Il faudrait dénouer ces liens serrés qui nous font trop souvent tourner
autour d’une réalité appauvrie. Tenter de retrouver nombre
d’automatismes d’enfance largués en cours de route. Oser les dévoiler et
les revivifier. Pour ce faire, pour réparer ces instincts qui tardent à
répondre, pour les inciter à jouer de nouveau avec le corps et la
pensée, il y a la poésie d’Anne-Marie Beeckman. La simplicité ardente
qui l’habite ouvre des espaces de liberté. Chaînes, frontières et
parti-pris volent en éclats en une fraction de seconde. Elle nous
embarque d’Afrique en Laponie avec légèreté. Elle arpente les couloirs
du vent. Sait que le ciel peut se refléter au fond d’un puits mais que
cela ne suffit pas pour que les étoiles s’y noient. Elle se place du
côté de la vie. Reste aux aguets, attentive aux moindres frémissements.
Ceux-ci peuvent venir de l’herbe, d’un arbre, d’un insecte, du ciel,
d’un oiseau, d’un cheval. Il faut capter et noter ce qu’ils suscitent en
touchant l’émotion, la sensualité, le désir.
« Elle et toi. Je pourrais étoiler de sang vos deux chairs. La ronce
se fourre dans mon ventre. Je veux dire fourrure, gant de velours qui me
ferre le cœur. »
On détecte griffures et traces de sang. Règles animales. Mais aussi
pollen et douceur. Mise en adéquation du regard et du geste. Glissements
dans un corps léger. Mouvements agréables entre des eaux claires, au
début de l’aube ou sur le versant le plus lumineux du soir, quand elle
s’approche (de page en page) de ce lieu transparent, de cette faille qui
donne sur un monde qui est là (avec ses loups, ses rivières, ses
tanières) et que nous ne voyons pourtant pas.
« Un tigre passe dans le rire de l’herbe
qui secoue ses plumes vertes,
ses cargaisons d’oiseaux.
La paupière retombe et c’est minuit dans l’os. »
qui secoue ses plumes vertes,
ses cargaisons d’oiseaux.
La paupière retombe et c’est minuit dans l’os. »
Il y a chez Anne-Marie Beeckman
une grande capacité à s’émouvoir et à s’émerveiller en assumant
pleinement ces morceaux d’irréalité qui font briller sa rétine. Son
écriture est inventive. Et son imaginaire sous tension. Elle le nourrit
parfois aux contacts de certains artistes. Ainsi sa rencontre avec Louis Pons.
Qui débouche sur un triptyque poétique en ouverture duquel elle dit
(usant de cette langue sereine et stimulante qui est sienne) combien
les différentes compositions du plasticien deviennent pour elle « source
perpétuelle de réenchantement ».
« Je vous suis redevable de beaucoup d’émotions et de contradictions,
ce qui est très agréable. Je savoure dans tout ce que vous faites la
mise en images des glissements continuels des catégories. Mise en images
des mirages vrais, de l’absence des frontières, de l’unicité du monde,
bref, du territoire de la poésie. »
Elle lui offre lettre, poèmes et fragments dans un second livre,
superbe, rehaussé d’une dizaine de reproductions, qui paraît en même
temps que Le ciel & autres contes.
Anne-Marie Beeckman : Le Ciel & autres contes, Pierre Mainard éditeur, 11 Boulevard de Gaujac, 47600 Nérac et Louis Pons / Rat club / Section autonome, éditions des deux corps, 35 rue François-Charles Oberthür, 35000 Rennes.
Anne-Marie Beeckman : Le Ciel & autres contes, Pierre Mainard éditeur, 11 Boulevard de Gaujac, 47600 Nérac et Louis Pons / Rat club / Section autonome, éditions des deux corps, 35 rue François-Charles Oberthür, 35000 Rennes.
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