« Lumières
attardées / dans quelques maisons // dernières braises / dans
l'âtre des rires // qui déroutent la solitude »
Alain Le Beuze, Ouessant
C'est
l'heure où les phares du Stiff, de la Jument, de Nividic, de Kereon
et du Créac'h s'assemblent et broient tout le noir alentour pour
traverser puis cisailler d'une simple lame rouge, jaune ou blanche
des murs de brumes ou de pluies serrées. Ils jettent les feux de
leur lanterne au-delà de la ligne d'horizon, loin, de part et
d'autre de ce rail invisible conçu pour guider les cargos,
pétroliers et porte-conteneurs qui viennent ou s'en retournent,
certains du Panama ou de mer de Chine, d'autres de New York ou de
Singapour. Tous ont coché sur leur feuille de route une escale
rapide (chargement / déchargement) dans les parages, près des docks
illuminés de Rotterdam, de Hambourg ou de Valence …
C'est
aussi l'heure où d'autres lumières
clignotent au ras de l'eau, ricochant sur les premières vagues avant
de se perdre dans des rouleaux d'écume. Certains disent que ces
petits braseros à la mèche si vite éteinte sortent des amas de
bois et de ferraille rongés qui jalonnent le pourtour de l'île. Il
y a dans leurs mots, entrecoupés de longs silences, durant lesquels
ils boivent un dernier verre ou rallument un mégot qui dure, des
noms de disparus, proches ou lointains qui, selon eux, reviennent du
fond des mers vriller à leur façon la mémoire poreuse de ceux qui
ont failli en ne prenant pas la peine de détacher un canot pour
descendre, en leur honneur, un casier lesté, comprenant une bourriche
d'huîtres accompagnée d'un litre de muscadet de Sèvres et Maine, à
l'endroit même où, dans les remous et les courants contraires, leur
bateau a chaviré puis coulé, par gros temps, il y a dix, vingt ou
cent ans.
"Sahara Iroise
est un livre où les voix se mêlent mais surtout se répondent.
Quand j'ai soumis le projet à Jacques Josse (poète et prosateur),
Alain Le Beuze (poète) et Maya Mémin (artiste), l'idée s'imposa
que les trois voix devaient créer leur ligne en co-résonance, en
tout cas jaillir ensemble. Chacun joue et écrit sa partie, et le but
est cette friction d'imaginaires, sorte de cadavre exquis à trois
têtes, de marée à trois mouvements." Alain Le Saux
Sahara Iroise,
Alain Le Beuze, Jacques Josse, Maya Mémin, éditions S'emmêler, 17
€ l'exemplaire (chèque à libeller au nom de l'association
Verticale, 137 rue Robespierre, 29200 Brest. Contact :
diascorn.kathy9@gmail.com
ou ale-saux@orange.fr
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