Jean-Paul Bota est un flâneur un peu particulier. Il arpente – carnet de
notes à la main – les musées comme d’autres les sous-bois et l’étonnant
est que les premiers l’aident à retrouver assez souvent, et
instantanément, la fraîcheur ou la pénombre des seconds. « Quelqu’un en
moi s’éloigne », dit-il, quelqu’un qui profite sans doute d’une fenêtre
entrouverte dans l’œuvre qui lui fait face pour se porter au dehors en
un clin d’œil.
Il débute ses promenades improvisées par un éloge de la sieste, qu’il
pratique tous sens en éveil, convoquant pour cela quelques tableaux
qu’il garde gravés dans sa mémoire et qu’il se repasse pour l’occasion.
Ce peut être un couple de paysans allongés près d’une meule (et surpris
par Van Gogh, à Saint-Rémy, en mai 1890), ou une Femme étendue sous un arbre,
peinte par Soutine, ou une autre, alanguie, vue par Matisse dans un
intérieur à Collioure, ou certaines des siestes saisies par Bonnard,
avec chaise longue et table garnie de sortie, ou encore celles,
champêtres et apaisantes, sous les arbres, près des vaches, restituées
par Courbet à la période des foins sur les hauts-plateaux du Doubs. À
chaque fois, le temps se fige, les montres font relâche et l’écrivain
poursuit sa route en se rendant en zigzag du côté de Montparnasse, de
Pont-Aven, de Port Lligat ou de Lascaux.
Il circule à travers les siècles en changeant aisément de lieux et de
saison. Et ce grâce aux artistes qu’il visite. À l’atelier ou au musée,
sans oublier de brèves incursions dans leur vie secrète, le temps de
ramener à la surface des anecdotes ou des éléments biographiques. Il
s’étonne, s’exclame et ricoche d’une œuvre à l’autre sans en dire plus
qu’il ne faut. Ses annotations restent concises. Il les aligne avec
une vivacité fébrile, en une sorte de coq à l’âne qui bruisse de savoir
et de curiosité. Cela donne un ouvrage très foisonnant. Ciselé par un
auteur discret et généreux qui va chercher les pépites là où elles se
nichent, sachant qu’il y trouvera également une part de lui-même, celle
qui se cache entre enfance, imagination et mémoire des lieux habités.
Jean-Paul Bota : La pluie à la fenêtre du musée, dessins de Jacques Le Scanff, PROPOS2 éditions.
Logo : Henri Matisse, Intérieur à Collioure (La Sieste), 1905.
Logo : Henri Matisse, Intérieur à Collioure (La Sieste), 1905.
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