La mort dure longtemps. Et quand elle débarque, emportant tout, il est
déjà trop tard pour savoir de quel bois elle se chauffe, et vers quelle
étoile elle s’en va, et qui sont les oiseaux qui l’accompagnent, et que
sont devenus entre ses doigts ces 21 grammes qui manquent au corps au
moment du pesage final.
« j’invoque un droit
d’asile
faute de savoir »
Il est préférable, afin de mieux la connaître, d’improviser au
préalable un bout de chemin à ses côtés. Ceci est rendu d’autant plus
facile qu’il lui arrive fréquemment de rôder dans les parages de toute
vie, émettant çà et et là des signes concrets, délivrant quelques
messages cousus de fil blanc, passant de l’ombre à la lumière en
adressant un clin d’œil à celui à qui elle n’accorde d’abord que de
courtes visites de courtoisie.
À lui de saisir le sens de ces approches, de s’en imprégner, de se
préparer. C’est ce que fait patiemment Guy Benoit. Il sait qu’il faut
« mourir à point ». Ni trop tôt, ni trop tard. Avec en tête l’idée que
« les morts continuent de mourir ».
« l’incertain
ne s’arrête jamais
subtil
vaporeux
derrière le voile
des absents »
C’est là qu’il aime se tenir. Debout. À l’affût. Regardant la
faucheuse vaquer avec méthode tout autour. Elle le frôle. Elle passe
d’un versant à l’autre. Elle s’apprête à jeter un pont entre les deux
rives. Il la voit, la sent, l’interroge. Il en parle avec calme. Avec
des mots simples, légers et flexibles. Ne cachant pas la tension qui
monte en lui et qui s’échappe parfois de son corps pour s’en aller
jouer avec l’apesanteur, là-haut, entre les bruissements des fauvettes
en balade et le crépitement des étoiles qui « brûlent les morts ».
Guy Benoit : Ma mort reconnaîtra (sans qu’on sache le versant), fusains de Marc Girard, Les Hauts-Fonds.
Né en 1941 à Laval, Guy Benoit a publié une quinzaine de livres en un
peu plus de quatre décennies. Il est le créateur de la revue et des
éditions Mai Hors saison où se retrouvent, entre autres, Francis Giauque, Théo Lesoualc’h et Paul Valet.
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