier cours de l’année de Marie
Depussé auquel je suis inscrite depuis septembre, pour comprendre en
quoi consiste l’examen. »
Ce qui la fascine alors, elle qui considérait « l’université comme la
chambre mortuaire de la pensée », ce sont, pêle-mêle, le visage
avenant, la grande liberté qui se dégage du corps de celle qui donne le
cours et surtout sa voix et ce qu’elle transmet, avec sensualité et
simplicité, en incitant à la réflexion.
« Ce jour-là, je vous rencontre et je vous aime. »
L’attrait est discret et réciproque. Quand Angela Lugrin travaille
sur Bonnefoy et sur le Quattrocento, puis sur les figures maternelles
chez Duras, c’est Marie Depussé qui devient sa directrice de mémoire.
Plus tard, celle-ci lui proposera un poste de chargé de cours à Paris
VII, en complément de celui qu’elle exerce en tant que professeur en
collège.
Elle avance dans sa lettre et dans le temps en parvenant à dessiner
le portrait de celle qui, outre l’enseignement de la littérature à
l’université et en milieu carcéral, est également psychanalyste à la
clinique de La Borde et auteur de six livres chez P.O.L. Un parcours à
l’écoute des autres. Un itinéraire où la parole juste, précise, apaisée,
s’avère nécessaire. C’est cela qu’elle saisit, dans un texte qui se
promène, par petites touches, dans la vie et l’œuvre d’une femme en qui
elle reconnaît avoir cherché la mère qu’elle aurait aimé avoir.
« Chez ma mère, la parole est inévitablement du côté du meurtre, et
la vôtre du côté de l’assassin. Ce qui n’est pas la même chose. Votre
parole est combative, elle se manifeste auprès des êtres abîmés mais
vous ne prêchez pas l’assassinat. »
La réflexion est en permanence au centre de cette lettre qui se
transforme en premier livre. Elle invite au dialogue, y compris avec
soi-même. Angela Lugrin dit, au fil des pages, qui elle est, sans jamais
s’appesantir. Il y a ses joies, ses échecs, son travail, la musique
punk, ses filles mais surtout cette quête d’un bien-être qui passe par
la relation aux autres et dans laquelle la présence rassurante de Marie Depussé est essentielle.
« Il y a quelque chose d’ininterrompu en vous. Il me semble que vous
n’avez jamais renoncé à votre beauté et que celle-ci s’accorde
parfaitement à votre décision. Des larmes ont peut-être été versées.
Vous avez épousé la solitude et le déchirement des fous. »
Angela Lugrin, Marie, post-scriptum de Marie Depussé, éditions Isabelle Sauvage.
Angela Lugrin, Marie, post-scriptum de Marie Depussé, éditions Isabelle Sauvage.
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