C’est une voix discrète. Qui porte sans jamais hausser le ton. Ce
qu’elle dit est fragile et précieux. Cela a à voir avec ce que l’œil
saisit. Il peut être ébloui. Et changer d’axe en une seconde. Non sans
avoir, au préalable, attiser la pensée ou la mémoire de celle qui
observe. Elle le fait avec tous ses sens en état d’alerte. Ce sont eux
qui sont sollicités. Ils s’aiguisent pour éviter les débordements. Ils
se nourrissent de ces paysages (en bord de mer, dans les champs ou en
ville) que Denise Le Dantec fait entrer dans ses poèmes en les recousant
à sa manière.
« J’ouvre une phrase. Le monde est là. Une grande roue éclairée rouge.
La fenêtre est ouverte. J’entends tomber la pluie. Je couvre de la main. La page comme une fleur.
Une rose de septembre. Constellée de rousseur et d’or.
Ma main. La fleur. J’aurais voulu. »
La fenêtre est ouverte. J’entends tomber la pluie. Je couvre de la main. La page comme une fleur.
Une rose de septembre. Constellée de rousseur et d’or.
Ma main. La fleur. J’aurais voulu. »
Ce sont des fragments habités et bien vivants. Découpés au ciseau du
regard, liés à l’instant où ils apparaissent. Ordinaires et immédiats,
ils offrent des points d’appui à une pensée qui bouge sans cesse. Qui
va de l’un à l’autre – du brin d’herbe à l’arbre, du fossé à la
grève, du ciel bleu ou tourmenté à la terre humide ou de l’enseigne au
trottoir – en ouvrant, à chaque fois, de nouvelles routes. Celles-ci,
bordées d’énigmes, d’odeurs secrètes, de retours d’enfance, de lectures
fondatrices, de sensations retrouvées, de bribes de voyages, de lieux
précis ou d’images fugitives viennent, par saccades, revivifier un
présent entièrement dédié aux mots.
« Une fin d’été. Une citation d’absence. Au ciel, une proposition nacrée, auxiliée de rose. Ou beige. Ou pivoine. Ou safran.
Je traverse le soleil. Un brusque feu. Ça brûle.
Il y a beaucoup de fleurs là où je marche. Des dahlias. Magiques.
Tachetés.
Je dois apporter le poème.
Dahlias. Feu. Soleil.
On ne jardine pas à l’apogée de la lune. »
Je traverse le soleil. Un brusque feu. Ça brûle.
Il y a beaucoup de fleurs là où je marche. Des dahlias. Magiques.
Tachetés.
Je dois apporter le poème.
Dahlias. Feu. Soleil.
On ne jardine pas à l’apogée de la lune. »
Les herbes, les fleurs, l’espacement dans le paysage, les talus
récepteurs d’eau et toute la faune invisible – tous les insectes, les
larves minuscules – qui couve, naît, butine, respire tout autour, sont
(entre autres) très présents chez Denise Le Dantec. Ces signes, ces
traces qu’elle cisèle et imprime dans ses poèmes mettent en lumière –
en un canevas subtil – tout ce qui foisonne de vie sur terre.
Denise Le Dantec : La seconde augmentée, éditions Tarabuste.
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